Inondations en Montérégie - Faire comme avant
Josée Boileau 31 mai 2011 Villes et régions
La Montérégie n'a pas fini d'avoir les pieds dans l'eau que, déjà, certains maires y vont de mises en garde: il ne faudrait surtout pas interdire de reconstruire des maisons en zones inondables. Même les drames ne viennent donc pas à bout de la gestion à court terme qui, on le pressent déjà, aura son effet sur le gouvernement Charest?
À l'unanimité, les maires des municipalités sinistrées le long du Richelieu veulent rencontrer le ministre de l'Environnement, a-t-on appris la semaine dernière. Ils entendent s'assurer ainsi que Québec leur permettra de faire fi de la loi qui interdit de rebâtir en zone inondable. Ils évoquent la crainte de villages fantômes, mais ce sont les taxes perdues qui les font frémir.
C'est pourtant ce même souci de taxation qui explique une partie de la situation actuelle. Les Québécois, comme bien des Nord-Américains, sont prêts à payer cher pour avoir une maison au bord de l'eau. Les promoteurs le savent, font pression sur les villes, celles-ci salivent en voyant les revenus qu'elles pourront en tirer. On se rassure avec des études calculant le rythme des catastrophes «une fois aux 100 ans» et, contournant la loi, on finit par délivrer un permis de construire. «Ça peut prendre du temps, mais tous les permis sont donnés», racontait au Devoir il y a deux semaines une spécialiste des milieux humides qui connaît bien la gestion des rives du Richelieu.
L'acheteur, lui, fait confiance à l'administration municipale, ou bien s'en moque pas mal. Une fois la vente conclue, tout le monde est sûr d'avoir tiré le billet gagnant. Jusqu'au jour où Mère Nature se déchaîne et que ça déborde...
Cette fois, la catastrophe est trop importante pour que le retrait des eaux signe un simple retour à la normale. Il y aura des normes à revoir. Pour certains, et c'est l'explication à laquelle se raccrochent les maires, il suffit de resserrer les critères de construction: bâtir des maisons sans sous-sol ou sur pilotis, par exemple. Solution rassurante, mais qui contourne complètement le fond du problème.
Pas plus tard qu'en mai 2010, un rapport passé inaperçu a fait état de l'impact que les changements climatiques auront au cours de ce siècle sur le lac Champlain, rappelait ces derniers jours l'Agence Science-Presse. Le directeur du Programme du bassin du lac Champlain ne craint pas d'associer le désastre de cette année à ces changements dont, dit-il, on voit «des signes depuis 15 à 20 ans». Il ne faudra pas un siècle pour que le risque de débordement revienne. Le savoir oblige à faire des choix.
Samedi, le premier ministre Jean Charest a annoncé la création de trois équipes pour gérer l'après-inondation. L'une d'elles, qui regroupe cinq ministères, se penchera sur le réaménagement du territoire. Mais, a aussitôt assuré M. Charest, elle travaillera avec ouverture, sans idée préconçue.
C'est dommage. Il aurait été préférable de dire que l'équipe aura soin de vérifier si des autorisations de construire n'ont pas été abusivement accordées dans le passé; qu'elle se fiera aux plus récentes données scientifiques pour définir une zone à risque d'inondation; qu'elle fera passer la science avant les pressions des élus, promoteurs ou citoyens. Et qu'elle résistera à l'envie, comme certains l'y invitent, de simplement dire à ceux qui sont prêts à courir tous les risques qu'ils n'auront qu'à payer eux-mêmes les dégâts le jour où l'eau montera de nouveau — comme si un tel engagement allait empêcher les appels à l'aide!
Mais établir de telles prémisses implique à l'avance de mécontenter des électeurs. Et ce risque-là, on le sait déjà, le gouvernement n'est pas prêt à le courir.
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