Bastarache : l'écoeurement
Richard Martineau
Je savais que ça s'en venait, je le sentais monter en moi depuis un bout de temps. J'ai tout essayé pour combattre cette idée, cette émotion, mais il est trop tard, maintenant, ça y est, je suis en plein dedans, je ne peux rien y faire, c'est plus fort que moi. Je ne crois plus personne en politique. Je ferme la shop, merci, bonsoir.
Qui dit vrai ?
Quand ce n'est pas l'aspirante mairesse Louise Harel qui achète un condo de luxe dans un complexe immobilier qu'elle n'a cessé de critiquer, c'est Jean Charest qui «oublie» d'être intervenu auprès du ministre de la Justice lors du procès des Hell's en octobre 2003 ou c'est l'exministre Marc Bellemare qui affirme n'avoir jamais demandé à Franco Fava de financer sa course à la mairie de Québec alors qu'un avocat affirme le contraire.
Comment voulez-vous croire les politiciens, après ça ?
«Tu mens !», «Non, c'est toi qui mens !», «Non, c'est toi!», «J'étais pas là», «Pas vrai, tu y étais, je m'en souviens, j'étais présent», «Je ne l'ai jamais rencontré», «Oui, tu l'as rencontré», etc., etc.
Le premier ministre dit une chose, son attaché politique affirme le contraire; Marc Bellemare fait une déclaration sous serment, des témoins le contredisent, bref, on ne sait plus qui dit vrai, qui dit faux.
La commission Bastarache était censée faire la lumière sur les agissements des hommes qui dirigent la province, elle ne fait qu'agrandir la zone d'ombre.
Perte de confiance
À force de voir ces personnages prétendument honorables se contredire, se traiter de menteur et se pointer du doigt, on a une seule envie : fermer la télé et passer à autre chose.
«Le cynisme consiste à voir les choses telles qu'elles sont et non telles qu'elles devraient être», écrivait Oscar Wilde.
Eh bien, si c'est ça, je suis cynique.
J'aimerais croire aux politiciens, mais je ne peux pas, je ne peux plus.
Même Marc Bellemare, que je trouvais pourtant crédible, me donne l'impression d'avoir un agenda caché.
Sa chronologie des faits laisse à désirer, il a de la difficulté à préciser certaines dates, il dit avoir été informé de l'implication de l'organisateur libéral Guy Bisson dans le scandale des commandites à l'été 2003, alors que les premières informations concernant cette histoire sont sorties en mars 2005...
Bref, je n'ai plus confiance en personne.
J'ai l'impression que tous les acteurs de cette farce ont quelque chose à cacher.
Une attitude dangereuse
Le politologue Christian Dufour m'a souvent mis en garde contre les dangers du cynisme. «Non seulement ça ne mène nulle part, mais ça peut être extrêmement dangereux», m'a-t-il dit de nombreuses fois.
Je veux bien, Christian, mais on fait quoi ? On continue de se faire remplir comme des gourdes ? On continue de croire qu'il est possible de faire de la politique honnêtement alors que l'actualité nous prouve le contraire jour après jour après jour ?
Oscar Wilde (qui avait le sens de la répartie) a lancé une autre belle phrase sur le cynisme : «Le cynisme, c'est connaître le prix de tout et la valeur de rien.»
C'est exactement ce que je pense de la politique.
Je sais ce qu'elle coûte, mais je ne sais plus ce qu'elle vaut.