tipet a écrit
Je me rapelle qu'il y avait sa pub pour Via Rail qui lui avait valu une réprimande, et aussi une histoire de conflit d'intérêt. Je me souviens plus trop, mais me semble qu'elle n'avait pas dit qu'une psychiâtre experte interrogée par la cour était une de ses grande amie ou de quoi du genre...me souviens vraiment plus
Petite recherche...
http://www.ledevoir.com/2004/12/08/70262.html
Affaire Ruffo - Être juge, c'est renoncer à certains privilèges
Patrice Garant
Professeur de droit public à l'Université Laval
Édition du mercredi 8 décembre 2004
Non, Mme la juge Ruffo, le Conseil de la magistrature du Québec a raison! Le Canada a la réputation d'avoir une magistrature intègre et douée d'une éthique exemplaire. Le fédéral et la plupart des provinces ont un conseil de la magistrature et les juges judiciaires ou administratifs sont soumis à un code de déontologie exigeant.
Si, fort heureusement, les plaintes contre nos juges sont peu nombreuses, les sanctions aussi sont rares; ainsi, par exemple, en 2003-04, le Conseil canadien de la magistrature, qui a compétence sur 1035 juges, a reçu 138 plaintes, dont seulement trois ont justifié une enquête plus poussée. Néanmoins, la déontologie, en plus d'avoir une valeur symbolique, est la garantie d'une justice intègre et sereine de la part de juges conscients de leur rôle unique dans la société. Et, pour jouer ce rôle d'arbitres des droits et libertés en toute dignité, ils renoncent à certains privilèges qu'ils auraient comme simples citoyens.
Ainsi, ils sont assujettis à un ensemble de règles du droit public portant sur l'impartialité, les conflits intérêts; ils ont une obligation de réserve qui restreint à certains égards leur liberté d'expression, voire leur liberté de mouvement; ils sont même assujettis, en société, à un certain devoir d'exemplarité.
Récemment, plusieurs affaires ont soulevé la question de savoir si nous ne sommes pas trop sévères ou trop exigeants pour nos juges. Je ne le crois pas. [...]
Mme la juge Ruffo est une habituée du Conseil de la magistrature du Québec. Elle a fait l'objet de très nombreuses plaintes et d'une première condamnation (réprimande) dès 1990. Ont suivi diverses contestations judiciaires devant la Cour supérieure, la Cour d'appel et la Cour suprême; ces divers paliers lui ont tous donné tort. À la suite de nouvelles plaintes récentes, le Conseil de la magistrature a recommandé sa destitution le 28 octobre 2004. [...]
Le Comité du Conseil explique sa sévérité en citant abondamment la Cour suprême, qui a bien situé l'importance de la déontologie dans le célèbre arrêt Ruffo en 1995 : «La règle de déontologie, en effet, se veut une ouverture vers la perfection. Elle est un appel à mieux faire, non par la sujétion à des sanctions diverses, mais par l'observation de contraintes personnellement imposées.» Dans l'arrêt Moreau-Bérubé, en 2002, une cour unanime écrit : «La population exigera donc de celui qui exerce une fonction judiciaire une conduite quasi irréprochable. À tout le moins exigera-t-on qu'il paraisse avoir un tel comportement. Il devra être et donner l'apparence d'être un exemple d'impartialité, d'indépendance et d'intégrité. Les exigences à son endroit se situent à un niveau bien supérieur à celui de ses concitoyens.»
De la réserve même dans le privé
Mme Ruffo s'est vouée avec ardeur depuis des années à la défense des droits des enfants par son travail judiciaire, ses écrits et les nombreuses conférences qu'elle a prononcées au Canada et à l'étranger. Cela a été reconnu par la Cour suprême et le Conseil de la magistrature.
Dans ses diverses activités, elle a constamment utilisé son titre de juge. Or, suivant notre conception de la déontologie judiciaire, un juge est assujetti au Code en tout temps, même dans sa vie privée. Mme la juge ne pouvait se placer à sa guise au-dessus de la loi. Par exemple, son zèle pour la protection des enfants ne pouvait en aucune manière justifier les propos blessants, voire acrimonieux, qu'elle a tenus à l'endroit des fonctionnaires de la Protection de la jeunesse ainsi que ceux, non moins offensants et erronés, qu'elle a tenus à l'endroit des juges de son propre tribunal.
Le Conseil de la magistrature n'a reconnu que bien peu d'excuses à ses nombreux autres écarts de conduite. Si on compare la sévérité, certes justifiée, du Conseil de la magistrature du Nouveau-Brunswick à l'endroit de la juge Moreau-Bérubé ou celle du Conseil du Québec à l'endroit du juge Therrien, il nous paraît que le Conseil québécois a été indulgent et patient à l'égard de la juge Ruffo. [...]
La question de l'exclusivité d'emploi et celle de la prévention des conflits d'intérêts concernent certes la vie privée du juge, mais elles sont aussi au coeur de l'exigence d'impartialité essentielle à ce que justice soit rendue ainsi qu'à la préservation de l'apparence même de justice. On se rend compte que la jurisprudence récente est sévère dans les situations de conflits à caractère financier mais qu'elle fixe aussi la barre très haut dans les situations de conflits d'intérêts à caractère psychologique (liens d'amitié, relations d'affaires, fréquentations douteuses... ).
La dernière plainte contre la juge Ruffo, par exemple, portait sur un conflit d'intérêts à caractère psychologique (liens d'amitié avec un expert comparaissant devant le tribunal qu'elle présidait); une autre avait concerné un cachet de 1500 $ pour participation au Salon de la médecine douce; une autre, plus médiatisée, concernait une publicité faite pour Via Rail à la télé; etc.
La déontologie judiciaire a fait des progrès remarquables depuis l'instauration des conseils de la magistrature. Le système canadien est encore plus ouvert que celui d'autres pays car, ici, tout citoyen peut porter plainte contre un magistrat et non seulement les juges en chef ou le ministre. La procédure est transparente et les décisions sont accessibles.
Mais la déontologie judiciaire est beaucoup plus qu'une affaire de sanction des comportements ou des fautes : elle concerne la formation initiale et permanente des magistrats, voire le mode de sélection et de nomination des juges. Sur ce plan, des progrès ont aussi été accomplis ou sont en voie de l'être, à l'égard tant des juges judiciaires que des membres des tribunaux administratifs.
Des millions de dollars
Plusieurs se sont toutefois étonnés de la lourdeur et de la longueur de la procédure disciplinaire. Comment se fait-il que la juge Ruffo ait été citée à répétition devant le Conseil de la magistrature, qu'elle ait fait l'objet de multiples blâmes sur une période de 14 ans, qu'elle ait pu soulever de multiples contestations en Cour supérieure, en Cour d'appel et en Cour suprême ?
Quant aux audiences devant le Comité du Conseil, elles sont souvent beaucoup plus longues que des procès civils ou criminels; certaines décisions sont plus longues que celles de la Cour suprême. Les divers comités du Conseil ont rendu, de 1990 à 2004, 13 décisions préliminaires et remis cinq longs rapports dans les affaires Ruffo !
Par ailleurs, les coûts de cette justice disciplinaire sont énormes et entièrement à la charge de l'État; de 1990 à 2004, les nombreuses affaires Ruffo ont dû exiger des dizaines de milliers d'heures de travail et coûter des millions de dollars... Comment se fait-il que ce tribunal composé de cinq personnes, pour la plupart d'excellents juristes, soit assisté de deux avocats et que la juge intimée soit représentée par deux ou trois avocats, aux frais de l'État, bien entendu ?
Alors que les ressources consacrées à la Justice se raréfient, qu'on restreint l'aide juridique au minimum, que, suivant le Barreau, de nombreux citoyens perdent des droits parce qu'ils n'ont pas les moyens financiers de les faire valoir en justice, un examen de conscience s'impose. Il ne s'agit pas de restreindre les droits de la défense des magistrats qui auraient été cités en discipline, à tort ou abusivement, mais pourquoi cette justice est-elle si lourde et si coûteuse ? Les justiciables contribuables ont droit à une réponse.
Loin de moi l'idée de condamner qui que ce soit sur la place publique. Il s'agit de nous sensibiliser à l'importance de la déontologie judiciaire dans un système de justice régi par les principes constitutionnels d'indépendance et d'impartialité. Ces principes exigent que les juristes investis de cette fonction acceptent la soumission à un code de déontologie fort exigeant. [...]