Mafia
Le tueur a fait le vide autour de Vito Rizzuto
Agence QMI
Antonio Nicaso
20/11/2010 08h01
Paolo Renda est toujours porté disparu.
© Archives
L'auteur de ce texte, Antonio Nicaso, est un spécialiste de la mafia et du crime organisé. Il a écrit plusieurs ouvrages dont Les liens du sang (2001) et Trafic de drogue (2006). Il a écrit cette analyse pour l'Agence QMI.
Le meurtrier de Nicolo Rizzuto -- le patriarche de la famille mafieuse la plus connue de Montréal -- avait une idée derrière la tête.
Il voulait faire le vide complet autour du fils du parrain, Vito, qui purge une peine de 10 ans dans une prison américaine, pour sa participation dans un triple meurtre commis en 1981 dans un club social de Brooklyn. L'extradition de Vito en 2006 a créé un vide du pouvoir, qui a engendré une attaque sur le désormais vulnérable clan Rizzuto.
Le fils de Vito, Nick Junior, a été abattu en décembre dernier. Son beau-frère, Paolo Renda, a été enlevé en mai et il est toujours porté disparu. En juillet, son principal allié, Agostino Cuntrera, a été abattu avec son garde du corps. En août, un autre ami, Federico del Peschio, a été tué devant son restaurant.
En plus de ces meurtres, des dizaines de cafés italiens et de pizzerias ont été incendiés ces dernières années.
Les théories abondent à savoir qui a commandé le meurtre de Nicolo Rizutto, âgé de 86 ans. Est-ce une famille mafieuse ambitieuse de l'Ontario ou de New York? Est-ce une guerre interne à Montréal au sein même du clan Rizzuto?
Les enjeux principaux de cette guerre de pouvoir mafieux se résument au lucratif commerce de la drogue à Montréal et à l'obtention de contrats dans l'industrie de la construction.
L'opinion d'un expert
Un rare aperçu de la puissance et de la richesse des Rizzuto a récemment été révélé de la bouche même d'un enquêteur de la GRC, devant un tribunal italien.
La GRC a témoigné que la famille était un acteur majeur dans l'industrie de la construction du Québec, recevant une commission de 5 % sur chaque contrat public.
Le montant d'argent que représente ce 5 % est stupéfiant.
Le plus important programme d'infrastructure de l'histoire du Québec prévoit des dépenses de 42 milliards $ en cinq ans sur des projets routiers et hydroélectriques.
Nicolo Rizutto incarnait l'ancien et le nouveau, le dernier vrai parrain qui était encore en vie et à l'extérieur de la prison.
Ce qui faisait de lui quelqu'un de particulier était qu'il avait combiné la tradition et l'innovation; la tradition d'un mafieux sicilien du monde rural et l'innovation d'un trafiquant de drogue en Europe, en Amérique du Nord et en Amérique du Sud.
Lorsque Nicolo est descendu du bateau Vulcania MS, au quai 21 à Halifax en 1954, il était alors âgé de 29 ans.
Avec lui se trouvaient sa femme, Libertina, et leurs deux enfants, Maria, sept ans, et Vito, huit ans.
Ils n'étaient pas pauvres selon les normes de la Sicile occidentale et il n'aurait pas connu la faim, alors que Nicolo était un «campiere», un gardien, dans la province d'Agrigente où son beau-père, Antonino Manno, était le patron de la mafia locale.
À la fois charmant et dur, Nicolo appartenait à une génération de patrons qui avaient grandi autour de la «latifundium», un système de grandes propriétés agricoles en Sicile. En tant que «campiere», les agriculteurs le payaient pour avoir le droit de travailler la terre et les propriétaires le payaient pour la protection.
Nicolo était toutefois jeune, confiant et ambitieux, et le Canada était un pays qui promettait davantage que la Sicile.
Les Rizzuto se sont rapidement dirigés vers Montréal, qui comptait sur une communauté italienne bien établie et en croissance rapide.
Montréal était un aimant pour les nouveaux arrivants siciliens, alors que les Calabrais du sud de l'Italie avaient plutôt ten-dance à s'installer en Ontario, là où il y avait beaucoup d'emplois dans la construction.
Lorsque les Rizzuto sont arrivés, Montréal avait la réputation d'une ville dure, qui avait tellement de maisons closes et où les maladies vénériennes étaient si présentes, qu'elle était interdite aux marins de la marine américaine durant la Deuxième Guerre mondiale.
Dans l'organisation Cotroni
Nicolo est devenu un membre de l'organisation Cotroni, une branche de la puissante famille Bonanno de New York.
Il s'est hissé au sommet à la fin des années 1970, après l'assassinat de Paolo Violi et de ses frères Francesco et Rocco, originaires de Hamilton. À partir du modeste club social situé sur la rue Jarry Est, Nicolo et son fils Vito ont dirigé jusqu'en 2006 une famille criminelle sophistiquée et incontestée, ayant des tentacules mondiaux.
Récemment, Nicolo ressemblait davantage à un bon vieux grand-père qu'à un parrain de la mafia. Mais, l'extradition de son fils, l'assassinat de son petit-fils et la disparition de son gendre, l'ont contraint à revenir aux affaires de sa meurtrière entreprise.
Nicolo a été abattu par un tireur d'élite qui a tiré à travers une fenêtre de sa maison de Montréal, alors qu'il se préparait à dîner avec sa femme et sa fille. Son rival, Rocco Violi, a été abattu dans sa cuisine de Montréal par un tireur d'élite en octobre 1980, alors que son épouse était également présente.
Il s'agit d'une troublante ressemblance.
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Pour visualiser l'album de famille cliquer sur ce lien:
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