Journaliste:François Messier
Mise à jour le mercredi 22 septembre 2010 à 13 h 21
L'avocat de Bellemare accusé de « harcèlement »
À Québec, le contre-interrogatoire du collecteur de fonds du Parti libéral du Québec (PLQ)Charles Rondeau dans le cadre de la Commission d'enquête sur le processus de nomination des juges s'est déroulé dans un climat particulièrement houleux mercredi avant-midi.
Le commissaire Michel Bastarache a conclu la séance en ordonnant à l'avocat de Me Bellemare, Me Jean-François Bertrand, de soumettre ses questions au procureur en chef de la commission, Me Giuseppe Battista, afin de s'assurer qu'elles sont pertinentes. Il a soutenu que les questions de Me Bertrand pouvaient être assimilées à une forme de harcèlement du témoin.
Le commissaire Bastarache avait préalablement lancé plusieurs avertissements à Me Bertrand à ce sujet, après que plusieurs avocats, dont ceux du Parti libéral, du premier ministre Charest et du gouvernement du Québec se furent plaints que l'avocat de Me Bellemare tardait à entrer dans le vif du sujet.
Me Bertrand a notamment voulu interroger M. Rondeau sur ses responsabilités à titre de collecteur de fonds, et sur les relations qu'il entretenait avec la responsable des nominations au bureau du premier ministre, Chantal Landry.
Me Bertrand a tout de même réussi à obtenir une réponse de M. Rondeau au sujet d'échange d'argent au restaurant Michelangelo de Québec. L'argentier libéral a soutenu n'avoir jamais remis de l'argent récolté lors de campagnes de financement à cet endroit.
Il a expliqué qu'il arrivait que des amis et lui se réunissent au Michelangelo pour souligner l'anniversaire de quelqu'un. Le repas du jubilaire étant payé par les autres convives, des billets de 20 $ étaient échangés pour pouvoir payer la facture.
« On n'est pas assez imbécile pour compter de l'argent dans un grand restaurant, et en plus la journée où le ministre de la Justice est là », a lancé Charles Rondeau.
Le collecteur de fonds n'a pas caché avoir été heurté que ses enfants et ses petits-enfants aient entendu ces allégations depuis qu'elles ont été faites le printemps dernier.
De bonnes relations entre Rondeau et Bellemare
Mardi, M. Rondeau a admis sans détour avoir plaidé la cause du juge Michel Simard auprès de l'ex-ministre libéral de la Justice Marc Bellemare, à l'été 2003. Il a expliqué que M. Simard, qui est un ami de longue date, lui avait fait part peu avant de son intérêt pour le poste de juge en chef de la Cour du Québec.
Poursuivant son témoignage mercredi matin, M. Rondeau a expliqué qu'il s'était borné à faire le message, laissant entendre qu'il ne s'agissait pas là de pressions indues. Il ajoute n'avoir aucune autre démarche auprès de Me Bellemare, tant pour le juge Simard que pour d'autres, dont Marc Bisson et Line Gosselin-Després.
M. Rondeau a par ailleurs expliqué qu'il a continué d'entretenir des liens avec Me Bellemare après la démission de ce dernier, le 27 avril 2004. Il a d'ailleurs affirmé que, jusqu'à ce que les allégations qui font l'objet de la commission soient rendues public, il croyait entretenir de « très bonnes relations avec lui ».
L'argentier libéral a notamment joué au golf à Sainte-Pétronille avec Me Bellemare le 21 juin 2004. Les épouses des deux hommes étaient présentes à ces occasions. M. Rondeau est aussi allé manger avec l'ex-ministre au restaurant Michelangelo de Québec le 12 juillet suivant.
Charles Rondeau a expliqué qu'il avait bel et bien assisté en 2005 à une réunion de financement du parti Vision Québec, à la tête duquel Marc Bellemare a brigué la mairie de Québec. Il soutient que Franco Fava était aussi présent. Ces dires corroborent la version livrée plus tôt par l'ex-chef de cabinet de Me Bellemare, Michel Gagnon.
M. Rondeau a dit avoir prévenu Me Bellemare que ses objectifs de financement étaient irréalistes pour la ville de Québec, mais que Marc Bellemare a répliqué que ceux qui n'étaient pas d'accord pouvaient quitter.
Le collecteur de fonds soutient qu'il a appelé Marc Bellemare peu après, pendant que Franco Fava était présent, pour l'informer que les deux hommes ne seraient pas de la partie. « Ça a coupé pas mal les amours », a-t-il laissé tomber.
Répliques et requêtes
Avant que M. Rondeau ne poursuive son témoignage, le procureur Battista, a répliqué aux révélations de Radio-Canada concernant le caviardage du mot « péquiste » dans une note écrite dans l'agenda de l'ex-sous-ministre associé à la Justice, Georges Lalande.
Il a expliqué que l'une des deux pièces utilisées aux fins du reportage était à caractère public, et que l'autre avait été remise aux participants pour leur permettre de faire leur travail.
Il soutient que les agendas de M. Lalande étaient disponibles et pouvaient être consultés par les médias, mais que les médias ont le devoir, en vertu des ordonnances du ministère, de ne pas diffuser d'informations permettant d'identifier des personnes.
« Toutes les parties avaient l'information pertinente pour faire leur travail », a dit Me Battista, et « il n'était nullement dans notre intention de cacher quoi que ce soit à qui que ce soit ».
Le biffage du mot « péquiste » soulève des questions sur le travail de la commission puisque la perspective qu'un candidat soit écarté en raison de son allégeance politique semble être au coeur du mandat de la Commission sur le processus de nomination des juges.
On ne sait pas pour l'heure qui a demandé à ce que le mot « péquiste » soit biffé. L'avocat de Marc Bellemare, Jean-François Bertrand, et l'un des deux avocats du gouvernement, Me Donald Béchard, ont tous deux dit à leur arrivée à la commission mercredi matin qu'ils n'avaient pas fait cette demande.
Les avocats de toutes les parties représentées peuvent demander aux procureurs de la commission de caviarder des renseignements nominatifs dans les documents déposés en preuve, mais la décision revient aux procureurs de la commission.
Les travaux de la commission ont par ailleurs été longuement retardés par une requête présentée par Me Bertrand au nom de Marc Bellemare. L'avocat a demandé à pouvoir consulter le registre non caviardé des entrées et sorties au bureau du premier ministre Charest, et ce, pour les années 2000 à 2010.
Le commissaire a refusé de se rendre à ses demandes. Il a expliqué que la commission avait ou allait produire les documents pertinents pour ses travaux, soit les informations pertinentes pour les années 2003 et 2004.
M. Bastarache a quelque peu perdu patience devant l'insistance de Me Bertrand. Il lui a lancé à un moment : « Ce n'est pas vous le commissaire ». Il a ajouté : « On a une politique et il faudra que vous fassiez confiance aux avocats de la commission pour le caviardage ».
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