Victime d’abus sexuels
La Cour suprême donne raison à Shirley Christensen
Agence QMI
Dominique La Haye
29/10/2010 10h11 - Mise à jour 29/10/2010 14h26
Shirley Christensen a été victime d’abus sexuels de la part d’un prêtre.
© Agence QMI
La Cour suprême du Canada a autorisé vendredi Shirley Christensen à poursuivre ses démarches en Cour supérieure du Québec contre l’archevêché de Québec.
EN VIDÉO:
La Cour supérieure entendra Christensen
Cette décision va lui permettre d’entamer une poursuite civile de 250 000 $ contre l’archevêché et contre le curé Paul-Henri Lachance qui l’a agressée sexuellement il y a plus de 25 ans, alors qu’elle avait entre six et huit ans. Il s’agit d’«une énorme victoire», a déclaré Shirley Christensen sur les ondes de LCN.
Rappelons que la mère de famille de 37 ans voulait intenter une poursuite civile depuis 2007, mais la Cour supérieure et la Cour d’appel n’avaient pas accédé à sa demande.
Ces tribunaux jugeaient la cause irrecevable, parce que la loi provinciale empêche les victimes d'agression sexuelle d’intenter une poursuite civile passé un délai de trois ans. Or, les faits se sont produits au début des années 1980. Le Québec est la seule province à avoir maintenu ce délai.
En entrevue à l’émission «Mongrain», Shirley Christensen a expliqué que c’était absurde. «Imaginez, j’avais six ans quand il m’a agressée et huit ans la dernière fois qu’il m’a touchée». Elle s’est demandé comment elle aurait pu porter plainte, à l’époque. «Le premier réflexe est de garder ça en nous parce qu’on a honte.»
Mme Christensen a expliqué qu’elle avait décidé de porter plainte il y a trois ans, après avoir vu la fille de son conjoint, nue. «Je suis entrée dans la salle de bains et je l’ai vue nue... Je me suis dit: j’avais ce petit corps quand il m’a touché... ça m’a donné un choc.»
Les autorités ecclésiastiques n’ont jamais eu un mot d’excuse pour elle, ni exprimé de regret. «Quand on s’est rendus avec mes parents au diocèse de Québec, ils nous ont dit de ne pas faire de vagues, de ne pas ébruiter l’affaire... Mais ils n’ont rien fait, ils ont simplement changé le curé Lachance de paroisse».
Le Québec est la seule province où il y a prescription pour les agressions sexuelles et Mme Christensen souhaite que ça change. «Je me demande ce que fait le ministre de la Justice Jean-Marc Fournier pour changer la loi et abolir le délai de prescription.»
Vendredi, dans bref un jugement unanime de deux paragraphes, la Cour suprême a établi que la cause est recevable et qu’il reviendra à un juge du procès de la Cour supérieure du Québec de déterminer ensuite si le délai de prescription s’applique ou non dans le cas de Mme Christensen.
L’avocat de Mme Christensen, Me Sébastien Grammond, s’est réjoui de cette décision qui permettra d’éviter que la poursuite de sa cliente soit à nouveau rejetée et qui fera peut-être jurisprudence.
«Je pense que ce jugement lance le message qu’on ne peut plus faire tomber les procédures intentées par des victimes d’agression sexuelle simplement en disant que ça fait plus de trois ans. Je pense que ça va rendre la vie un peu plus difficile à l’Église catholique qui, jusqu’à présent, contestait systématiquement les procédures en évoquant le délai de prescription», a déclaré Me Grammond.
Sans commenter le cas de Mme Christensen, le ministre québécois de la Justice, Jean-Marc Fournier, a dit trouver la situation préoccupante. Il s’est montré ouvert à l’idée de modifier le Code civil concernant le délai de prescription dans les cas d’agression sexuelle. Il a mandaté son ministère afin d’examiner la situation.
Ni l’Archevêché de Québec, ni l’Assemblée des évêques catholiques du Québec n’ont voulu commenter la décision de la Cour suprême au prétexte que la cause se trouvait toujours devant les tribunaux.
Le curé Lachance, 79 ans, a pour sa part été condamné à 18 mois de prison, l’an dernier, pour s’être livré à des attouchements sexuels sur Shirley Christensen à une quarantaine de reprises, entre 1979 et 1981, au presbytère de la paroisse Sacré-Cœur.
http://fr.canoe.ca/infos/societe/archiv ... 01130.html" onclick="window.open(this.href);return false;