Publié : ven. sept. 21, 2007 5:58 am
Citation :
FRANÇOIS AVARD
Démission
ICI
20-09-2007 | 04h00
J’allais pondre une 53e chronique de 800 mots bien tassés concernant la commission Bouchard-Taylor et l’affligeante démonstration de débilité profonde qui secoue le Québec quand je suis tombé sur la chronique de Marc Cassivi intitulée La dictature de l’abruti.
Une fois n’est pas coutume: je partage l’opinion de Cassivi. On entend les pires inepties: du bouseux de Saint-Glinglin qui a peur que ses poules pondent des œufs kasher à la vieille folle qui veut revenir au Québec des années 40 «quand nos religieuses nous enseignaient du bon français» jusqu’à Joe Blo de Saint-Fifrelin qui a peur que des éoliennes viennent voler des jobs dans sa région, «si les éoliennes sont pas contentes, qu’y retournent dans leu pays!». On assiste au crépuscule d’une grande noirceur.
J’ignore ce qui m’a le plus bouleversé: assister au recul de mon pays ou partager l’opinion de Cassivi. Je me suis dit: «Mon vieux (je m’appelle «mon vieux» dans l’intimité de ma tête), si tu es rendu à exprimer les mêmes idées que Cassivi, ça ne va pas. Arrête tout ça.»
Alors je démissionne. Sylvain, je te quitte. J’en ai marre.
J’en ai marre des chroniques d’humeur, marre de faire le zouf en fond de journal, d’essayer de raisonner drôlement, d’essayer de faire rire intelligemment. J’en ai marre des chroniqueurs qui se prononcent sur tout et sur rien. La liberté d’expression, c’est aussi le droit de fermer sa gueule: je n’ai pas envie d’ajouter ma voix à cette opérette débile. Marre des opinions partout, à toute heure du jour, à toutes les sauces. Marre de ces vides solutions pondues sur un coin de table dans un café d’Outremont. Marre des opinions bien torchées, marre des opinions connes. Marre de commencer à me croire moi-même.
J’en ai marre des pollueurs. J’en ai marre du prêchi-prêcha écolo: on a compris. Marre d’une ministre de l’Environnement qui, elle, n’a pas compris et qui se demande quoi faire des sacs de plastique des épiceries: «Est-ce qu’on les taxe? Est-ce qu’on les plie en quatre? Est-ce qu’on les met en boule en dessous de l’évier?» Et te les mettre dans le cul, y as-tu pensé? J’en ai marre des hôtels chics qui me proposent une bouteille d’eau des îles Fidji, des restos branchés qui m’offrent de la San Pellegrino transalpine, du Wal-Mart qui se dit «écologique» mais qui est incapable de m’offrir de l’eau embouteillée qui soit québécoise.
J’en ai marre des intérêts privés qui mettent le feu à l’Afrique et de mon argent public qui essaye de contenir les incendies. Marre de travailler comme un singe pour l’impôt. Marre d’envoyer de l’argent à des gouvernements qui me prennent pour un cave. Marre de Harper qui tente de me faire avaler que le sommet de Montebello ne traitait que de la mesure du taux de sucre dans les jelly beans. Si c’était vraiment ça, pas besoin de s’enfermer en cachette derrière des murs de 15 pieds, osti de trouillard! J’en ai marre, comme tout le monde, des politiciens qui ne contrôlent plus rien parce que tout se joue à un autre étage, à un niveau où l’on ne compte absolument plus. Marre de n’avoir du contrôle que sur mes sacs de plastique d’épicerie.
Marre d’Ottawa qui tente de me convaincre qu’on est en Afghanistan pour le bien du monde. Marre des journalistes de la SRC qui font de l’infopub pour l’armée canadienne avec leurs habits de camouflage trop voyants dans mon écran de télé. Marre d’entendre des généraux à la retraite se dire «pacifistes» tout en empochant leur chèque du ministère de la Défense. Marre des militaires qui me parlent de 5000 ou 6000 talibans cachés dans la caillasse du Moyen-Orient comme s’il s’agissait des millions de nazis qui ont envahi l’Europe. J’en ai marre de me faire dire n’importe quoi par n’importe qui.
Marre d’hésiter à chaque fois que j’épelle le mot «Afghanistan»: on pouvait pas envahir le Togo? J’en ai marre d’entrer dans un Couche-Tard et de tomber face à face avec le merchandising des Têtes à claques. Avoir trouvé la gammick pour vendre un tas de cochonneries faites en Chine, ça ne correspond pas à ma définition de la réussite. Marre de me faire varloper les oreilles avec le succès du Cirque du soleil. Moi, les clowns poétiques, ça me fait pas bander. De toute façon, si ça faisait bander aussi Laliberté, ce sont ses contorsionnistes qu’il inviterait à ses partys, pas des putes de luxe.
J’en ai marre des diffuseurs qui nous prennent pour des imbéciles avec leurs émissions lamentables. Marre de la fausse gentillesse, des flatteurs, des producteurs de tv qui n’ont jamais les sous pour payer les créateurs, mais qui ont toujours les piasses pour se torcher le cul avec de la soie brodée d’or dans leur résidence quaternaire des Cantons de l’Est. Marre de voir des artistes se prêter à toutes ces insignifiances pour promouvoir ce qui les fait vibrer. Marre de voir la télé se regarder le nombril: si au moins elle se regardait le cul! Marre de Lise Payette qui déclare que «la télévision, c’est le seul sujet de conversation intéressant en ce moment». Tu vis sur quelle planète, Lise?
Marre des imbéciles qui ne changent pas les piles de leurs détecteurs de fumée. Marre de fumer. Marre du chacun pour soi. Marre du «penser d’abord à soi». Marre du «nous» de Marois. Votre «nous», gardez-le pour vous. Je retourne écouter le vent dans les arbres.
Je ne suis pas entièrement d'accord avec lui, mais je comprend parfaitement son écoeurement face à cette cacophonie qui fait qu'on passe carrément à côté des vraies affaires, La fin du monde serait prévu pour la semaine prochaine et les journaux en parleraient une journée avant de passer à Paris Hilton et on verrait une foule de chroniqueurs débattre "Pour ou contre"... Plus ça parle, moins ça bouge... --Message edité par gillo le 2007-09-21 12:09:12--
FRANÇOIS AVARD
Démission
ICI
20-09-2007 | 04h00
J’allais pondre une 53e chronique de 800 mots bien tassés concernant la commission Bouchard-Taylor et l’affligeante démonstration de débilité profonde qui secoue le Québec quand je suis tombé sur la chronique de Marc Cassivi intitulée La dictature de l’abruti.
Une fois n’est pas coutume: je partage l’opinion de Cassivi. On entend les pires inepties: du bouseux de Saint-Glinglin qui a peur que ses poules pondent des œufs kasher à la vieille folle qui veut revenir au Québec des années 40 «quand nos religieuses nous enseignaient du bon français» jusqu’à Joe Blo de Saint-Fifrelin qui a peur que des éoliennes viennent voler des jobs dans sa région, «si les éoliennes sont pas contentes, qu’y retournent dans leu pays!». On assiste au crépuscule d’une grande noirceur.
J’ignore ce qui m’a le plus bouleversé: assister au recul de mon pays ou partager l’opinion de Cassivi. Je me suis dit: «Mon vieux (je m’appelle «mon vieux» dans l’intimité de ma tête), si tu es rendu à exprimer les mêmes idées que Cassivi, ça ne va pas. Arrête tout ça.»
Alors je démissionne. Sylvain, je te quitte. J’en ai marre.
J’en ai marre des chroniques d’humeur, marre de faire le zouf en fond de journal, d’essayer de raisonner drôlement, d’essayer de faire rire intelligemment. J’en ai marre des chroniqueurs qui se prononcent sur tout et sur rien. La liberté d’expression, c’est aussi le droit de fermer sa gueule: je n’ai pas envie d’ajouter ma voix à cette opérette débile. Marre des opinions partout, à toute heure du jour, à toutes les sauces. Marre de ces vides solutions pondues sur un coin de table dans un café d’Outremont. Marre des opinions bien torchées, marre des opinions connes. Marre de commencer à me croire moi-même.
J’en ai marre des pollueurs. J’en ai marre du prêchi-prêcha écolo: on a compris. Marre d’une ministre de l’Environnement qui, elle, n’a pas compris et qui se demande quoi faire des sacs de plastique des épiceries: «Est-ce qu’on les taxe? Est-ce qu’on les plie en quatre? Est-ce qu’on les met en boule en dessous de l’évier?» Et te les mettre dans le cul, y as-tu pensé? J’en ai marre des hôtels chics qui me proposent une bouteille d’eau des îles Fidji, des restos branchés qui m’offrent de la San Pellegrino transalpine, du Wal-Mart qui se dit «écologique» mais qui est incapable de m’offrir de l’eau embouteillée qui soit québécoise.
J’en ai marre des intérêts privés qui mettent le feu à l’Afrique et de mon argent public qui essaye de contenir les incendies. Marre de travailler comme un singe pour l’impôt. Marre d’envoyer de l’argent à des gouvernements qui me prennent pour un cave. Marre de Harper qui tente de me faire avaler que le sommet de Montebello ne traitait que de la mesure du taux de sucre dans les jelly beans. Si c’était vraiment ça, pas besoin de s’enfermer en cachette derrière des murs de 15 pieds, osti de trouillard! J’en ai marre, comme tout le monde, des politiciens qui ne contrôlent plus rien parce que tout se joue à un autre étage, à un niveau où l’on ne compte absolument plus. Marre de n’avoir du contrôle que sur mes sacs de plastique d’épicerie.
Marre d’Ottawa qui tente de me convaincre qu’on est en Afghanistan pour le bien du monde. Marre des journalistes de la SRC qui font de l’infopub pour l’armée canadienne avec leurs habits de camouflage trop voyants dans mon écran de télé. Marre d’entendre des généraux à la retraite se dire «pacifistes» tout en empochant leur chèque du ministère de la Défense. Marre des militaires qui me parlent de 5000 ou 6000 talibans cachés dans la caillasse du Moyen-Orient comme s’il s’agissait des millions de nazis qui ont envahi l’Europe. J’en ai marre de me faire dire n’importe quoi par n’importe qui.
Marre d’hésiter à chaque fois que j’épelle le mot «Afghanistan»: on pouvait pas envahir le Togo? J’en ai marre d’entrer dans un Couche-Tard et de tomber face à face avec le merchandising des Têtes à claques. Avoir trouvé la gammick pour vendre un tas de cochonneries faites en Chine, ça ne correspond pas à ma définition de la réussite. Marre de me faire varloper les oreilles avec le succès du Cirque du soleil. Moi, les clowns poétiques, ça me fait pas bander. De toute façon, si ça faisait bander aussi Laliberté, ce sont ses contorsionnistes qu’il inviterait à ses partys, pas des putes de luxe.
J’en ai marre des diffuseurs qui nous prennent pour des imbéciles avec leurs émissions lamentables. Marre de la fausse gentillesse, des flatteurs, des producteurs de tv qui n’ont jamais les sous pour payer les créateurs, mais qui ont toujours les piasses pour se torcher le cul avec de la soie brodée d’or dans leur résidence quaternaire des Cantons de l’Est. Marre de voir des artistes se prêter à toutes ces insignifiances pour promouvoir ce qui les fait vibrer. Marre de voir la télé se regarder le nombril: si au moins elle se regardait le cul! Marre de Lise Payette qui déclare que «la télévision, c’est le seul sujet de conversation intéressant en ce moment». Tu vis sur quelle planète, Lise?
Marre des imbéciles qui ne changent pas les piles de leurs détecteurs de fumée. Marre de fumer. Marre du chacun pour soi. Marre du «penser d’abord à soi». Marre du «nous» de Marois. Votre «nous», gardez-le pour vous. Je retourne écouter le vent dans les arbres.
Je ne suis pas entièrement d'accord avec lui, mais je comprend parfaitement son écoeurement face à cette cacophonie qui fait qu'on passe carrément à côté des vraies affaires, La fin du monde serait prévu pour la semaine prochaine et les journaux en parleraient une journée avant de passer à Paris Hilton et on verrait une foule de chroniqueurs débattre "Pour ou contre"... Plus ça parle, moins ça bouge... --Message edité par gillo le 2007-09-21 12:09:12--