Les leçons de rigueur de TVA : un peu de modestie !

[InFoManII]

Richard Therrien
Le Soleil

J'ai senti un profond malaise, lundi soir, quand Radio-Canada s'est trompé en annonçant la défaite de Jean Charest dans Sherbrooke. Mais j'ai été aussi incommodé par le ton arrogant avec lequel TVA s'est permis de vilipender son compétiteur, vantant sa propre crédibilité.

Un peu trop fier de son coup, Pierre Bruneau a scandé «Rigueur, rigueur, rigueur!», ce que Le Journal de Montréal a qualifié le lendemain de «moment de télé mémorable»! Je dirais plutôt que ça manquait franchement d'élégance et de modestie. TVA en a rajouté mardi avec un communiqué pompeusement intitulé: «L'équipe du réseau TVA donne les vrais résultats... au bon moment!»

On ne doit jamais se réjouir de l'erreur de son rival, parce que l'élastique risque de nous revenir en plein visage. D'autant que TVA n'a pas de leçon de crédibilité à donner à qui que ce soit. L'erreur de Radio-Canada est navrante et gênante, mais Pierre Bruneau semble avoir oublié que son propre réseau a nettement manqué de rigueur à plusieurs reprises depuis un an et demi.

Aurait-il déjà oublié que TVA a annoncé en février 2006 la mort de Hughette Proulx dans son propre bulletin? TVA s'était fié aux dires d'un homme qui se disait son fils. Apprenant sa mort de son vivant, l'ancienne animatrice a téléphoné elle-même à la station pour exiger qu'on la ressuscite illico. Le réseau a eu l'air aussi fou que Radio-Canada lundi soir.

L'été dernier, TVA a inutilement fait peur au monde avec une enquête sur la qualité de l'eau des piscines publiques, qui aurait représenté un danger réel pour la santé publique. La Ville de Montréal a aussitôt réagi en fermant des dizaines de piscines en pleine canicule, avant de se raviser. Plusieurs spécialistes ont qualifié l'enquête de «douteuse», et affirmé qu'il n'y avait rien là pour s'alarmer. L'eau des piscines ne représentait pas un danger. Le laboratoire à l'origine du dossier et son directeur sont d'ailleurs poursuivis en Cour supérieure par l'Ordre des chimistes du Québec. Gênant.

En octobre 2005, TVA a été le troisième télédiffuseur à identifier en ondes Anne-Marie Péladeau lors de son arrestation. Le réseau a accusé TQS de ne pas avoir respecté les règles de la police voulant qu'on ne dévoile le nom d'une personne arrêtée qu'une fois l'annonce de sa comparution. Pourtant, TVA avait ignoré ces mêmes règles en annonçant les arrestations de Robert Gillet, de Guy Cloutier et de Maurice «Mom» Boucher avant la comparution des accusés. «Je ne vous dis pas que ce n'est jamais arrivé que TVA sorte une nouvelle qu'il n'aurait pas dû», avait alors lancé le patron de l'époque, Philippe Lapointe. Tiens, tiens.

Le mois dernier, une reprise de TVA en direct.com au canal Argent suivait les recherches pour retrouver le cycliste Alexandre Morin. Or, le corps du jeune homme avait été retrouvé 12 heures plus tôt. Mais ça, les quotidiens de Quebecor n'en ont jamais parlé, pas plus que la présence d'une concurrente du Banquier au TVA 22 heures, un manque flagrant de jugement et de crédibilité.

Morale de cette histoire: la rigueur journalistique est de plus en plus menacée par la course au scoop. Les chaînes d'information continue sont de véritables monstres qu'il faut nourrir minute par minute, et les réseaux risquent de trébucher encore dans le futur s'ils ne redoublent pas de prudence.

Toutes ces bourdes n'enlèvent évidemment rien de la gravité de l'erreur de Radio-Canada, lundi soir. Elles rappellent simplement que TVA devrait faire preuve de plus de modestie, et se concentrer sur la rigueur et la crédibilité dont il se vante tant.