pris sur cyberpresse
Le dimanche 25 mars 2007
Promesses: paroles, paroles, paroles?
Louise Leduc
La Presse
«Les promesses électorales sont faites de bonne foi, mais elles procèdent parfois d'analyses imprudentes!»
Ancien conseiller de Robert Bourassa, Jean-Claude Rivest en est convaincu : «Aucun politicien n'est assez idiot pour formuler une promesse en cherchant consciemment à tromper les gens.»
Au cours de la présente campagne électorale, Jean Charest a traîné comme un boulet sa principale promesse de 2003, celle de réduire les impôts d'un milliard par an. Qu'en penser? «C'était plausible mais trop téméraire, et donc une erreur», dit M. Rivest.
Cette promesse, M. Charest l'avait pourtant formulée en s'appuyant sur l'avis de plusieurs économistes, dit M. Rivest. Certains la jugeaient réaliste, d'autre pas.
Jean-François Lisée, qui a été conseiller politique de Jacques Parizeau et de Lucien Bouchard, croit que Jean Charest a pris «un risque calculé» en 2003. «Il s'est probablement dit que suffisamment d'économistes croyaient la chose possible pour aller de l'avant avec cette promesse. En même temps, il était sûrement conscient du risque que cet engagement ne puisse être respecté et que cela nuise à sa prochaine campagne électorale.»
Cette année, les politiciens ne se compromettent pas autant et ne semblent pas non plus avoir de projet central, observe M. Rivest. «En 1976, René Lévesque avait promis de protéger la langue française, d'assainir les moeurs politiques, de mettre en place le régime d'assurance automobile. Lucien Bouchard a été l'homme du déficit zéro. Là, on assiste plutôt à un chapelet de promesses - dont plusieurs insignifiantes - pour satisfaire tout un chacun.»
Mais ce qui distingue surtout les promesses d'aujourd'hui de celles des années 70, 80 ou 90, c'est qu'elles ne peuvent plus être formulées à l'emporte-pièce. Cadre financier, cadre financier, cadre financier. «L'épreuve du réel!» lance M. Rivest, paraphrasant feu Claude Ryan.
«Les citoyens ont aujourd'hui conscience de l'état des finances publiques et du poids de la dette, et ils sont plus alphabétisés économiquement», relève aussi Jean-François Lisée.
Il y a bien une certaine «liberté d'exagération quand on sort du domaine chiffré», dit Jean-François Lisée. «On peut très bien dire, par exemple, que si la souveraineté se fait, ça va bien se passer. Mais ça, c'est une opinion, pas une promesse.»
Vu les marges de manoeuvres financières très restreintes, il vaut mieux mettre de l'avant des mesures qui ne coûtent pas grand-chose - la lutte contre le tabagisme, par exemple, note l'ex-premier ministre Bernard Landry. «Dans le temps, la loi 101 a coûté peu de chose aux finances publiques. Idem pour le zonage agricole, sous René Lévesque», dit encore M. Landry.
Au surplus, «après les problèmes d'Olymel, de Goodyear, de Shermag, les citoyens savent très bien que bon nombre de crises ont leurs racines ailleurs dans le monde et que le gouvernement ne peut souvent que réparer quelques pots cassés, relève pour sa part M. Rivest. À un politicien qui promettrait la survie de l'industrie textile, les gens auraient tôt fait de dire : " Cause toujours. " Même chose en santé : les gens savent que ça coûte cher, très cher, et que ni Charest, ni Boisclair, ni Dumont ne peuvent promettre de régler les problèmes du système de santé demain matin. De nos jours, le champ des promesses est très restreint.»
«Une promesse doit être simple, elle doit frapper l'imagination et elle doit paraître crédible», résume Richard Nadeau, professeur de science politique à l'Université de Montréal et ancien conseiller de M. Landry.
Selon M. Nadeau, l'électrification du monde rural de Duplessis, c'était frappant. La semaine de quatre jours de Bernard Landry aussi. Le milliard de Charest? Efficace en 2003, pour se faire élire, de l'avis de M. Nadeau. «L'ennui, c'est que, démocratiquement, une promesse doit tenir la route au-delà d'une élection. Autrement, ça alimente le cynisme.»
Une promesse lancée n'importe comment peut aussi mettre à mal pour longtemps une idée qui aurait autrement pu faire du chemin. Selon Jean-François Lisée, la semaine de quatre jours proposée par Bernard Landry en est un bon exemple. «Il aurait fallu que cette proposition soit appuyée par des études, qu'elle soit documentée. C'était une promesse audacieuse, mais là, présentée comme cela, elle a perdu sa crédibilité.» --Message edité par Éolianne le 2007-03-25 10:52:47--
Les promesses électorales...
Le dimanche 25 mars 2007
Des promesses plus sérieuses qu'on ne le croit
Louise Leduc
La Presse
En 1970 et en 1973, le Parti québécois n'avait pas de plateforme politique. Les libéraux de Pierre Elliott Trudeau non plus. Aux journalistes qui lui demandaient son programme, en 1972, Pierre Elliott Trudeau répondait que son programme, c'était l'action du gouvernement! On est loin, très loin des cadres financiers très rigides exigés aujourd'hui de chaque parti et des comptes à rendre quatre ans plus tard.
Et ces comptes sont vraiment scrutés de près. Par les adversaires politiques, mais par les politologues aussi.
François Pétry, professeur titulaire au département de science politique de l'Université Laval, a fait du suivi des promesses électorales une science. Une science dont il dit d'emblée qu'elle ne peut être parfaitement exacte.
Pour les gouvernements péquistes de 1994 et 2003 et pour le gouvernement libéral qui a suivi, M. Pétry a procédé au même exercice. À partir des rapports ministériels et du suivi des promesses émanant des partis mêmes, à partir des lois, des plans stratégiques, des articles de journaux, M. Pétry a cherché à savoir quelle est la moyenne au bâton des partis politiques.
Au fil du temps, la méthodologie s'est précisée, si bien que les résultats peuvent difficilement être comparés, de l'avis même du chercheur. Globalement, M. Pétry signale que libéraux et péquistes respectent entre les deux tiers et les trois quarts de leurs engagements, ce qui est plus élevé que ce que les citoyens les plus cyniques sont portés à croire. L'ADQ n'ayant jamais gouverné, impossible de se prononcer.
Après avoir étudié toutes ces promesses, M. Pétry arrive à la conclusion qu'il est faux de prétendre que les politiciens cultivent l'ambiguïté. Au contraire : «Les promesses d'aujourd'hui sont vraiment très précises et chiffrées.»
Des promesses plus sérieuses qu'on ne le croit
Louise Leduc
La Presse
En 1970 et en 1973, le Parti québécois n'avait pas de plateforme politique. Les libéraux de Pierre Elliott Trudeau non plus. Aux journalistes qui lui demandaient son programme, en 1972, Pierre Elliott Trudeau répondait que son programme, c'était l'action du gouvernement! On est loin, très loin des cadres financiers très rigides exigés aujourd'hui de chaque parti et des comptes à rendre quatre ans plus tard.
Et ces comptes sont vraiment scrutés de près. Par les adversaires politiques, mais par les politologues aussi.
François Pétry, professeur titulaire au département de science politique de l'Université Laval, a fait du suivi des promesses électorales une science. Une science dont il dit d'emblée qu'elle ne peut être parfaitement exacte.
Pour les gouvernements péquistes de 1994 et 2003 et pour le gouvernement libéral qui a suivi, M. Pétry a procédé au même exercice. À partir des rapports ministériels et du suivi des promesses émanant des partis mêmes, à partir des lois, des plans stratégiques, des articles de journaux, M. Pétry a cherché à savoir quelle est la moyenne au bâton des partis politiques.
Au fil du temps, la méthodologie s'est précisée, si bien que les résultats peuvent difficilement être comparés, de l'avis même du chercheur. Globalement, M. Pétry signale que libéraux et péquistes respectent entre les deux tiers et les trois quarts de leurs engagements, ce qui est plus élevé que ce que les citoyens les plus cyniques sont portés à croire. L'ADQ n'ayant jamais gouverné, impossible de se prononcer.
Après avoir étudié toutes ces promesses, M. Pétry arrive à la conclusion qu'il est faux de prétendre que les politiciens cultivent l'ambiguïté. Au contraire : «Les promesses d'aujourd'hui sont vraiment très précises et chiffrées.»