C'est déja parti , mon kiki
Le Québec champion du privé en santé
Pascale Breton
La Presse
Depuis le jugement Chaoulli, la question du privé en santé prend plus de place. Les partis politiques ont dû prendre position au cours de la présente campagne électorale. Mais la présence des cliniques privées demeure un tabou. Un phénomène qu'on minimise. Pourtant, le Québec est champion en la matière au Canada.
Les cliniques privées se multiplient au Québec depuis les dernières années. Il y en aurait une cinquantaine dans la province, dont la majeure partie à Montréal. Un phénomène tabou, dont même le gouvernement ignore l'ampleur.
Lorsqu'il est question du privé en santé, tant la Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ) que les politiciens, les médecins et les cliniques marchent sur des oeufs.
Les cliniques privées ont profité d'une zone grise dans la loi pour se développer au cours des dernières années. Elles offrent des services de plus en plus diversifiés aux patients prêts à sortir quelques centaines de dollars de leurs poches pour court-circuiter l'attente dans le réseau public.
Mais des enquêtes de la RAMQ planent constamment au-dessus de leur tête. Les administrateurs des cliniques ne font pas nécessairement la même interprétation de la loi que la RAMQ.
La loi 33, adoptée par le gouvernement Charest en décembre dernier, viendra encadrer davantage la pratique privée au Québec. Toutefois, il faudra encore plusieurs mois avant qu'elle ne soit en vigueur.
Le phénomène des cliniques privées est marginal, estime le ministre de la Santé et des Services sociaux, Philippe Couillard, en entrevue à La Presse. «Nous n'avons pas d'informations précises, dit-il. Il y en a relativement peu, nous sommes en train de faire le recensement.»
Les cliniques se sont beaucoup développées depuis trois ans. On ne peut plus parler de phénomène marginal, rétorque l'administratrice d'une clinique de la métropole qui désire garder l'anonymat. «Il y en a plus qu'avant, c'est sûr. J'entends souvent parler de nouveaux projets, soit de la bouche de nos chirurgiens ou de nos fournisseurs», explique-t-elle.
Il y a moins d'un an, la revue Maclean's a fait une recension non exhaustive des cliniques privées au Canada. Le Québec arrivait en tête avec 42 cliniques, suivi par la Colombie-Britannique avec 28.
Un site en ligne depuis quelques semaines à peine (www.santeprivee.ca) répertorie les cliniques privées. La province en compterait maintenant une cinquantaine.
Plusieurs projets sont aussi dans les cartons. C'est le cas de Copeman Healthcare Center, établi en Colombie-Britannique, qui songe à s'implanter ailleurs au Canada, notamment au Québec.
Les cliniques n'offrent plus seulement des tests d'imagerie médicale et des chirurgies esthétiques. Elles offrent plusieurs examens diagnostiques, comme l'endoscopie ainsi que des chirurgies d'un jour.
Au lieu d'attendre 18 mois à l'hôpital, il est ainsi possible d'obtenir une coloscopie en l'espace de quelques jours dans le privé. Le coût? Entre 200 et 450 $.
«Frais accessoires»
Dans la plupart des cliniques privées, ce sont des médecins participants à la RAMQ qui offrent les soins. Des médecins qui travaillent aussi dans les hôpitaux du réseau public et qui sont rémunérés à l'acte par la RAMQ. Pour leur travail en clinique privée, ils sont aussi rémunérés par la RAMQ pour chaque acte ou procédure assurée. Par contre, la clinique exige une contribution du patient qui doit payer des «frais accessoires» variant de quelques centaines à quelques milliers de dollars.
Les cliniques font une interprétation plus ou moins légale de ces frais aux yeux de la RAMQ, qui mène d'ailleurs des enquêtes à ce sujet, notamment aux cliniques Rockland et Opmedic.
La pratique de surfacturation des frais accessoires est pourtant répandue. C'est ce que nous avons constaté en appelant dans quelques cliniques, notamment à la clinique Westmount Square.
Il est possible d'obtenir une arthroscopie du genou en moins de deux semaines. Il faut être prêt à payer 2200 $. «Nous avons plusieurs chirurgiens réputés qui travaillent dans les hôpitaux de Montréal comme l'Hôpital général juif ou l'Hôpital général de Montréal», explique la réceptionniste de la clinique Westmount Square.
Il est même possible d'appeler directement la secrétaire du médecin, dans le réseau public, pour prendre rendez-vous pour une consultation préopératoire. «Mais précisez-lui que vous serez opérée au privé», indique la téléphoniste.
«Ça me semble très élevé», a déclaré le ministre Couillard, interrogé sur les frais de 2200 $ demandés par la clinique. «Je pense que les conclusions des enquêtes menées sur les cliniques Rockland et Opmedic vont s'appliquer à toutes les cliniques.»
Une entente entre le gouvernement et les fédérations de médecins autorise les frais accessoires. Ils servent à payer les médicaments, les anesthésiques, les pansements. Dans les faits, c'est bien plus encore. Le patient contribue souvent à payer l'équipement de la clinique ou les infirmières.
«C'est certain qu'une partie des frais accessoires sert pour payer le personnel», lance d'ailleurs le président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec, le Dr Gaétan Barrette. «La définition des frais accessoires devrait être revue et élargie», ajoute-t-il.
La notion des frais accessoires doit être réétudiée, convient le ministre Couillard. «Le problème est que les ententes avec les fédérations sont un peu ambiguës. On parle parfois de médicaments, parfois de médicaments et autres produits.»
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