ADQ : une bonne idée et une mauvaise

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Éolianne
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Yves Boisvert, Cyberpresse


Citation :

ADQ : une bonne idée et une mauvaise

Yves Boisvert

La Presse


On va commencer par la mauvaise, c'est une déformation professionnelle. Laquelle ? me direz-vous. Ils en ont tellement de mauvaises!

Vous êtes durs avec Mario Dumont. Au moins, il en a. Je prends une de ses dernières : faisons payer les prisonniers!

Vous l'avez vu, jeudi dernier, dans une vieille prison? Il avait fière allure, le shérif de Rivière-du-Loup!








Si les parents paient pour les lunchs de leurs enfants, pourquoi les prisonniers ne paieraient-ils pas pour leurs repas? Il y a dans cette question tout le succès de l'ADQ. Question simple, pleine de bon sens apparent, qui touche directement au sentiment de la classe moyenne d'être le dindon fiscal de la farce sociale.

Il y a aussi toute sa superficialité. Marc Bellemare, le très éphémère ministre de la Justice des libéraux de Jean Charest, était adepte de ce genre de solutions.

Pourquoi les prisonniers ne paient pas? Parce que ce sont surtout des pauvres qui sont en prison. Parce que, pour un Guy Cloutier, il y a 1000 assistés sociaux.

Une étude de 2001 de la Société criminologique du Québec nous apprenait que 40 % des détenus sont dans les prisons provinciales pour amende impayée. Ils sont en prison du fait de leur pauvreté.

Le revenu annuel moyen des détenus, dont 40 % avaient un emploi avant leur détention? 12 000 $.

Oh bien sûr, il y en a qui ont les moyens de payer leur séjour, leurs repas et celui du voisin. Mais le coût de la bureaucratie nécessaire à la perception des frais dépasse largement ce qu'on pourrait récolter. C'est pour cette raison que le projet Bellemare a été abandonné.

Car enfin, quel gouvernement ne voudrait pas se péter les bretelles en faisant payer des frais à des criminels?

L'autre problème de ce projet, au-delà du fait qu'il est impraticable, est qu'il crée des injustices. Si plusieurs motards ont été représentés par l'Aide juridique, c'est qu'on n'a pas réussi à trouver leurs avoirs. Un des buts du crime organisé est la dissimulation de la richesse de ses membres.

Alors les rares Jos Bleau de la «classe moyenne» qui se font emprisonner, et dont les biens sont facilement identifiables, seront taxés. Tandis qu'à côté d'eux, les membres du crime organisé ne le seront pas.

Mauvaise idée.



Un Protecteur des enfants



Une suggestion importante de Mario Dumont est par contre passée inaperçue, ou presque : créer un Protecteur de la jeunesse, sorte d'ombudsman supervisant le travail de la DPJ.

Cet organisme existe déjà, diront les critiques : c'est la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Mais justement : depuis que les droits de la jeunesse ont été fusionnés à ceux de la «personne», il ne fait pas son travail. Certains rapports ont été produits du temps du regretté Claude Filion sur des DPJ locales mais, globalement, on y semble incapable de superviser adéquatement la DPJ.

La Commission des droits de la personne, malgré tout le bon travail qui s'y fait, est un organisme notoirement lent et bureaucratique. Surtout, il n'a pas su démontrer une réelle vigilance dans le domaine des droits des enfants.

Mario Dumont propose une structure probablement trop lourde avec ses pouvoirs d'intervention et d'enquête qui viendraient s'ajouter à ceux de la DPJ. Mais au moins, il met le doigt sur un problème important : l'échec de la fusion de la Commission des droits de la jeunesse avec celle des droits de la personne.

Il existe en Belgique un «Délégué général aux droits de l'enfant». En 2005, j'ai rencontré cet homme, Claude Lelièvre, jovial et moustachu de 60 ans qui occupe la fonction depuis 1993 et qui m'a fait forte impression. Il dirige une équipe légère, il est nommé pour des mandats de six ans et il a toute liberté de parole et d'action.

Il reçoit des plaintes, il a accès à tous les bâtiments de l'État où sont logés des enfants, il peut exiger des réponses des responsables, il peut faire des recommandations. Il peut également entreprendre des recours dans certains cas.

En même temps, il ne se prend pas pour un autre. Il ne pense pas pouvoir tout régler tout seul. C'est un dernier recours, un ultime protecteur, non pas un gérant d'estrade qui met inconsidérément son nez partout.

Chaque année, il publie un rapport de 300 pages, écrit dans un langage intelligible. Il y a des statistiques, des commentaires, des réflexions, parfois des critiques très dures et pertinentes à l'égard du gouvernement.

Celui de 2004 est dédié «À la mémoire de Julie et Mélissa, Kim, Loubna, Carola, Vinciane, Laurence, An et Eefje, David, Willy et tous les autres enfants, victimes de la folie des hommes. Que nul n'oublie. Jamais.»

Bonne idée.

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