La cyberdépendance, nouveau mal du siècle

[tuberale]

La cyberdépendance, nouveau mal du siècle qu'il reste à définir et à traiter

Édition du vendredi 03 novembre 2006, Devoir



Pour éviter des lendemains douloureux, les problèmes actuels de dépendance aux technologies de l'information devraient être davantage pris au sérieux par les professionnels de la santé, les chercheurs et les politiciens, estime le Centre québécois de lutte contre les dépendances (CQLD). Dans une analyse qu'il rendra publique au cours des prochains jours, cet organisme déplore d'ailleurs la méconnaissance générale de cette «maladie» contemporaine, pourtant vouée à un bel avenir dans notre société.

«C'est un peu comme avec l'alcool», a expliqué en entrevue au Devoir l'auteur de ce document, Pierre Vaugeois, directeur du CQLD. «Plus la population est exposée aux outils de communication moderne, plus les comportements problématiques avec ces outils vont se multiplier. Or, actuellement, nous ne disposons pas vraiment de moyens pour bien cerner ces nouvelles dépendances et, du même coup, y répondre efficacement.»

Selon ce groupe, la cyberdépendance sous toutes ses formes est négligée à l'heure actuelle. La communauté scientifique sous-estime en effet ce phénomène dans ses récentes recherches en réduisant ce trouble de comportement à l'unique usage d'Internet à des fins personnelles. «C'est une carence méthodologique grave, dit M. Vaugeois. On oublie l'usage professionnel qui est fait de cette technologie. Sans compter que la définition généralement admise de cette dépendance ne tient bien souvent pas compte de la cyberdépendance dite hors ligne, qui touche l'utilisation de jeux vidéo, par exemple, et qui s'avère aussi très problématique pour une frange de la population.»

Pour ce spécialiste en psychologie, ce «manque de rigueur» était prévisible. Motif? La cyberdépendance n'a toujours pas été admise dans les ouvrages de référence des maladies comme la CIM (Classification internationale des maladies) de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) ou le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, connu sous l'acronyme DSM, de l'Association américaine de psychiatrie.

Pis encore, avec des conséquences «plus mesquines» comme l'isolement social, dont «l'impact risque de se voir à long terme», ce problème de comportement ne rentre pas dans les «priorités d'action» des gouvernements. À tort, déplore le Centre québécois de lutte contre les dépendances, qui rappelle que les générations montantes sont les plus à risque de souffrir de cette dépendance, celle qui «connaît la plus forte croissance» dans le monde des assuétudes.

À l'heure actuelle, 6 % des quatre millions d'utilisateurs d'Internet au Québec seraient atteint de cyberdépendance. Ce chiffre pourrait toutefois grimper en flèche, prévoit le CQLD, si la communauté scientifique se décide à changer son cadre d'analyse pour lui donner plus de rigueur.

Associée aux promenades sur la Toile, à la consultation de courriels, à l'envoi de texte sur son cellulaire, à l'usage d'un Blackberry ou encore à des jeux vidéo sur console ou en réseau, pour ne citer que ces exemples, cette cyberdépendance touche principalement les hommes célibataires -- ou sur le point de le devenir -- âgés d'une trentaine d'années. Elle se caractérise souvent par un abus de ces technologies et par une difficulté à s'en passer qui s'accompagne aussi d'isolement social. Le manque d'intérêt pour sa santé ou pour son apparence, une diminution de ses relations en tête à tête ainsi que des douleurs aux mains font également partie des symptômes.

Aucune clinique de désintoxication aux technologies de l'information n'existe au Québec en ce moment, précise le CQLD. Seuls Taïwan, la France et les Pays-Bas ont mis en place de telles structures. Or, sans études sérieuses sur ce phénomène, il n'est pas facile de «lancer des programmes pour traiter cette cyberdépendance», laissant ainsi le champ libre à des «traitements qui se font en ligne et qui sont forcément de qualité douteuse», indique le document produit par le CQLD.

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