Le gouvernement minoritaire de Stephen Harper subira demain son baptême du feu aux Communes
PC
Édition du lundi 3 avril 2006
Ottawa -- Au pouvoir depuis presque deux mois maintenant, les conservateurs de Stephen Harper prendront toute la mesure, cette semaine, de toute la réalité du mot «gouverner» avec la reprise des travaux parlementaires. Finie, donc, cette période de rodage à l'abri des regards scrutateurs des trois partis d'opposition. Désormais, le gouvernement minoritaire conservateur sentira sur son cou le souffle de l'opposition, qui trépigne d'impatience de mettre les 25 nouveaux ministres à l'épreuve.
Alors que la colline parlementaire grouillera comme une fourmilière dès aujourd'hui, pour l'élection du président des Communes, ce n'est que demain que l'action commencera vraiment, avec la lecture du discours du Trône. Ce document, qui présente en quelque sorte le plan d'action du gouvernement, donnera le ton aux prochains moins. Il ne faudrait pas, cependant, s'attendre à de grandes surprises.
Des sources indiquent que ce discours sera plutôt court, et axé sur les cinq priorités établies par les conservateurs, ce qui est bien différent de la liste d'épicerie à laquelle nous avaient habitués les libéraux.
M. Harper se fait un devoir de répéter, dès qu'il en a l'occasion, les cinq priorités de son gouvernement :
- faire le «ménage à Ottawa» en faisant adopter la loi sur la responsabilité fédérale;
- réduire la TPS de 7 à 6 % dans le premier budget;
- durcir le système de justice en imposant des peines d'emprisonnement minimales;
- mettre un terme au programme national de garderies des libéraux et le remplacer par une allocation de 1200 $ aux parents d'enfants d'âge préscolaire;
- établir avec les provinces une garantie de temps d'attente dans les soins de santé.
Devant son caucus, la semaine dernière, le premier ministre rappelait à ses troupes que les «Canadiens ont voté pour le changement» et que les conservateurs se devaient de respecter cette volonté.
«Qu'est-ce que nous ferons ? C'est facile : nous allons tenir les promesses que* nous avons faites aux Canadiens pendant la campagne électorale», lançait M. Harper. C'est cependant plus facile à dire qu'à faire, dans la situation de gouvernement minoritaire dans laquelle M. Harper se trouve. Pour faire adopter des mesures, les conservateurs devront probablement faire des compromis. Déjà, les libéraux ont indiqué qu'ils joueraient à fond leur rôle d'opposition officielle, c'est-à-dire s'opposer.
Reprise des travaux à Ottawa = baptème du feu pour Harper
LA RENTRÉE À OTTAWA
Harper décrète le règne de la loi et de l'ordre
Gilles Toupin
La Presse
Ottawa
Les discours du trône surprennent rarement. Celui que prononcera aujourd'hui la gouverneure générale suscitera pourtant un vif intérêt: il marque le véritable début du mandat législatif du gouvernement Harper, élu en janvier dernier. Un gouvernement conservateur qui aura les moyens financiers de ses ambitions, déjà esquissées hier par le premier ministre.
Le premier ministre, Stephen Harper, a promis hier aux policiers canadiens que son gouvernement allait durcir le ton envers les criminels et qu'il allait mettre de l'avant un train de nouvelles mesures sans précédent pour faire régner la loi et l'ordre au pays.
Il a aussi promis que son gouvernement ne donnerait pas suite au projet de loi libéral de décriminaliser la marijuana.
Vingt-quatre heures avant son discours du Trône, M. Harper a voulu envoyer un message sans équivoque aux Canadiens en présentant directement aux délégués de l'Association canadienne de la police professionnelle (ACPP), réunis en conférence au Château Laurier à Ottawa, un important pan de son menu législatif, soit les mesures musclées qu'il entend prendre pour parer à ce qu'il a qualifié de «taux croissant de la criminalité» au pays. (En fait, selon Statistique Canada, le taux a plutôt chuté de 12 % au cours des 10 dernières années.)
«Pour protéger la façon de vivre canadienne, a-t-il dit, nous devons nous attaquer aux crimes liés aux armes à feu, aux gangs et aux drogues. Les Canadiennes et les Canadiens en ont assez de la rhétorique. Ils veulent qu'on agisse et qu'on le fasse immédiatement. Et c'est ce que le nouveau gouvernement du Canada compte faire, agir.»
Des peines plus sévères
Le gouvernement conservateur entend donc déposer divers projets de loi dès ce printemps, ainsi qu'à l'automne, qui rendront plus sévères les peines d'emprisonnement.
«Nous imposerons des peines minimales obligatoires aux trafiquants de drogue, aux individus qui commettent des crimes avec des armes, à ceux qui en commettent pendant une libération conditionnelle et aux récidivistes, a annoncé M. Harper. Nous mettrons fin aux peines d'emprisonnement avec sursis pour les crimes graves.»
Le premier ministre, accompagné de son ministre de la Justice, Vic Toews, a également annoncé que son gouvernement allait éliminer la «clause de la dernière chance», cet article du Code criminel qui permet à un contrevenant purgeant une peine à perpétuité de demander une libération conditionnelle après 15 ans d'emprisonnement. Le gouvernement conservateur entend aussi remplacer la libération d'office par une libération conditionnelle méritée.
«Les libérations conditionnelles ne seront plus accordées automatiquement- comme c'est souvent le cas à l'heure actuelle, a déclaré Stephen Harper. La libération conditionnelle est un privilège- et elle doit être méritée.»
«Nous allons durcir le ton avec les délinquants sexuels et ceux qui s'en prennent à nos enfants», a également annoncé le premier ministre. Une banque d'ADN efficace de tous les délinquants dangereux et les délinquants sexuels reconnus coupables d'un crime sera ainsi créée et l'âge du consentement à des relations sexuelles entre jeunes et adultes passera de 14 à 16 ans. Les conservateurs entendent enfin mettre en place une politique de tolérance zéro pour toute forme de pornographie juvénile.
Le discours du premier ministre a été accueilli avec bonheur par les policiers. «Le message clé est clair, a commenté le président de l'ACPP, Tony Cannavino. Pour des crimes sérieux, les peines de prison seront sérieuses. C'est toujours intéressant de constater qu'une fois la campagne électorale terminée, le message des conservateurs n'a pas changé.»
M. Harper a aussi annoncé qu'il avait l'intention de faire en sorte qu'il y ait plus de policiers au pays, qu'il s'agisse de la police fédérale, provinciale ou municipale.
Tout comme le premier ministre, le ministre de la Justice a été catégorique au sujet de l'élimination prochaine du registre des armes à feu. «Le registre des armes à feu a été un échec patent, un gaspillage de l'argent des contribuables et une perte de temps pour les policiers», a déclaré Vic Toews aux journalistes.
L'ACPP ne partage pas ce dernier point de vue. Tony Cannavino estime que le registre des armes à feu est «un outil important pour les policiers» qui s'en servent pour y faire quelque 5000 vérifications quotidiennes. «C'est significatif», a-t-il dit.
Harper décrète le règne de la loi et de l'ordre
Gilles Toupin
La Presse
Ottawa
Les discours du trône surprennent rarement. Celui que prononcera aujourd'hui la gouverneure générale suscitera pourtant un vif intérêt: il marque le véritable début du mandat législatif du gouvernement Harper, élu en janvier dernier. Un gouvernement conservateur qui aura les moyens financiers de ses ambitions, déjà esquissées hier par le premier ministre.
Le premier ministre, Stephen Harper, a promis hier aux policiers canadiens que son gouvernement allait durcir le ton envers les criminels et qu'il allait mettre de l'avant un train de nouvelles mesures sans précédent pour faire régner la loi et l'ordre au pays.
Il a aussi promis que son gouvernement ne donnerait pas suite au projet de loi libéral de décriminaliser la marijuana.
Vingt-quatre heures avant son discours du Trône, M. Harper a voulu envoyer un message sans équivoque aux Canadiens en présentant directement aux délégués de l'Association canadienne de la police professionnelle (ACPP), réunis en conférence au Château Laurier à Ottawa, un important pan de son menu législatif, soit les mesures musclées qu'il entend prendre pour parer à ce qu'il a qualifié de «taux croissant de la criminalité» au pays. (En fait, selon Statistique Canada, le taux a plutôt chuté de 12 % au cours des 10 dernières années.)
«Pour protéger la façon de vivre canadienne, a-t-il dit, nous devons nous attaquer aux crimes liés aux armes à feu, aux gangs et aux drogues. Les Canadiennes et les Canadiens en ont assez de la rhétorique. Ils veulent qu'on agisse et qu'on le fasse immédiatement. Et c'est ce que le nouveau gouvernement du Canada compte faire, agir.»
Des peines plus sévères
Le gouvernement conservateur entend donc déposer divers projets de loi dès ce printemps, ainsi qu'à l'automne, qui rendront plus sévères les peines d'emprisonnement.
«Nous imposerons des peines minimales obligatoires aux trafiquants de drogue, aux individus qui commettent des crimes avec des armes, à ceux qui en commettent pendant une libération conditionnelle et aux récidivistes, a annoncé M. Harper. Nous mettrons fin aux peines d'emprisonnement avec sursis pour les crimes graves.»
Le premier ministre, accompagné de son ministre de la Justice, Vic Toews, a également annoncé que son gouvernement allait éliminer la «clause de la dernière chance», cet article du Code criminel qui permet à un contrevenant purgeant une peine à perpétuité de demander une libération conditionnelle après 15 ans d'emprisonnement. Le gouvernement conservateur entend aussi remplacer la libération d'office par une libération conditionnelle méritée.
«Les libérations conditionnelles ne seront plus accordées automatiquement- comme c'est souvent le cas à l'heure actuelle, a déclaré Stephen Harper. La libération conditionnelle est un privilège- et elle doit être méritée.»
«Nous allons durcir le ton avec les délinquants sexuels et ceux qui s'en prennent à nos enfants», a également annoncé le premier ministre. Une banque d'ADN efficace de tous les délinquants dangereux et les délinquants sexuels reconnus coupables d'un crime sera ainsi créée et l'âge du consentement à des relations sexuelles entre jeunes et adultes passera de 14 à 16 ans. Les conservateurs entendent enfin mettre en place une politique de tolérance zéro pour toute forme de pornographie juvénile.
Le discours du premier ministre a été accueilli avec bonheur par les policiers. «Le message clé est clair, a commenté le président de l'ACPP, Tony Cannavino. Pour des crimes sérieux, les peines de prison seront sérieuses. C'est toujours intéressant de constater qu'une fois la campagne électorale terminée, le message des conservateurs n'a pas changé.»
M. Harper a aussi annoncé qu'il avait l'intention de faire en sorte qu'il y ait plus de policiers au pays, qu'il s'agisse de la police fédérale, provinciale ou municipale.
Tout comme le premier ministre, le ministre de la Justice a été catégorique au sujet de l'élimination prochaine du registre des armes à feu. «Le registre des armes à feu a été un échec patent, un gaspillage de l'argent des contribuables et une perte de temps pour les policiers», a déclaré Vic Toews aux journalistes.
L'ACPP ne partage pas ce dernier point de vue. Tony Cannavino estime que le registre des armes à feu est «un outil important pour les policiers» qui s'en servent pour y faire quelque 5000 vérifications quotidiennes. «C'est significatif», a-t-il dit.
À petite dose
Bernard Descôteaux
Édition du mercredi 5 avril 2006
C'est parti! Avec le discours du Trône prononcé hier par la gouverneure générale Michaëlle Jean, le gouvernement de Stephen Harper est maintenant en mode action. À l'ordre du jour du nouveau Parlement, il a inscrit des projets qui, bien qu'ils soient relativement mesurés, entraîneront le Canada sur des voies radicalement différentes de celles suivies au cours des 15 dernières années.
Tout, dans ce discours du Trône, contraste avec la manière de faire les choses des gouvernements précédents. Outre la concision du texte lu par Mme Jean mais rédigé par le premier ministre, le ton, l'esprit, les orientations et la méthode sont d'une autre couleur, celle donnée personnellement par Stephen Harper, qui veut faire les choses différemment.
Pour ce qui est de la méthode, le gouvernement conservateur se distingue d'abord en adoptant une attitude plus humble que celle affichée par les libéraux de Paul Martin lorsqu'ils s'étaient présentés au Parlement à l'automne 2004. M. Harper n'entend pas jouer les matamores face à une opposition qui détient le sort de son gouvernement entre ses mains. Ayant été celui qui a fait tomber le gouvernement Martin, il a compris que dans sa situation minoritaire, il lui faut rechercher des consensus pour espérer remporter les votes de confiance qui l'attendent.
Durer est le principal défi de M. Harper qui, dans cet esprit, a évité hier de s'engager dans une multitude de directions où il risquerait de se perdre. Son gouvernement s'en tiendra aux cinq grandes promesses faites pendant la campagne électorale, promesses qu'il peut par ailleurs prétendre pouvoir réaliser en affirmant avoir la légitimité requise, même s'il est minoritaire.
Pour l'opposition, il sera difficile de refuser toute collaboration dans ce contexte, d'autant plus que M. Harper s'est bien gardé de la braquer dans ce discours en agitant devant elle le chiffon rouge du mariage entre conjoints de même sexe, question sur laquelle il avait pourtant dit qu'il reviendrait. Qui plus est, il lui a tendu la main en retenant pour ce discours du Trône certaines de ses préoccupations comme l'examen du système électoral cher au NPD ou encore l'étude et la ratification de traités internationaux par le Parlement, comme le Bloc québécois le réclame depuis longtemps.
L'approche prudente adoptée par les conservateurs leur est dictée par une lecture réaliste de leur situation. Pour espérer doubler la mise aux prochaines élections et pouvoir former un gouvernement majoritaire, ils doivent réussir à établir avec les Canadiens une relation de confiance qui n'existe pas encore. Aux élections de juin 2004, les Canadiens avaient un instant été tentés de leur accorder cette confiance, mais ils avaient retraité au dernier moment. M. Harper sait trop bien que le 23 janvier dernier, les électeurs l'ont élu en gardant d'énormes réserves à l'endroit du Parti conservateur, moins par crainte qu'un gouvernement issu de ce parti n'ait pas la capacité d'assumer ses responsabilités que par peur d'être entraînés dans des avenues extrémistes.
La prudence affichée par Stephen Harper dans ce discours du Trône est la réponse qu'il propose aux Canadiens en leur disant qu'ils n'ont pas à avoir peur. Son gouvernement ne fera que ce qu'il a dit qu'il ferait et avancera lentement sur la voie des changements. Procédant à petite dose, il espère que les Canadiens apprivoiseront leurs peurs à l'endroit de son gouvernement. Mais un discours du Trône n'est rien d'autre que l'expression de bonnes intentions. Dans l'action, celles-ci pourraient se révéler autres.
bdescoteaux@ledevoir.ca
Bernard Descôteaux
Édition du mercredi 5 avril 2006
C'est parti! Avec le discours du Trône prononcé hier par la gouverneure générale Michaëlle Jean, le gouvernement de Stephen Harper est maintenant en mode action. À l'ordre du jour du nouveau Parlement, il a inscrit des projets qui, bien qu'ils soient relativement mesurés, entraîneront le Canada sur des voies radicalement différentes de celles suivies au cours des 15 dernières années.
Tout, dans ce discours du Trône, contraste avec la manière de faire les choses des gouvernements précédents. Outre la concision du texte lu par Mme Jean mais rédigé par le premier ministre, le ton, l'esprit, les orientations et la méthode sont d'une autre couleur, celle donnée personnellement par Stephen Harper, qui veut faire les choses différemment.
Pour ce qui est de la méthode, le gouvernement conservateur se distingue d'abord en adoptant une attitude plus humble que celle affichée par les libéraux de Paul Martin lorsqu'ils s'étaient présentés au Parlement à l'automne 2004. M. Harper n'entend pas jouer les matamores face à une opposition qui détient le sort de son gouvernement entre ses mains. Ayant été celui qui a fait tomber le gouvernement Martin, il a compris que dans sa situation minoritaire, il lui faut rechercher des consensus pour espérer remporter les votes de confiance qui l'attendent.
Durer est le principal défi de M. Harper qui, dans cet esprit, a évité hier de s'engager dans une multitude de directions où il risquerait de se perdre. Son gouvernement s'en tiendra aux cinq grandes promesses faites pendant la campagne électorale, promesses qu'il peut par ailleurs prétendre pouvoir réaliser en affirmant avoir la légitimité requise, même s'il est minoritaire.
Pour l'opposition, il sera difficile de refuser toute collaboration dans ce contexte, d'autant plus que M. Harper s'est bien gardé de la braquer dans ce discours en agitant devant elle le chiffon rouge du mariage entre conjoints de même sexe, question sur laquelle il avait pourtant dit qu'il reviendrait. Qui plus est, il lui a tendu la main en retenant pour ce discours du Trône certaines de ses préoccupations comme l'examen du système électoral cher au NPD ou encore l'étude et la ratification de traités internationaux par le Parlement, comme le Bloc québécois le réclame depuis longtemps.
L'approche prudente adoptée par les conservateurs leur est dictée par une lecture réaliste de leur situation. Pour espérer doubler la mise aux prochaines élections et pouvoir former un gouvernement majoritaire, ils doivent réussir à établir avec les Canadiens une relation de confiance qui n'existe pas encore. Aux élections de juin 2004, les Canadiens avaient un instant été tentés de leur accorder cette confiance, mais ils avaient retraité au dernier moment. M. Harper sait trop bien que le 23 janvier dernier, les électeurs l'ont élu en gardant d'énormes réserves à l'endroit du Parti conservateur, moins par crainte qu'un gouvernement issu de ce parti n'ait pas la capacité d'assumer ses responsabilités que par peur d'être entraînés dans des avenues extrémistes.
La prudence affichée par Stephen Harper dans ce discours du Trône est la réponse qu'il propose aux Canadiens en leur disant qu'ils n'ont pas à avoir peur. Son gouvernement ne fera que ce qu'il a dit qu'il ferait et avancera lentement sur la voie des changements. Procédant à petite dose, il espère que les Canadiens apprivoiseront leurs peurs à l'endroit de son gouvernement. Mais un discours du Trône n'est rien d'autre que l'expression de bonnes intentions. Dans l'action, celles-ci pourraient se révéler autres.
bdescoteaux@ledevoir.ca