À la défense des baby-boomers

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tuberale
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Message par tuberale »

À la défense des baby-boomers

Richard Hétu

Le Soleil

Collaboration spéciale

New York


Oubliez tout ce que vous avez entendu à propos des baby-boomers étatsuniens, de leur égoïsme, de leur hédonisme, de leur complaisance. Ceux qui sont nés entre 1946 et 1964 forment en fait la plus grande génération de l'histoire américaine.

C'est la thèse pour le moins audacieuse que défend l'universitaire Leonard Steinhorn, 57 ans, dans The Greater Generation, un nouveau livre sur l'héritage du baby-boom. À l'autre bout du fil, le professeur de communications explique ainsi sa démarche : "Il est important de jeter un regard sur la culture que nous avons créée au cours des 40 dernières années. En dépit de tous nos défauts, notre génération a fait beaucoup mieux que la précédente."

Pardon ? Les baby-boomers ont fait mieux que la génération de la Grande Crise et de la Seconde Guerre mondiale, The Greatest Generation, pour reprendre le titre du best-seller de Tom Brokaw, ancien chef d'antenne de la chaîne NBC ? Oui, répond Steinhorn, qui enseigne à l'American University, à Washington.


Suivons sa logique un instant. Qu'a fait, au juste, la génération vantée par Tom Brokaw ? Après avoir fait son devoir à la guerre, elle a flanché aux États-Unis, s'accommodant du racisme, du sexisme, de l'homophobie, de la pollution, du moralisme, du conformisme. À l'opposé, la génération des baby-boomers a réclamé des changements sur tous ces fronts et remporté, au jour le jour, des victoires qui font aujourd'hui des États-Unis un meilleur pays, beaucoup plus fidèle à ses idéaux qu'il y a 50 ou 60 ans.

"Martin Luther King et Betty Friedan n'étaient pas des baby-boomers, mais, sans l'appui des baby-boomers, ils auraient été des généraux sans armée", dit Leonard Steinhorn en entrevue.



Mauvaise image



Steinhorn met la mauvaise image des baby-boomers sur le compte de plusieurs facteurs, dont leur tendance à l'autocritique et à l'irrévérence. Il mentionne également l'impact du livre de Douglas Coupland, Generation X (publié en 1991), qui présentait chaque baby-boomer comme un vendu de la pire espèce, c'est-à-dire un ancien hippie devenu yuppie. Il souligne enfin le plaisir malin que prennent les commentateurs conservateurs à amplifier les travers des baby-boomers pour pouvoir ensuite mieux critiquer leurs valeurs.

Sa bête noire personnelle : David Brooks, auteur du best-seller international Bobos in Paradise, une critique de la culture des bourgeois-bohèmes, ces baby-boomers qui ont le culot de boire du Merlot, de manger du brie et de conduire des Volvo.



"Brokeback Mountain"



Il n'est pas nécessaire d'adhérer à la thèse du professeur Steinhorn pour trouver son livre intéressant. On y trouve, par exemple, une explication à un des mystères de la vie aux États-Unis. Comment un pays peut-il produire à Hollywood un succès comme Brokeback Mountain, qui raconte l'histoire de deux cow-boys gais, et élire à Washington un président comme George W. Bush, qui a défendu la criminalisation de l'homosexualité du temps où il était gouverneur du Texas ?

"La politique américaine est en retard sur la culture, résume Steinhorn au téléphone. On l'a très bien vu dans l'affaire Terri Schiavo. De façon générale, la population n'a pas suivi les politiciens quand ils ont voulu se mêler de ce dossier."

Mais, un jour, la politique finira bien par rejoindre la culture, selon Steinhorn, qui considère la réélection du président Bush comme une aberration reliée au 11 septembre 2001 et à la peur du terrorisme.

Dans les faits, soutient-il, le conservatisme ne gagne pas de terrain aux É.-U. Au contraire, il continue d'en perdre au profit des valeurs des baby-boomers, qui sont celles du progrès, de la tolérance, de la diversité, etc. des valeurs qui sont largement endossées par les plus jeunes générations.

Steinhorn compare le combat des conservateurs américains à celui des prohibitionnistes, qui obtinrent gain de cause aux É.-U. de 1919 à 1933. Ainsi, le succès actuel des conservateurs est trompeur, car la plupart des Américains souscrivent "aux normes et aux valeurs" de la génération du baby-boom, soutient l'universitaire. En fait, le point de vue des conservateurs devient "de plus en plus obsolète", d'où le ton hystérique de ténors de la droite - les Rush Limbaugh, William Bennett et Bill O'Reilly - que Steinhorn compare aux luddites qui "terrorisèrent l'Angleterre il y a près de 200 ans".

Dans son livre, Steinhorn brosse ce portrait des luddites : "C'était des travailleurs qui voyageaient à travers le pays en démolissant les machines, par peur que la révolution industrielle ne détruise leurs emplois et leur mode vie. Ils faisaient beaucoup de bruit, et leur ténacité donna l'impression qu'ils étaient représentatifs de la population en général, alors qu'ils réagissaient avec la rage et le désespoir" d'une minorité qui voit le monde lui échapper.

Et d'ajouter : "Des personnalités médiatiques comme Rush Limbaugh peuvent penser qu'ils sont à la tête d'un mouvement, mais ils ne font que taper bruyamment sur les machines de l'Amérique du baby-boom."

© 2006 Le Soleil. Tous droits réservés. --Message edité par tuberale le 2006-02-20 08:52:14--
linus611
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Message par linus611 »

10th Anniversary Woodstock Reunion.  

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