Multiples pilules de jouvence

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Multiples pilules de jouvence

Micheline Lortie

La Presse

Collaboration spéciale


José Théodore prend des médicaments pour ne pas perdre ses cheveux (et rate sa chance d'aller aux Jeux olympiques)? Dans le monde de la beauté, les pilules pullulent. On en prend pour ne pas grossir, pour avoir des ongles forts et même pour lutter contre les rides! Sérieux tout cela ou oeuvre de charlatans?

Pilules anticellulite, comprimés antirides, granules Oenobiol censés donner une crinière de Samson, ou gamme Innéove mise en marché par L'Oréal en Europe: la cosmétofood offre désormais des pilules de beauté qu'on dirait sorties de l'officine d'un pharmacien.

La table n'est pas seulement mise en Europe, en Asie ou aux États-Unis. Si, au Québec, on ne peut pas encore acheter de yogourt à l'aloès antitirides comme en Asie (une idée de Shiseido), au Québec on peut néanmoins avaler des cachets anticalvitie (Ducray), des pilules minceur (Lierac, Phytomer) ou gober des gélules bronzants (Esthederm).



Capsules pour bronzer



Il est vrai que certains comprimés peuvent activer le bronzage grâce à leur contenu riche en précurseurs de mélanine. «Dans la plupart des cas, ces gélules renferment simplement du bêta-carotène, explique Daniel Crisafi, naturopathe à la clinique Santé Beauté pH. En rendant orange le gras sous-cutané, le carotène donne l'impression d'une peau qui bronze plus vite. Il n'y a là aucune trouvaille scientifique. Dans les années 50, Monsieur Univers (Steve Reeves, alias Hercule) cultivait déjà son hâle avec du jus de carotte.»


Inutile aussi de se gaver d'antioxydants pour mieux protéger sa peau du soleil. La plupart des études sur la prise orale d'antioxydants (caroténoïdes, flavonoïdes, tocophérols ou vitamine E) ont en effet donné des résultats décevants en termes de protection solaire cutanée. «Seuls les extraits de thé vert et d'un certain type de fougère (le P. leucotomos) semblent capables d'apporter un FPS 3 ou 4 à la peau, a expliqué le Dr Harald Maier, lors du 10e World Congress on Cancers of the Skin, qui s'est tenu récemment à Vienne. La chose est intéressante, surtout pour la clientèle masculine que les produits solaires rebutent. Mais pour y voir clair, d'autres études seront nécessaires.»



Gélules pour «dégraisser»



D'autres comprimés sont supposés «combattre les amas graisseux». «Leurs algues, riches en minéraux et en iode, activent légèrement le métabolisme corporel, dit M. Crisafi. Cela ne suffit pas pour maigrir. De surcroît, il est impossible de fondre à un endroit précis, notamment sur les zones cellulitiques. Ou vous maigrissez, ou vous ne maigrissez pas.»



Comprimés déridants



Le cas des gélules antirides est plus complexe. Paula Begoun, spécialiste américaine en cosmétiques, croit que les antioxydants constituent une piste intéressante pour contrer le vieillissement cutané. «Mais il est trop tôt pour conclure», prévient-elle.

Lionel de Benetti, PDG des Laboratoires Clarins, se montre encore plus prudent. «Comment des suppléments pourraient-ils améliorer l'état cutané des Occidentaux suralimentés que nous sommes déjà? Ajouter du superflu à l'abondance, je n'y crois pas vraiment. De surcroît, n'est-il pas plus agréable de piger ses antioxydants dans les aliments plutôt que dans des pilules?»

Marketing oblige, en janvier 2005, les Laboratoires Clarins ont néanmoins commencé une série de tests pour vérifier si l'ingestion d'antioxydants pouvait avoir un impact sur la peau. «Mais je serais étonné que les résultats soient positifs», avoue le chercheur.

Il faut dire que l'étude Su.Vi.Max., menée en France durant huit ans, a déjà établi «qu'avec une consommation suffisante de fruits et légumes, la prise de suppléments n'apportait aucun bénéfice, hormis un effet psychologique», pour reprendre les mots du Dr Serge Hercberg, coordinateur de la recherche, lors de sa divulgation en France.



Soja pour chevelure



Pour le groupe L'Oréal qui la commanditait, l'étude Su.Vi. Max a toutefois permis d'établir un lien inédit entre la chute des cheveux et la diminution des réserves de fer chez les femmes. «Pour nous, cela constitue une voie de recherche», dit Olivier de Lacharrière, dermatologue chez L'Oréal Recherche.

En attendant des résultats plus concluants, on peut se rabattre sur les comprimés Anacaps de Ducray, dont les isoflavones de soja sont censés freiner la chute capillaire, grâce aux propriétés oestrogéniques du soja.

Cela dit, le soja peut-il freiner la repousse des duvets féminins ou donner du toupet aux hommes comme certains manufacturiers de cosmétiques le prétendent déjà? Aucune étude scientifique n'est parvenue à ces conclusions. À croire que couper les cheveux en quatre est plus simple!



Des plats pour la peau



«Plus l'alimentation est variée, riche en fruits et légumes, plus les besoins de la peau seront satisfaits», rappelle le Dr Philippe Fabre, dermatologue à l'hôpital Rothschild de Paris et auteur de La peau sous influence.

La vitamine A (cantaloup, carotte) améliore ainsi la vascularisation cutanée. La vitamine B (céréales) est un «réducteur» des coups de soleil.

Les acides gras essentiels, notamment ceux issus des huiles végétales (comme l'huile de noix), ont des vertus apaisantes bénéfiques à la peau. La sélénium (poisson, lait) ralentit le vieillissement cutané. Le fer (boudin, abats) favorise l'oxygénation cutanée, tandis que le zinc (huître, viande rouge) aide à réguler la peau grasse.

Quant à la malbouffe, il est faux de croire qu'elle donne des boutons. Le problème avec le cola ou les croustilles, c'est qu'ils font négliger des aliments nettement plus valables.