Publié : jeu. mai 12, 2005 5:02 am
2,5 milliards perdus au noir
Stéphane Paquet
12 mai 2005 - 07h13
Ceux qui trouvent que le fisc québécois fouine trop dans leurs affaires ont intérêt à prendre leur mal en patience.
Une nouvelle étude du ministère des Finances révèle que Québec perd chaque année 2,5 milliards à cause de l'économie au noir. À lui seul, le secteur de la construction et de la rénovation est responsable de plus du tiers de ces sommes qui n'arrivent jamais dans les coffres de Québec, selon le ministère des Finances. À 872 millions par année, il s'agit du secteur où l'économie au noir est la plus florissante en termes absolus.
Les restaurants et les bars ne sont pas en reste: la facturation au noir dans les restaurants ferait perdre 303 millions à Québec. Pour les seules boissons alcoolisées, il faut ajouter 294 autres millions.
Toutes proportions gardées, ce n'est toutefois pas au gars de la construction ou à l'aubergiste que revient le titre du plus grand travailleur au noir. Il va plutôt au garagiste.
Selon les données du ministère des Finances, le taux d'évasion fiscale était de 20 % dans les garages en 2002, en incluant le coût des pièces. Chaque année, Québec perd pour ce seul secteur 155 millions en recettes fiscales.
« L'étude nous donne une base pour lancer des opérations », indiquait-on hier aux Finances, où on insistait pour dire que la situation n'est pas pire au Québec qu'ailleurs. « Nous, on l'a chiffrée, c'est tout. »
Même si l'étude a été réalisée à partir de données de 2002, rien n'indique que la situation est différente maintenant.
L'an dernier, les fonctionnaires du ministère du Revenu du Québec ont récupéré près de 1,4 milliard. Il y a aussi eu d'autres vérifications faites par d'autres organismes (comme la Commission de la construction, la Régie du bâtiment ou la Sûreté du Québec), pour un montant qui oscille entre 600 et 700 millions.
Toutes ces sommes s'additionnent aux 2,5 milliards de pertes fiscales. Au total, ce serait donc environ 2 % de l'économie québécoise qui tourne au noir.
Comment ça fonctionne?
Dans les bars, Québec mène des opérations Accès-Alcool. Les policiers se rendent dans les débits d'alcool pour vérifier si les bouteilles ont bel et bien le sceau de la Société des alcools, preuve que les taxes ont été acquittées.
Chaque année, on mène entre 8000 et 10 000 opérations du genre, selon les données des Finances. « Le truc, c'est de dissimuler du vin dans ses inventaires. Un restaurateur peut acheter du vin en kit (fait maison) et le revendre par la suite. Les marges sont très bonnes », explique un haut fonctionnaire.
Chaque année, le fisc québécois revoit les secteurs où il entend frapper. Cette année, le plan de match n'a pas encore été présenté au ministre. Mais il est clair, pour les fonctionnaires des Finances, que le secteur des bars sera encore ciblé. La construction verra également débarquer son lot d'inspecteurs. « Il y a des secteurs où c'est plus difficile qu'ailleurs, a-t-on constaté aux Finances, comme dans les salons de coiffure, par exemple. »
C'est pour cette raison que personne ne croit que, du jour au lendemain, le ministre Michel Audet se réveillera avec 2,5 milliards de plus à dépenser. « Aller chercher le dernier dollar des 2,5 milliards, c'est impossible », concède notre source, qui travaille au dossier. Le ministre Audet, lui, n'était pas disponible hier.
Les petites entreprises
Autre trouvaille des fonctionnaires des Finances: les petites entreprises sont plus susceptibles que les grandes de ne pas déclarer tous leurs revenus. Les grandes entreprises qui cachent des sommes au fisc en cachent par contre beaucoup plus. La récupération moyenne dans les grandes entreprises est de plus de 150 000 $, contre moins de 20 000 $ pour les PME.
L'an dernier, Québec a mis sur pied une unité intégrée de lutte contre le crime économique, qui regroupe la SQ, les Finances, le Revenu, l'Autorité des marchés financiers et la Justice. Cette escouade a récupéré un peu moins que les 150 millions qu'elle avait prévu obtenir dans le secteur interlope. Cette année, l'objectif est de 250 millions.
Sommaire de l'étude du Ministère
www.finances.gouv.qc.ca
L'ÉCONOMIE AU NOIR
Valeur au noir en millions de $
- Construction et rénovation: 3094
- Restauration: 1273
- Alcools: 854
- Services personnels: 808
- Entretien de véhicules: 568
- Tabac: 216
Source: ministère des Finances --Message edité par tuberale le 2005-05-12 11:03:54--
Stéphane Paquet
12 mai 2005 - 07h13
Ceux qui trouvent que le fisc québécois fouine trop dans leurs affaires ont intérêt à prendre leur mal en patience.
Une nouvelle étude du ministère des Finances révèle que Québec perd chaque année 2,5 milliards à cause de l'économie au noir. À lui seul, le secteur de la construction et de la rénovation est responsable de plus du tiers de ces sommes qui n'arrivent jamais dans les coffres de Québec, selon le ministère des Finances. À 872 millions par année, il s'agit du secteur où l'économie au noir est la plus florissante en termes absolus.
Les restaurants et les bars ne sont pas en reste: la facturation au noir dans les restaurants ferait perdre 303 millions à Québec. Pour les seules boissons alcoolisées, il faut ajouter 294 autres millions.
Toutes proportions gardées, ce n'est toutefois pas au gars de la construction ou à l'aubergiste que revient le titre du plus grand travailleur au noir. Il va plutôt au garagiste.
Selon les données du ministère des Finances, le taux d'évasion fiscale était de 20 % dans les garages en 2002, en incluant le coût des pièces. Chaque année, Québec perd pour ce seul secteur 155 millions en recettes fiscales.
« L'étude nous donne une base pour lancer des opérations », indiquait-on hier aux Finances, où on insistait pour dire que la situation n'est pas pire au Québec qu'ailleurs. « Nous, on l'a chiffrée, c'est tout. »
Même si l'étude a été réalisée à partir de données de 2002, rien n'indique que la situation est différente maintenant.
L'an dernier, les fonctionnaires du ministère du Revenu du Québec ont récupéré près de 1,4 milliard. Il y a aussi eu d'autres vérifications faites par d'autres organismes (comme la Commission de la construction, la Régie du bâtiment ou la Sûreté du Québec), pour un montant qui oscille entre 600 et 700 millions.
Toutes ces sommes s'additionnent aux 2,5 milliards de pertes fiscales. Au total, ce serait donc environ 2 % de l'économie québécoise qui tourne au noir.
Comment ça fonctionne?
Dans les bars, Québec mène des opérations Accès-Alcool. Les policiers se rendent dans les débits d'alcool pour vérifier si les bouteilles ont bel et bien le sceau de la Société des alcools, preuve que les taxes ont été acquittées.
Chaque année, on mène entre 8000 et 10 000 opérations du genre, selon les données des Finances. « Le truc, c'est de dissimuler du vin dans ses inventaires. Un restaurateur peut acheter du vin en kit (fait maison) et le revendre par la suite. Les marges sont très bonnes », explique un haut fonctionnaire.
Chaque année, le fisc québécois revoit les secteurs où il entend frapper. Cette année, le plan de match n'a pas encore été présenté au ministre. Mais il est clair, pour les fonctionnaires des Finances, que le secteur des bars sera encore ciblé. La construction verra également débarquer son lot d'inspecteurs. « Il y a des secteurs où c'est plus difficile qu'ailleurs, a-t-on constaté aux Finances, comme dans les salons de coiffure, par exemple. »
C'est pour cette raison que personne ne croit que, du jour au lendemain, le ministre Michel Audet se réveillera avec 2,5 milliards de plus à dépenser. « Aller chercher le dernier dollar des 2,5 milliards, c'est impossible », concède notre source, qui travaille au dossier. Le ministre Audet, lui, n'était pas disponible hier.
Les petites entreprises
Autre trouvaille des fonctionnaires des Finances: les petites entreprises sont plus susceptibles que les grandes de ne pas déclarer tous leurs revenus. Les grandes entreprises qui cachent des sommes au fisc en cachent par contre beaucoup plus. La récupération moyenne dans les grandes entreprises est de plus de 150 000 $, contre moins de 20 000 $ pour les PME.
L'an dernier, Québec a mis sur pied une unité intégrée de lutte contre le crime économique, qui regroupe la SQ, les Finances, le Revenu, l'Autorité des marchés financiers et la Justice. Cette escouade a récupéré un peu moins que les 150 millions qu'elle avait prévu obtenir dans le secteur interlope. Cette année, l'objectif est de 250 millions.
Sommaire de l'étude du Ministère
www.finances.gouv.qc.ca
L'ÉCONOMIE AU NOIR
Valeur au noir en millions de $
- Construction et rénovation: 3094
- Restauration: 1273
- Alcools: 854
- Services personnels: 808
- Entretien de véhicules: 568
- Tabac: 216
Source: ministère des Finances --Message edité par tuberale le 2005-05-12 11:03:54--