JUSTICE
L'État versera 8000$ à un meurtrier
Christiane Desjardins
La Presse
Un homme qui s'est blessé aux mains avec un couteau en tuant un rentier recevra 8000 $ de l'État québécois parce que les autorités de la prison ont tardé à lui faire revoir son médecin traitant après une intervention chirurgicale à un doigt.
Ce retard dans le suivi postopératoire a fait en sorte que Christian Huet est resté avec un doigt un peu ankylosé, ce qui nuit à son jeu de guitare, art qu'il perfectionnait depuis plusieurs années. Le juge Jean-Pierre Chrétien conclut que, s'il avait reçu les traitements appropriés, il n'aurait gardé aucune séquelle à long terme. Le magistrat a toutefois accordé moins que la somme réclamée, notamment au chapitre des douleurs, inconvénients et perte de jouissance de la vie, parce que, rappelle-t-il, c'est M. Huet lui-même qui s'est fait sa blessure à l'auriculaire de la main droite lors d'une bagarre ayant causé la mort d'un homme. Huet a plaidé coupable à une accusation d'homicide involontaire et a écopé 12 ans de prison.
Le crime remonte au 14 décembre 1997. Ce jour-là, M. Huet, alors âgé de 31 ans, s'est querellé avec Walter Bourbonnais, 70 ans, dans le logement de ce dernier, rue Chabot. Au dire de M. Huet, M. Bourbonnais l'aurait attaqué avec un couteau. Quoi qu'il en soit, ce dernier est mort. Trois jours plus tard, Huet s'est livré à la police et on l'a envoyé à l'hôpital, pour soigner ses blessures aux mains. Il a été opéré le 18 décembre puis envoyé le même jour à la prison de Rivière-des-Prairies. Dès son arrivée, il indique que son chirurgien veut le revoir le 22 décembre pour le suivi postopératoire. C'est le temps des Fêtes, on lui fera plutôt voir le médecin de la prison, qui ne peut rien faire sans indication du médecin traitant.
Dans les semaines suivantes, le médecin de la prison a demandé plusieurs fois que le patient soit envoyé en consultation à l'hôpital Maisonneuve-Rosemont, mais en vain. De fait, ce n'est que deux mois plus tard, soit le 26 février 1998, que M. Huet a vu le médecin qui l'a opéré. Celui-ci a constaté que des traitements d'ergothérapie entrepris plus tôt auraient sans doute permis une guérison complète. Malgré tout, avec des exercices, Huet a retrouvé presque toutes ses capacités manuelles.
Dans cette affaire, le procureur général du Québec soutenait avoir agi dans les normes compte tenu du personnel en place et du grand nombre de détenus (environ 525), dont les déplacements vers les hôpitaux doivent toujours être faits sous escorte et à des dates inconnues des détenus, pour éviter les évasions. Le magistrat a néanmoins conclu que le personnel de secrétariat et infirmier de la prison avait été négligent dans la gestion du dossier médical parce qu'il avait retardé le suivi postopératoire. Il a donc accordée 8000 $ à Christian Huet.
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