Publié : ven. nov. 25, 2005 8:15 pm
L'Action démocratique se prépare aux prochaines élections générales
Robert Dutrisac
Le Devoir vendredi 25 novembre 2005
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Le PQ et le PLQ devront parler d'autre chose que de référendum, dit Dumont. Le jeune chef de l'ADQ publie une autobiographie dans laquelle il révèle avoir offert la direction de son parti à Lucien Bouchard
Mario Dumont vient de publier une autobiographie où il révèle que Lucien Bouchard souhaitait le nommer ministre dans son gouvernement en 1996. Les libéraux de Jean Charest lui ont aussi fait un appel du pied en 1997. Mais malgré l'implacable dégelée de 2003, le chef adéquiste croit encore à l'avenir de sa formation politique.
Québec - N'en déplaise à Jean Charest et à André Boisclair, les prochaines élections générales au Québec ne pourront pas porter uniquement sur l'opportunité de tenir ou non un référendum sur la souveraineté. L'électorat ne l'accepterait pas.
C'est l'avis du chef de l'Action démocratique du Québec, Mario Dumont, qui, à l'âge de 35 ans, lançait hier à 8000 exemplaires une autobiographie relatant ses 18 ans d'engagement politique sous le titre Avoir le courage de ses convictions. «Je suis convaincu qu'une polarisation autour de ça [la tenue d'un référendum sur la souveraineté] n'est pas possible», estime le jeune mais néanmoins chevronné politicien. «Le Québec est rendu ailleurs», notamment les 18-40 ans, qui «ont un paquet d'autres intérêts par rapport à la politique».
Tant le Parti québécois, dont le dernier bilan au gouvernement est encore frais dans les mémoires, que le Parti libéral, qui doit défendre le sien, ont intérêt à polariser les prochaines élections au Québec, fait observer Mario Dumont. «Les organisateurs libéraux savent que c'est à peu près le seul sujet sur lequel leur chef est un petit peu passionné», dit-il.
Mais à l'égard de la défense de la nation québécoise, pour laquelle l'ADQ propose une «vision autonomiste», le PLQ n'a guère de crédibilité, soutient-il. «Jean Charest a été envoyé au Québec pour sauver le Canada», rappelle-t-il. «Sauver le Canada et bâtir l'autonomie du Québec, c'est deux choses différentes.» Le chef adéquiste n'a jamais cru à l'ouverture de Paul Martin à l'endroit du Québec. «Pour moi, le Parti libéral du Canada, c'est un parti qui est centralisateur et qui fait largement partie des problèmes.» Or, en période d'élections fédérales, les libéraux du Québec prêtent main-forte au PLC. «Vu d'Ottawa, ils sont comme des chiens édentés.»
L'élection d'André Boisclair à la tête du PQ vient certes changer la donne politique au Québec. «Il en demande beaucoup aux Québécois: c'est un mandat de gouverner sans trop savoir ce qu'il va faire et pour faire un référendum, tout ça dans une année et avec peu d'expérience. Il demande les clés de la maison, les clés du char, les clés du coffre-fort», illustre-t-il. L'ADQ, de son côté, proposera aux nationalistes québécois de prendre la mesure «des gains potentiels et des risques de son approche autonomiste» par rapport à un référendum hâtif.
Dans son ouvrage de 462 pages dont la moitié consiste en une autobiographie et l'autre en un manifeste politique, Mario Dumont révèle qu'il avait proposé à Lucien Bouchard, dans les jours qui ont suivi la démission en catastrophe de Jacques Parizeau après la défaite référendaire de 1995, de devenir chef de l'ADQ, le parti qu'il avait fondé. Il voyait en M. Bouchard un nationaliste et un conservateur, et son arrivée à l'ADQ aurait été «le symbole puissant d'une solidarité intergénérationnelle». M. Dumont avait alors 25 ans. M. Bouchard, qui allait devenir premier ministre, a décliné l'offre sur-le-champ.
Un peu plus tard, avant même que M. Bouchard ne devienne premier ministre, le futur chef du PQ a proposé au chef adéquiste un poste de ministre au sein du gouvernement péquiste. «Pour moi, ça n'a jamais été une option, pas une journée, pas une minute.» Le PQ, un parti qui a une tendance au «sectarisme qui tend à empirer», ce n'est pas la tasse de thé de Mario Dumont. Lucien Bouchard, qui a toujours eu maille à partir avec le PQ, pensait, lui, changer ce parti. «Les raisons qu'il a invoquées le jour de son départ du PQ en janvier 2001 n'étaient pas très, très loin, finalement, des raisons pour lesquelles je n'étais pas intéressé» à rejoindre ce parti, souligne M. Dumont.
À l'arrivée de Jean Charest au PLC, les libéraux ont aussi tenté de convaincre Mario Dumont de revenir dans le giron libéral. Mais à lire son ouvrage, on comprend que c'est bien la dernière chose qu'il ferait.
En 1992, les libéraux de Robert Bourassa reniaient le rapport Allaire, qui allait plus tard servir à la première mouture du futur programme adéquiste, et acceptaient «l'abdication pure et simple» que représente, aux yeux de M. Dumont, l'accord de Charlottetown en 1992, conclu à la suite de l'échec de l'accord du Lac-Meech. Le PLQ, de nouveau contrôlé par son establishment «ultrafédéraliste», lui répugnait «profondément», écrit-il.
«Robert Bourassa a trahi son mandat», estime Mario Dumont. Il a dilapidé un moment historique sans précédent. Le chef adéquiste se dit «révolté» par la thèse de John Parisella, le chef de cabinet de M. Bourassa, qui soutenait que M. Bourassa avait géré l'après-Meech «de façon magnifique», qu'il avait réussi à «dégonfler» la ferveur nationaliste pour ne rien faire. Comme il s'y était pourtant engagé, Robert Bourassa aurait dû tenir un référendum sur un nouveau partage des compétences avec Ottawa. Il a «refusé d'entendre l'appel au changement de son peuple», accuse Mario Dumont, qui ne lui a pas pardonné.
Sans se perdre dans des détails douloureux, le chef adéquiste relate l'expérience épouvantable de la campagne de 2003, survenue après quatre victoires à des élections partielles en 2002 et des sondages où l'appui à l'ADQ touchait les 40 %. «Plus notre glissade se confirmait, plus elle devenait le centre de la couverture médiatique qu'on nous faisait et moins nos idées politiques semblaient présenter un intérêt digne», écrit-il. «Trente-trois jours qu'a duré ce combat. Il a été dur. Il a été implacable.» Et à la fin, le 14 avril 2003, ce fut «le discours le plus éprouvant de mon parcours politique».
Mario Dumont a appris, dit-il. La principale leçon qu'il a retenue, c'est qu'il ne faut jamais laisser nos adversaires nous définir. «En politique, il ne faut pas présumer que les affirmations grotesques des adversaires vont s'évanouir dans la nature. Il faut répliquer coup sur coup.»
Pour la suite des choses, Mario Dumont se dit optimiste. Après cinq mois passés dans l'ombre en raison de la course au PQ, l'ADQ recueille tout de même 21 % des intentions de vote (selon le dernier CROP) et est le deuxième parti chez les francophones, avec 22 % des appuis, devant les libéraux. Pendant ce temps, les libéraux font du surplace, à 30 %, sans compter un mince taux de 18 % chez les francophones. La dette de 1,5 million du parti ne préoccupe pas son chef, qui signale que l'ADQ a réussi à rembourser la plus grande partie de sa dette de quelque sept millions contractée pour la campagne électorale de 2003. L'ADQ sera là pour la prochaine.
Robert Dutrisac
Le Devoir vendredi 25 novembre 2005
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Le PQ et le PLQ devront parler d'autre chose que de référendum, dit Dumont. Le jeune chef de l'ADQ publie une autobiographie dans laquelle il révèle avoir offert la direction de son parti à Lucien Bouchard
Mario Dumont vient de publier une autobiographie où il révèle que Lucien Bouchard souhaitait le nommer ministre dans son gouvernement en 1996. Les libéraux de Jean Charest lui ont aussi fait un appel du pied en 1997. Mais malgré l'implacable dégelée de 2003, le chef adéquiste croit encore à l'avenir de sa formation politique.
Québec - N'en déplaise à Jean Charest et à André Boisclair, les prochaines élections générales au Québec ne pourront pas porter uniquement sur l'opportunité de tenir ou non un référendum sur la souveraineté. L'électorat ne l'accepterait pas.
C'est l'avis du chef de l'Action démocratique du Québec, Mario Dumont, qui, à l'âge de 35 ans, lançait hier à 8000 exemplaires une autobiographie relatant ses 18 ans d'engagement politique sous le titre Avoir le courage de ses convictions. «Je suis convaincu qu'une polarisation autour de ça [la tenue d'un référendum sur la souveraineté] n'est pas possible», estime le jeune mais néanmoins chevronné politicien. «Le Québec est rendu ailleurs», notamment les 18-40 ans, qui «ont un paquet d'autres intérêts par rapport à la politique».
Tant le Parti québécois, dont le dernier bilan au gouvernement est encore frais dans les mémoires, que le Parti libéral, qui doit défendre le sien, ont intérêt à polariser les prochaines élections au Québec, fait observer Mario Dumont. «Les organisateurs libéraux savent que c'est à peu près le seul sujet sur lequel leur chef est un petit peu passionné», dit-il.
Mais à l'égard de la défense de la nation québécoise, pour laquelle l'ADQ propose une «vision autonomiste», le PLQ n'a guère de crédibilité, soutient-il. «Jean Charest a été envoyé au Québec pour sauver le Canada», rappelle-t-il. «Sauver le Canada et bâtir l'autonomie du Québec, c'est deux choses différentes.» Le chef adéquiste n'a jamais cru à l'ouverture de Paul Martin à l'endroit du Québec. «Pour moi, le Parti libéral du Canada, c'est un parti qui est centralisateur et qui fait largement partie des problèmes.» Or, en période d'élections fédérales, les libéraux du Québec prêtent main-forte au PLC. «Vu d'Ottawa, ils sont comme des chiens édentés.»
L'élection d'André Boisclair à la tête du PQ vient certes changer la donne politique au Québec. «Il en demande beaucoup aux Québécois: c'est un mandat de gouverner sans trop savoir ce qu'il va faire et pour faire un référendum, tout ça dans une année et avec peu d'expérience. Il demande les clés de la maison, les clés du char, les clés du coffre-fort», illustre-t-il. L'ADQ, de son côté, proposera aux nationalistes québécois de prendre la mesure «des gains potentiels et des risques de son approche autonomiste» par rapport à un référendum hâtif.
Dans son ouvrage de 462 pages dont la moitié consiste en une autobiographie et l'autre en un manifeste politique, Mario Dumont révèle qu'il avait proposé à Lucien Bouchard, dans les jours qui ont suivi la démission en catastrophe de Jacques Parizeau après la défaite référendaire de 1995, de devenir chef de l'ADQ, le parti qu'il avait fondé. Il voyait en M. Bouchard un nationaliste et un conservateur, et son arrivée à l'ADQ aurait été «le symbole puissant d'une solidarité intergénérationnelle». M. Dumont avait alors 25 ans. M. Bouchard, qui allait devenir premier ministre, a décliné l'offre sur-le-champ.
Un peu plus tard, avant même que M. Bouchard ne devienne premier ministre, le futur chef du PQ a proposé au chef adéquiste un poste de ministre au sein du gouvernement péquiste. «Pour moi, ça n'a jamais été une option, pas une journée, pas une minute.» Le PQ, un parti qui a une tendance au «sectarisme qui tend à empirer», ce n'est pas la tasse de thé de Mario Dumont. Lucien Bouchard, qui a toujours eu maille à partir avec le PQ, pensait, lui, changer ce parti. «Les raisons qu'il a invoquées le jour de son départ du PQ en janvier 2001 n'étaient pas très, très loin, finalement, des raisons pour lesquelles je n'étais pas intéressé» à rejoindre ce parti, souligne M. Dumont.
À l'arrivée de Jean Charest au PLC, les libéraux ont aussi tenté de convaincre Mario Dumont de revenir dans le giron libéral. Mais à lire son ouvrage, on comprend que c'est bien la dernière chose qu'il ferait.
En 1992, les libéraux de Robert Bourassa reniaient le rapport Allaire, qui allait plus tard servir à la première mouture du futur programme adéquiste, et acceptaient «l'abdication pure et simple» que représente, aux yeux de M. Dumont, l'accord de Charlottetown en 1992, conclu à la suite de l'échec de l'accord du Lac-Meech. Le PLQ, de nouveau contrôlé par son establishment «ultrafédéraliste», lui répugnait «profondément», écrit-il.
«Robert Bourassa a trahi son mandat», estime Mario Dumont. Il a dilapidé un moment historique sans précédent. Le chef adéquiste se dit «révolté» par la thèse de John Parisella, le chef de cabinet de M. Bourassa, qui soutenait que M. Bourassa avait géré l'après-Meech «de façon magnifique», qu'il avait réussi à «dégonfler» la ferveur nationaliste pour ne rien faire. Comme il s'y était pourtant engagé, Robert Bourassa aurait dû tenir un référendum sur un nouveau partage des compétences avec Ottawa. Il a «refusé d'entendre l'appel au changement de son peuple», accuse Mario Dumont, qui ne lui a pas pardonné.
Sans se perdre dans des détails douloureux, le chef adéquiste relate l'expérience épouvantable de la campagne de 2003, survenue après quatre victoires à des élections partielles en 2002 et des sondages où l'appui à l'ADQ touchait les 40 %. «Plus notre glissade se confirmait, plus elle devenait le centre de la couverture médiatique qu'on nous faisait et moins nos idées politiques semblaient présenter un intérêt digne», écrit-il. «Trente-trois jours qu'a duré ce combat. Il a été dur. Il a été implacable.» Et à la fin, le 14 avril 2003, ce fut «le discours le plus éprouvant de mon parcours politique».
Mario Dumont a appris, dit-il. La principale leçon qu'il a retenue, c'est qu'il ne faut jamais laisser nos adversaires nous définir. «En politique, il ne faut pas présumer que les affirmations grotesques des adversaires vont s'évanouir dans la nature. Il faut répliquer coup sur coup.»
Pour la suite des choses, Mario Dumont se dit optimiste. Après cinq mois passés dans l'ombre en raison de la course au PQ, l'ADQ recueille tout de même 21 % des intentions de vote (selon le dernier CROP) et est le deuxième parti chez les francophones, avec 22 % des appuis, devant les libéraux. Pendant ce temps, les libéraux font du surplace, à 30 %, sans compter un mince taux de 18 % chez les francophones. La dette de 1,5 million du parti ne préoccupe pas son chef, qui signale que l'ADQ a réussi à rembourser la plus grande partie de sa dette de quelque sept millions contractée pour la campagne électorale de 2003. L'ADQ sera là pour la prochaine.