Publié : lun. août 08, 2005 3:50 am
«Soyez raisonnables», dit Charest aux employés de l'État
Le premier ministre n'exclut pas un dégel des frais de scolarité, tel que proposé par les jeunes libéraux
Antoine Robitaille
Édition du lundi 8 août 2005
Sherbrooke -- C'est comme si l'automne politique, qui s'annonce chaud notamment en raison des tensions entre l'État et ses employés sans contrats de travail depuis juin 2003, avait débuté précocement hier. Dans son discours de clôture du congrès de la Commission jeunesse du Parti libéral (CJ), à l'Université de Sherbrooke, le premier ministre Jean Charest a abordé de front la question en enjoignant les employés de l'État à se montrer «raisonnables». Soutenant que son gouvernement allait «négocier de bonne foi», il a toutefois déclaré: «Je n'achèterai pas la paix en renvoyant la facture aux générations futures. Je n'achèterai pas la paix en compromettant les autres devoirs de l'État», phrases accueillies par un tonnerre d'applaudissements de la part de l'auditoire de quelque 400 jeunes militants et députés.
Selon M. Charest, les quelque 500 000 employés de l'État ont un «emploi garanti», de «bonnes conditions de travail», lesquelles font «l'envie de la majorité des travailleurs du Québec». Par conséquent, ils devraient accepter l'offre du gouvernement, soit une augmentation de 12,6 % sur 6 ans, incluant l'équité salariale, «ce qui représente 3 milliards de dollars», a-t-il précisé. Les employés de l'État devraient comparer leur sort, selon lui, aux autres travailleurs du Québec soumis à la «farouche concurrence internationale». Tels ces employés de New Richmond, «qui viennent de perdre leur emploi». Il faisait référence à la fermeture de l'usine Smurfit-Stone en Gaspésie, annoncée à la fin de la semaine dernière.
Lors d'un point de presse qui a suivi son discours, le premier ministre a précisé qu'il refusait de se «retrouver comme René Lévesque en 1981». Le fondateur du Parti québécois, a rappelé M. Charest, avait alors dû revenir sur des conventions collectives précédemment signées pour réduire de 20 % les salaires des employés; la situation économique, qui s'était détériorée, le commandait. «Ce que je vous dis, c'est que ce n'est pas vrai que je vais signer des conventions collectives pour ensuite revenir en arrière. On va tenir compte de la réalité, de la capacité de payer des Québécois.»
Dégel possible
Plus tôt dans son discours, M. Charest avait décrit son parti comme celui «des grands bons en avant», surprenante utilisation d'une formule maoïste. À ses dires, grâce aux actions de son gouvernement, élu en avril 2003, il y a 32 000 chômeurs en moins au Québec et «l'engorgement des bulletins de nouvelles par l'engorgement des urgences a cessé».
Affirmant que l'automne qui s'en vient en sera un «de débats», M. Charest a aussi lancé : «il faut avoir le courage de nommer les grands enjeux, de faire des débats, pas de tourner le dos aux débats. De ne pas dire non chaque fois qu'on propose de nouvelles idées.»
Tout le monde a alors pensé à cette notion de «dégel responsable» des frais de scolarité, adoptée massivement par la Commission jeunesse libérale samedi. En point de presse, M. Charest a dit hier qu'il respecterait l'engagement de son parti de maintenir les frais gelés pour le reste du mandat. Et s'il en obtenait un second ? Refusant de se mouiller tout de suite, M. Charest a annoncé que «le débat se fera» lors du dépôt du rapport de Michel Gervais, prévu le mois prochain, et que l'option du dégel serait sur la table. Ancien recteur de l'Université Laval et présentement directeur général du Centre hospitalier Robert-Giffard, M. Gervais dirige une équipe de travail qui a été chargée, lors des Forums régionaux, d'étudier «le maintien de l'accès à des services éducatifs de qualité». Le ministre des Finances Michel Audet, qui assistait à la fin du congrès, a déclaré qu'un tel «dégel responsable» était pratiquement inévitable.
Les jeunes libéraux, dont le chef Simon Bégin, utilisent la notion de «dégel responsable» pour signifier que toute hausse de frais de scolarité ne devrait se faire qu'à des conditions précises, par exemple que le gouvernement provincial s'engage à réinvestir les sommes recueillies en éducation; que le système des prêts et bourses soit amélioré; que le gouvernement fédéral «fasse sa part».
D'ailleurs, Jean Charest a annoncé hier qu'il demanderait au fédéral cette semaine parle biais du Conseil de la fédération de ramener le financement de l'éducation post-secondaire au niveau qu'il était en 1995, avant que Paul Martin, alors ministre des Finances, ne le réduise. «Cela pourrait représenter une somme de 4 milliards sur quelques années», a-t-il spécifié.
Bien que qualifiée de «responsable», cette option a soulevé l'ire des groupes étudiants, dont la Fédération étudiante universitaire, qui l'a dénoncé dès samedi après-midi par la voix de son porte-parole, Jean-Patrick Brady. Un militant libéral opposé au dégel, Paul Huynh, qui l'a combattue sur le parquet du congrès, s'est dit «extrêmement déçu» de la décision de ses collègues. Si jamais l'option du dégel était adoptée par le gouvernement, cela provoquerait «le feu sur les campus», a déclaré M. Huynh, aussi membre du Conseil permanent de la jeunesse et fiscaliste chez Ernst & Young.
Des jeunes péquistes se sont aussi rendus «en mission commandée» hier, sur le campus de l'Université de Sherbrooke, pour dénoncer le dégel adoptée par la CJ. Leur président, Claude Villeneuve, a soutenu que c'est M. Charest qui avait contraint les jeunes à opter pour le dégel. «C'est téléguidé.» Selon M. Villeneuve, la CJ libérale ne fait plus preuve d'aucune audace envers ses aînés, «elle est maintenant une sorte de focus group au service de Jean Charest».
Quant au brûlant dossier des «strings» ou de la sexualité précoce des adolescents, notons que les jeunes libéraux ont adopté samedi une résolution qui demande à l'État «d'encourager -- plutôt que d'imposer -- l'adoption d'un code vestimentaire qui interdirait les vêtements trop suggestifs et offensants». Questionné à ce sujet, le premier ministre Charest a déclaré, un brin mal à l'aise, «qu'il y aurait débat». Il a remercié la CJ d'avoir abordé la question, car cela a permis à tous les foyers du Québec d'en débattre cette semaine.
Pour ce qui est du dossier de l'eau, la CJ a dilué sa résolution samedi, laquelle ne demande plus la nationalisation, mais simplement des États généraux sur la protection de cette ressource
Le premier ministre n'exclut pas un dégel des frais de scolarité, tel que proposé par les jeunes libéraux
Antoine Robitaille
Édition du lundi 8 août 2005
Sherbrooke -- C'est comme si l'automne politique, qui s'annonce chaud notamment en raison des tensions entre l'État et ses employés sans contrats de travail depuis juin 2003, avait débuté précocement hier. Dans son discours de clôture du congrès de la Commission jeunesse du Parti libéral (CJ), à l'Université de Sherbrooke, le premier ministre Jean Charest a abordé de front la question en enjoignant les employés de l'État à se montrer «raisonnables». Soutenant que son gouvernement allait «négocier de bonne foi», il a toutefois déclaré: «Je n'achèterai pas la paix en renvoyant la facture aux générations futures. Je n'achèterai pas la paix en compromettant les autres devoirs de l'État», phrases accueillies par un tonnerre d'applaudissements de la part de l'auditoire de quelque 400 jeunes militants et députés.
Selon M. Charest, les quelque 500 000 employés de l'État ont un «emploi garanti», de «bonnes conditions de travail», lesquelles font «l'envie de la majorité des travailleurs du Québec». Par conséquent, ils devraient accepter l'offre du gouvernement, soit une augmentation de 12,6 % sur 6 ans, incluant l'équité salariale, «ce qui représente 3 milliards de dollars», a-t-il précisé. Les employés de l'État devraient comparer leur sort, selon lui, aux autres travailleurs du Québec soumis à la «farouche concurrence internationale». Tels ces employés de New Richmond, «qui viennent de perdre leur emploi». Il faisait référence à la fermeture de l'usine Smurfit-Stone en Gaspésie, annoncée à la fin de la semaine dernière.
Lors d'un point de presse qui a suivi son discours, le premier ministre a précisé qu'il refusait de se «retrouver comme René Lévesque en 1981». Le fondateur du Parti québécois, a rappelé M. Charest, avait alors dû revenir sur des conventions collectives précédemment signées pour réduire de 20 % les salaires des employés; la situation économique, qui s'était détériorée, le commandait. «Ce que je vous dis, c'est que ce n'est pas vrai que je vais signer des conventions collectives pour ensuite revenir en arrière. On va tenir compte de la réalité, de la capacité de payer des Québécois.»
Dégel possible
Plus tôt dans son discours, M. Charest avait décrit son parti comme celui «des grands bons en avant», surprenante utilisation d'une formule maoïste. À ses dires, grâce aux actions de son gouvernement, élu en avril 2003, il y a 32 000 chômeurs en moins au Québec et «l'engorgement des bulletins de nouvelles par l'engorgement des urgences a cessé».
Affirmant que l'automne qui s'en vient en sera un «de débats», M. Charest a aussi lancé : «il faut avoir le courage de nommer les grands enjeux, de faire des débats, pas de tourner le dos aux débats. De ne pas dire non chaque fois qu'on propose de nouvelles idées.»
Tout le monde a alors pensé à cette notion de «dégel responsable» des frais de scolarité, adoptée massivement par la Commission jeunesse libérale samedi. En point de presse, M. Charest a dit hier qu'il respecterait l'engagement de son parti de maintenir les frais gelés pour le reste du mandat. Et s'il en obtenait un second ? Refusant de se mouiller tout de suite, M. Charest a annoncé que «le débat se fera» lors du dépôt du rapport de Michel Gervais, prévu le mois prochain, et que l'option du dégel serait sur la table. Ancien recteur de l'Université Laval et présentement directeur général du Centre hospitalier Robert-Giffard, M. Gervais dirige une équipe de travail qui a été chargée, lors des Forums régionaux, d'étudier «le maintien de l'accès à des services éducatifs de qualité». Le ministre des Finances Michel Audet, qui assistait à la fin du congrès, a déclaré qu'un tel «dégel responsable» était pratiquement inévitable.
Les jeunes libéraux, dont le chef Simon Bégin, utilisent la notion de «dégel responsable» pour signifier que toute hausse de frais de scolarité ne devrait se faire qu'à des conditions précises, par exemple que le gouvernement provincial s'engage à réinvestir les sommes recueillies en éducation; que le système des prêts et bourses soit amélioré; que le gouvernement fédéral «fasse sa part».
D'ailleurs, Jean Charest a annoncé hier qu'il demanderait au fédéral cette semaine parle biais du Conseil de la fédération de ramener le financement de l'éducation post-secondaire au niveau qu'il était en 1995, avant que Paul Martin, alors ministre des Finances, ne le réduise. «Cela pourrait représenter une somme de 4 milliards sur quelques années», a-t-il spécifié.
Bien que qualifiée de «responsable», cette option a soulevé l'ire des groupes étudiants, dont la Fédération étudiante universitaire, qui l'a dénoncé dès samedi après-midi par la voix de son porte-parole, Jean-Patrick Brady. Un militant libéral opposé au dégel, Paul Huynh, qui l'a combattue sur le parquet du congrès, s'est dit «extrêmement déçu» de la décision de ses collègues. Si jamais l'option du dégel était adoptée par le gouvernement, cela provoquerait «le feu sur les campus», a déclaré M. Huynh, aussi membre du Conseil permanent de la jeunesse et fiscaliste chez Ernst & Young.
Des jeunes péquistes se sont aussi rendus «en mission commandée» hier, sur le campus de l'Université de Sherbrooke, pour dénoncer le dégel adoptée par la CJ. Leur président, Claude Villeneuve, a soutenu que c'est M. Charest qui avait contraint les jeunes à opter pour le dégel. «C'est téléguidé.» Selon M. Villeneuve, la CJ libérale ne fait plus preuve d'aucune audace envers ses aînés, «elle est maintenant une sorte de focus group au service de Jean Charest».
Quant au brûlant dossier des «strings» ou de la sexualité précoce des adolescents, notons que les jeunes libéraux ont adopté samedi une résolution qui demande à l'État «d'encourager -- plutôt que d'imposer -- l'adoption d'un code vestimentaire qui interdirait les vêtements trop suggestifs et offensants». Questionné à ce sujet, le premier ministre Charest a déclaré, un brin mal à l'aise, «qu'il y aurait débat». Il a remercié la CJ d'avoir abordé la question, car cela a permis à tous les foyers du Québec d'en débattre cette semaine.
Pour ce qui est du dossier de l'eau, la CJ a dilué sa résolution samedi, laquelle ne demande plus la nationalisation, mais simplement des États généraux sur la protection de cette ressource