Publié : sam. avr. 09, 2005 4:30 am
Peuples autochtones. Depuis janvier, 22 enfants ont succombé à la sous-nutrition.
Brésil: la faim tue encore des Indiens
Par Chantal RAYES
samedi 09 avril 2005 (Liberation - 06:00)
São Paulo de notre correspondante
C'est le symbole de la présidence Lula la lutte contre la faim qui est frappé. Depuis le début de l'année, 22 Indiens de moins de 5 ans sont morts de sous-nutrition au Brésil. Sans que cela n'émeuve le ministre de la Santé, Humberto Costa, du Parti des travailleurs (formation du Président), qui a déclaré : «Il n'y a pas plus de morts qu'il n'y en a normalement.» Or, si elle est en baisse depuis six ans, la mortalité infantile chez les Indiens du Brésil reste deux fois plus élevée que la moyenne nationale, voire près de six fois plus dans certaines ethnies. «Causée par la sous-nutrition, cette mortalité élevée est due au fait que ces Indiens sont privés de tout ou partie de leurs terres ancestrales, envahies par les Blancs, grands et petits agriculteurs, exploitants de bois ou orpailleurs», note l'anthropologue Egon Heck. Dans le Mato Grosso do Sul, elle a même augmenté de 25 % en un an, en raison du «confinement» des Guarani-Caiuá, tribu dont font partie 18 des victimes.
Confinement. Créées sur une partie des terres ancestrales au début du XXe siècle, les réserves des Guarani-Caiuá sont devenues exiguës en raison de la croissance démographique observée chez les 235 ethnies indigènes du Brésil, dont la population est passée de 400 000 à la fin des années 80 à 734 000 en 2000 (ils étaient près de cinq millions avant d'être décimés par les colonisateurs portugais du Brésil). Leur extension se heurte à l'avancée du soja, qui les encercle désormais. Résultat de ce confinement responsable aussi du taux élevé de suicides chez cette tribu nomade , les habitants ne peuvent pas tous planter de quoi manger. D'où la pénurie alimentaire.
Lula a bien lancé un programme d'aide aux Indiens, mais les semences ne sont distribuées qu'après les semailles. Et les aides alimentaires s'épuisent en quelques jours, quand le chef de la tribu ne les détourne pas en faveur des siens. La situation est aggravée par le déboisement, qui prive les Indiens de la chasse, et par la précarité de l'assistance médicale. La Fondation nationale de la santé (Funasa) impute les décès d'enfants à la résistance de certaines tribus à tout autre traitement que la médecine ancestrale et à une coutume consistant à nourrir les adultes avant les enfants. La Funasa a toutefois dépensé, l'an dernier, plus d'argent en déplacements de ses fonctionnaires qu'en médicaments pour les Indiens. Le gouvernement a réagi en plaçant sous surveillance médicale 1 500 enfants de moins de 5 ans dont le poids est inférieur à la normale, et en augmentant le nombre de bénéficiaires des aides. Le Président a également attribué aux Guarani-Caiuá 9 300 hectares de terre supplémentaires dans le Mato Grosso do Sul.
Mais, déçu par le leader de gauche, pourtant son allié traditionnel, le mouvement indigène accuse Lula de délimiter au compte-gouttes les terres des Indiens (même ses prédécesseurs conservateurs faisaient plus), afin d'éviter l'expulsion des puissants intérêts économiques qui les occupent. Cela, au nom de la croissance, voire en échange de l'appui de ces intérêts à sa réélection en 2006.
«Cynisme». Or, note le Conseil indigéniste missionnaire, lié à l'Eglise, «il est d'un terrible cynisme de la part du gouvernement de prétendre sauver les Indiens de la faim en leur donnant de l'argent et de la nourriture, alors qu'il ne leur attribue pas leurs terres qui seules pourraient leur permettre d'assurer leur subsistance».
Brésil: la faim tue encore des Indiens
Par Chantal RAYES
samedi 09 avril 2005 (Liberation - 06:00)
São Paulo de notre correspondante
C'est le symbole de la présidence Lula la lutte contre la faim qui est frappé. Depuis le début de l'année, 22 Indiens de moins de 5 ans sont morts de sous-nutrition au Brésil. Sans que cela n'émeuve le ministre de la Santé, Humberto Costa, du Parti des travailleurs (formation du Président), qui a déclaré : «Il n'y a pas plus de morts qu'il n'y en a normalement.» Or, si elle est en baisse depuis six ans, la mortalité infantile chez les Indiens du Brésil reste deux fois plus élevée que la moyenne nationale, voire près de six fois plus dans certaines ethnies. «Causée par la sous-nutrition, cette mortalité élevée est due au fait que ces Indiens sont privés de tout ou partie de leurs terres ancestrales, envahies par les Blancs, grands et petits agriculteurs, exploitants de bois ou orpailleurs», note l'anthropologue Egon Heck. Dans le Mato Grosso do Sul, elle a même augmenté de 25 % en un an, en raison du «confinement» des Guarani-Caiuá, tribu dont font partie 18 des victimes.
Confinement. Créées sur une partie des terres ancestrales au début du XXe siècle, les réserves des Guarani-Caiuá sont devenues exiguës en raison de la croissance démographique observée chez les 235 ethnies indigènes du Brésil, dont la population est passée de 400 000 à la fin des années 80 à 734 000 en 2000 (ils étaient près de cinq millions avant d'être décimés par les colonisateurs portugais du Brésil). Leur extension se heurte à l'avancée du soja, qui les encercle désormais. Résultat de ce confinement responsable aussi du taux élevé de suicides chez cette tribu nomade , les habitants ne peuvent pas tous planter de quoi manger. D'où la pénurie alimentaire.
Lula a bien lancé un programme d'aide aux Indiens, mais les semences ne sont distribuées qu'après les semailles. Et les aides alimentaires s'épuisent en quelques jours, quand le chef de la tribu ne les détourne pas en faveur des siens. La situation est aggravée par le déboisement, qui prive les Indiens de la chasse, et par la précarité de l'assistance médicale. La Fondation nationale de la santé (Funasa) impute les décès d'enfants à la résistance de certaines tribus à tout autre traitement que la médecine ancestrale et à une coutume consistant à nourrir les adultes avant les enfants. La Funasa a toutefois dépensé, l'an dernier, plus d'argent en déplacements de ses fonctionnaires qu'en médicaments pour les Indiens. Le gouvernement a réagi en plaçant sous surveillance médicale 1 500 enfants de moins de 5 ans dont le poids est inférieur à la normale, et en augmentant le nombre de bénéficiaires des aides. Le Président a également attribué aux Guarani-Caiuá 9 300 hectares de terre supplémentaires dans le Mato Grosso do Sul.
Mais, déçu par le leader de gauche, pourtant son allié traditionnel, le mouvement indigène accuse Lula de délimiter au compte-gouttes les terres des Indiens (même ses prédécesseurs conservateurs faisaient plus), afin d'éviter l'expulsion des puissants intérêts économiques qui les occupent. Cela, au nom de la croissance, voire en échange de l'appui de ces intérêts à sa réélection en 2006.
«Cynisme». Or, note le Conseil indigéniste missionnaire, lié à l'Eglise, «il est d'un terrible cynisme de la part du gouvernement de prétendre sauver les Indiens de la faim en leur donnant de l'argent et de la nourriture, alors qu'il ne leur attribue pas leurs terres qui seules pourraient leur permettre d'assurer leur subsistance».