Publié : jeu. mars 31, 2005 10:19 am
Et si l'espérance de vie passait à 5000 ans?
Louise Leduc
La Presse
D'ici 2100, l'espérance de vie de l'être humain pourrait être de 5000 ans. Et cette prédiction est prudente.
Qui le dit? Le gourou de quelque nouvelle secte? Pas du tout. Aubrey de Grey, chercheur du département de génétique de la prestigieuse Université de Cambridge, au Royaume-Uni, de passage à Montréal dans le cadre d'un débat intitulé L'Immortalité, utopie ou réalité scientifique?
Oui, oui. L'immortalité. Rien de moins.
«La médecine pourra bientôt contrer le vieillissement», prétend-il.
L'homme, qui semble figé dans les années 70, n'est pas banal. Une longue, longue barbe, de longs cheveux, un genre de ZZ Top qui aurait fait carrière à l'université. Le conférencier idéal pour promouvoir le congrès en cours à Montréal sur les technologies de la santé, congrès qui, sans lui, serait sans doute resté confidentiel.
Vieillir, «c'est très mauvais pour la santé», note De Grey.
Partant de ce constat, il soutient que pour atteindre l'immortalité, il ne nous reste plus qu'à traiter les sept grandes causes de la déchéance humaine. Mettons fin à l'atrophie et à la mort cellulaire, par exemple, et la neurodégénérescence ne sera plus qu'un mauvais souvenir. Mettons à mal les mutations qui modifient la séquence de l'ADN, et le cancer sera éradiqué. «Dans la théorie, nous savons comment réparer toutes ces affaires-là, dit le coloré De Grey. Il ne nous reste plus qu'à financer adéquatement la recherche pour passer de la théorie à la pratique.
Bien sûr, les années passeront et notre corps se fanera, mais dès la cinquantaine, nous y verrons. «Le métabolisme continuera d'agir, mais, à intervalles répétés, il nous suffira d'y aller de quelques réparations avant que la maladie ne s'installe.»
Chez la souris, le rajeunissement pourrait être atteint dès 2010, avance De Grey. Chez les humains? D'ici 2020, si un minimum de 100 millions de dollars est consacré à la recherche et si les scientifiques cessent de voir la mort comme une fatalité.
De Grey parle, et étonnamment, des spécialistes de la biogérontologie le laissent aller. Parce qu'ils ne dédaignent pas de voir un original, aussi extrémiste soit-il, mettre de l'avant l'importance de financer des recherches contre le vieillissement? Pour mieux le contredire?
Lui aussi de passage à Montréal, Jay Olshansky, chercheur à l'École de santé publique de l'Université de l'Illinois, croit en tout cas que De Grey erre totalement. Non seulement ne vivra-t-on pas jusqu'à 5000 ans, mais il est probable qu'en raison de l'obésité de plus en plus présente chez les enfants, l'espérance de vie des futures générations soit même plus courte que celle de leurs parents.
S'ils ne visent pas l'immortalité, la grande majorité des biogérontologues s'entendent cependant sur la pertinence de chercher à ralentir le processus de vieillissement. Ne serait-ce que pour subir à plus petites doses les effets de l'immense tsunami humain que fera déferler sur le monde industrialisé tous ces baby-boomers devenant vieux en même temps.
«Le risque de contracter des maladies telles que l'Alzheimer ou l'ostéoporose double grosso modo tous les sept ans, dit M. Olshansky. Si nous parvenions à retarder de sept ans leur apparition, leur prévalence serait donc réduite de moitié.»
En clair: ou nous serions nombreux à mourir avant d'avoir attrapé tout cela, ou nous en souffririons moins longtemps.
Selon Olshansky, De Grey et tous ceux qui croient en l'immortalité se trompent d'ennemie. «La mort ne devrait pas être notre ennemie. La fragilité et la souffrance le sont. Ce qu'il faut viser, c'est d'augmenter le nombre d'années de vie en santé.»
Louise Leduc
La Presse
D'ici 2100, l'espérance de vie de l'être humain pourrait être de 5000 ans. Et cette prédiction est prudente.
Qui le dit? Le gourou de quelque nouvelle secte? Pas du tout. Aubrey de Grey, chercheur du département de génétique de la prestigieuse Université de Cambridge, au Royaume-Uni, de passage à Montréal dans le cadre d'un débat intitulé L'Immortalité, utopie ou réalité scientifique?
Oui, oui. L'immortalité. Rien de moins.
«La médecine pourra bientôt contrer le vieillissement», prétend-il.
L'homme, qui semble figé dans les années 70, n'est pas banal. Une longue, longue barbe, de longs cheveux, un genre de ZZ Top qui aurait fait carrière à l'université. Le conférencier idéal pour promouvoir le congrès en cours à Montréal sur les technologies de la santé, congrès qui, sans lui, serait sans doute resté confidentiel.
Vieillir, «c'est très mauvais pour la santé», note De Grey.
Partant de ce constat, il soutient que pour atteindre l'immortalité, il ne nous reste plus qu'à traiter les sept grandes causes de la déchéance humaine. Mettons fin à l'atrophie et à la mort cellulaire, par exemple, et la neurodégénérescence ne sera plus qu'un mauvais souvenir. Mettons à mal les mutations qui modifient la séquence de l'ADN, et le cancer sera éradiqué. «Dans la théorie, nous savons comment réparer toutes ces affaires-là, dit le coloré De Grey. Il ne nous reste plus qu'à financer adéquatement la recherche pour passer de la théorie à la pratique.
Bien sûr, les années passeront et notre corps se fanera, mais dès la cinquantaine, nous y verrons. «Le métabolisme continuera d'agir, mais, à intervalles répétés, il nous suffira d'y aller de quelques réparations avant que la maladie ne s'installe.»
Chez la souris, le rajeunissement pourrait être atteint dès 2010, avance De Grey. Chez les humains? D'ici 2020, si un minimum de 100 millions de dollars est consacré à la recherche et si les scientifiques cessent de voir la mort comme une fatalité.
De Grey parle, et étonnamment, des spécialistes de la biogérontologie le laissent aller. Parce qu'ils ne dédaignent pas de voir un original, aussi extrémiste soit-il, mettre de l'avant l'importance de financer des recherches contre le vieillissement? Pour mieux le contredire?
Lui aussi de passage à Montréal, Jay Olshansky, chercheur à l'École de santé publique de l'Université de l'Illinois, croit en tout cas que De Grey erre totalement. Non seulement ne vivra-t-on pas jusqu'à 5000 ans, mais il est probable qu'en raison de l'obésité de plus en plus présente chez les enfants, l'espérance de vie des futures générations soit même plus courte que celle de leurs parents.
S'ils ne visent pas l'immortalité, la grande majorité des biogérontologues s'entendent cependant sur la pertinence de chercher à ralentir le processus de vieillissement. Ne serait-ce que pour subir à plus petites doses les effets de l'immense tsunami humain que fera déferler sur le monde industrialisé tous ces baby-boomers devenant vieux en même temps.
«Le risque de contracter des maladies telles que l'Alzheimer ou l'ostéoporose double grosso modo tous les sept ans, dit M. Olshansky. Si nous parvenions à retarder de sept ans leur apparition, leur prévalence serait donc réduite de moitié.»
En clair: ou nous serions nombreux à mourir avant d'avoir attrapé tout cela, ou nous en souffririons moins longtemps.
Selon Olshansky, De Grey et tous ceux qui croient en l'immortalité se trompent d'ennemie. «La mort ne devrait pas être notre ennemie. La fragilité et la souffrance le sont. Ce qu'il faut viser, c'est d'augmenter le nombre d'années de vie en santé.»