2012, l'année où la télé est morte
Nicolas Ritoux, collaboration spéciale
19 avril 2006 - 08h39
Les publicitaires s'entendent pour dire que leurs annonces télévisées ne sont plus assez vues et trop largement ciblées, surtout auprès des jeunes consommateurs. Un expert en nouvelles technologies des médias, le consultant Alan Sawyer de IBM Canada, est venu à Montréal leur expliquer comment s'adapter. On en a profité pour lui parler.
Les maisons de disques sont tombées dedans, avec l'échange de musique sur Internet. Les librairies de quartier les ont suivies, avec la concurrence d'Amazon.com qui livre en quelques jours à votre porte le plus obscur des ouvrages. Et très bientôt, ce seront les chaînes de télé qui y sombreront.
Ce précipice, c'est celui du «gouffre générationnel» dont Alan Sawyer, consultant auprès de l'industrie des médias chez IBM Canada, est venu annoncer la venue lors d'une journée de conférences sur la publicité et la télévision, organisée récemment par le magazine Infopresse.
Selon lui, le public des émissions télévisées se divise aujourd'hui en trois groupes qui s'éloignent de plus en plus les uns des autres. D'abord les «passifs massifs», les plus vieux d'entre tous, qui restent assis sur leur fauteuil à se faire offrir les programmes sur la bonne vieille télé du salon.
Ensuite, les «gadgeteux» (gadgetiers), jeunes professionnels en tête, qui consomment à part égale la télé et l'ordinateur pour accéder à des contenus vidéo, et sautent les annonces avec leur enregistreur numérique personnel.
La menace des «Kool Kids»
Mais c'est la génération suivante, la troisième, qui menace le plus les patrons de télévision, selon M. Sawyer: les «Kool Kids», petits poissons dans l'eau bouillonnante des nouvelles technologies, qui mêlent la consommation de contenus et l'interaction sociale sur des appareils de plus en plus mobiles. Ils ont le contrôle complet sur tout ce qu'ils regardent, publicité incluse.
«Pour l'instant, cette génération n'a pas d'argent, tandis que les massifs passifs en ont énormément», constate M. Sawyer. Mais ces derniers ne procurent aux télévisions qu'un «maintien des revenus». Les petits nouveaux, eux, sont des «revenus à cultiver» pour plus tard. Et la récolte se fera dès l'an de grâce 2012.
Cette année-là, la télé traditionnelle perdra sa domination dans les médias de choix des annonceurs publicitaires, selon M. Sawyer. De là découleront des baisses de revenus, la diminution des budgets pour produire des émissions, et de fil en aiguille, la fin de la télé telle qu'on la connaît.
Très bien tout ça, mais que faut-il faire?
«Les patrons de la télé doivent embarquer dans les nouvelles technologies plutôt que de leur résister», dit M. Sayer, en citant un sondage d'IBM auprès de dirigeants des médias, qui montrent beaucoup de crainte devant l'arrivée de la vidéo sur Internet.
Numériser ne suffit pas
Les chaînes de télé doivent absolument investir dans la numérisation de leurs programmes, mais aussi des systèmes adaptés de «gestion des avoirs numériques» (digital assets management).
«Amazon.com a réussi grâce à son catalogue gigantesque et son absence de stocks. Avec la vidéo, c'est pareil: beaucoup de contenus ne sont pas télédiffusés parce qu'il n'y a pas assez de demande, et donc pas assez de revenus publicitaires associés. Mais il y a quand même des gens qui veulent y avoir accès, et on peut leur livrer de façon rentable avec Internet», explique M. Sawyer.
Mais numériser des émissions et les «garrocher» sur un site Web ne suffit pas. Il faut indexer, cataloguer les contenus de manière efficace, en utilisant des systèmes de recherche innovateurs. Tiens, justement, IBM en conçoit.
À l'instar de Google et d'autres, la «Big Blue» développe actuellement Marvel, un système de recherche dans les contenus vidéo capable de se peaufiner automatiquement à mesure qu'on l'utilise.
«Ça ne suffit pas de rechercher des émissions d'une demi-heure. Les internautes doivent pouvoir chercher à l'intérieur du contenu des émissions», explique M. Sawyer.
Investir dans le risque
«Prenez des risques», a-t-il conclu devant son auditoire de professionnels de la télé, parmi lesquels on comptait le patron de Radio-Canada, Sylvain Lafrance, ainsi que Pierre Karl Péladeau de Quebecor. «Il faut investir dans des essais, en mettant quelques programmes sur le Web pour commencer.»
Bien sûr, mettre du contenu sur le Web pose des problèmes d'ordre contractuel (il faut avoir les droits de diffusion) et syndical (il faut rémunérer les artistes). C'est pourquoi M. Sawyer pense que les diffuseurs qui produisent beaucoup à l'interne, comme Radio-Canada, sont particulièrement bien placés pour se lancer dans le virage du Web. Mais quelle que soit la complexité, les gros diffuseurs n'ont pas le choix d'agir.
«Sinon, de petites compagnies viendront profiter du changement à leur place. IBM est bien placé pour le savoir», ironise M. Sawyer, en allusion aux années sombres de sa compagnie, qui s'est fait piquer par des petits jeunes le marché de l'informatique personnelle qu'elle avait pourtant créé.
2012, l'année où la télé est morte
Modérateur : Elise-Gisèle
MayClo a écritTrès intéressant ca comme article.
Je pense que malheureusement le ptit monsieur a raison...
Oui avec un logiciel dont j'ai oubliée le nom, on peux déja regarder les émissions sur le net. D'ailleurs, j'ai manquée chambre 13, la semaine passé, je vais donc pouvoir l'utiliser pour la première fois.
Je pense que malheureusement le ptit monsieur a raison...
Oui avec un logiciel dont j'ai oubliée le nom, on peux déja regarder les émissions sur le net. D'ailleurs, j'ai manquée chambre 13, la semaine passé, je vais donc pouvoir l'utiliser pour la première fois.
On commence à réagir si je me fie à l,article suivant.....mais j,ai bien peur que le mouvemment ici au Qc ne suive pas assez vite.....
Médias - La télé sur Internet: de plus en plus proche
Édition du mardi 18 avril 2006
ABC fait le grand saut. La chaîne américaine, propriété du groupe Disney, a en effet annoncé la semaine dernière qu'elle proposerait le mois prochain de regarder quatre de ses émissions directement sur son site Internet.
On ne parle pas d'émissions téléchargées ou achetées en vidéo sur commande ni de petites séquences de bulletins de nouvelles qu'on peut revoir, mais bien du visionnement en transit (streming en anglais) d'une émission de fiction au complet, à n'importe quel moment.
Et ABC frappe fort en mettant en ligne quatre de ses émissions les plus populaires, soit Lost, Desperate Housewives, Commander in Chief et Alias. Les internautes auront accès à l'épisode en cours le lendemain de sa diffusion au petit écran.
L'annonce, qui a été faite par la direction de Disney-ABC lors du congrès annuel de l'industrie de la câblodistribution à Atlanta, a causé un grand émoi dans l'industrie, illustrant la vitesse à laquelle le monde de la télévision bouge. Le patron de Quebecor, Pierre Karl Péladeau, qui mentionne soigneusement toutes les initiatives de l'industrie dans ses interventions publiques, devra encore une fois remettre à jour sa présentation !
Selon ce qu'on a pu lire depuis une semaine dans la presse américaine, ABC mettra en ligne les quatre émissions le 1er mai, pour un projet-pilote de deux mois (on ignore si l'écoute des émissions deviendra payante après l'expérience). L'internaute pourra mettre l'émission sur pause, la faire reculer ou avancer, mais l'émission sera présentée avec les messages publicitaires et il sera impossible de «sauter» les publicités. Une dizaine d'annonceurs participent au projet, dont AT&T et Ford.
Pour le moment, les internautes canadiens n'auront pas accès aux émissions, puisque la diffusion sur Internet sera bloquée afin de protéger les droits des télédiffuseurs étrangers qui ont acheté ces émissions.
Un chemin ouvert
ABC balise ainsi un chemin que tous les autres télédiffuseurs prendront par la suite. Et il est évident qu'à plus ou moins long terme l'industrie canadienne de la télévision devra affronter un tel défi.
Plusieurs téléspectateurs doutent de vouloir vraiment regarder une émission de télévision sur un écran d'ordinateur. Les écrans sont pourtant de plus en plus grands, plats et de qualité, et certains modèles de Mac peuvent carrément être installés au mur.
De plus, plusieurs consommateurs commencent à prendre l'habitude de regarder des émissions dans leurs déplacements, ce qui remet en question le modèle traditionnel de l'écoute télévisuelle assis dans son salon. On peut regarder des DVD sur des lecteurs portables et de petits ordinateurs dans l'avion, dans l'auto. Se développe également la pratique de télécharger des émissions de télévision sur iPod.
Enfin, on fera remarquer que la jeune génération vit autant devant un ordinateur que devant un téléviseur. Un récent sondage Léger Marketing-Le Journal de Montréal démontrait que les Québécois de 18 à
34 ans passaient maintenant 13,1 heures par semaine devant Internet et 13,3 heures devant la télévision.
C'est pourquoi la présidente du groupe télévision de Disney, Anne Sweeny, a déclaré la semaine dernière : «Personne ne peut maintenant vivre avec un seul modèle d'affaires.» Le projet de ABC est directement lié à la façon dont le consommateur utilise les nouvelles technologies, ajoute-t-elle. «Le consommateur vient en premier, le modèle d'affaires en second», dit-elle.
Autrement dit, c'est aux entreprises de s'adapter aux consommateurs.
Nouveaux arrangements nécessaires
Tout le monde convient que plusieurs façons de «consommer» la télévision cohabiteront pendant plusieurs années. Les téléspectateurs regarderont encore en grand nombre la télévision le soir dans leur salon, et ils aimeront se regrouper devant le même écran, par exemple lors de grands événements sportifs. Mais un nombre grandissant de téléspectateurs, particulièrement chez les jeunes, voudront regarder leurs émissions partout où ils le peuvent, au moment où ils le désirent.
Toutes ces nouvelles façons de regarder la télévision, que ce soit sur Internet, mais aussi avec la vidéo sur demande et le téléchargement d'émissions sur iTunes, forcent les représentants de l'industrie à renégocier entre eux de nouveaux arrangements.
Par exemple, on remarquera qu'en diffusant ainsi quatre émissions directement sur son site Internet, ABC se trouve à passer par-dessus les distributeurs, câble et satellite, qui cherchent par ailleurs à développer de leur côté de nouveaux services justement pour mieux contrôler l'écoute télévisuelle. La vidéo sur demande est un de ces services qui se développent le plus; au Québec, Vidéotron en est le chef de file avec son service Illico. Un dirigeant du grand câblodistributeur Comcast déclarait toutefois la semaine dernière qu'il y avait encore beaucoup de travail à faire autour de la vidéo sur demande, admettant que les annonceurs ont besoin d'obtenir des données plus fiables sur l'auditoire des émissions regardées sur ces services.
Pour le moment, l'auditoire du «prime time» (les heures de grande écoute le soir) est celui qui vaut le plus cher pour les annonceurs. Quelle valeur publicitaire accordera-t-on au téléspectateur sur Internet ?
L'expérience d'ABC sera suivie avec attention par l'industrie. Qui se demandera si les télé-horaires se sont pas irrémédiablement condamnés...
pcauchon@ledevoir.com --Message edité par tuberale le 2006-04-23 12:51:32--
Médias - La télé sur Internet: de plus en plus proche
Édition du mardi 18 avril 2006
ABC fait le grand saut. La chaîne américaine, propriété du groupe Disney, a en effet annoncé la semaine dernière qu'elle proposerait le mois prochain de regarder quatre de ses émissions directement sur son site Internet.
On ne parle pas d'émissions téléchargées ou achetées en vidéo sur commande ni de petites séquences de bulletins de nouvelles qu'on peut revoir, mais bien du visionnement en transit (streming en anglais) d'une émission de fiction au complet, à n'importe quel moment.
Et ABC frappe fort en mettant en ligne quatre de ses émissions les plus populaires, soit Lost, Desperate Housewives, Commander in Chief et Alias. Les internautes auront accès à l'épisode en cours le lendemain de sa diffusion au petit écran.
L'annonce, qui a été faite par la direction de Disney-ABC lors du congrès annuel de l'industrie de la câblodistribution à Atlanta, a causé un grand émoi dans l'industrie, illustrant la vitesse à laquelle le monde de la télévision bouge. Le patron de Quebecor, Pierre Karl Péladeau, qui mentionne soigneusement toutes les initiatives de l'industrie dans ses interventions publiques, devra encore une fois remettre à jour sa présentation !
Selon ce qu'on a pu lire depuis une semaine dans la presse américaine, ABC mettra en ligne les quatre émissions le 1er mai, pour un projet-pilote de deux mois (on ignore si l'écoute des émissions deviendra payante après l'expérience). L'internaute pourra mettre l'émission sur pause, la faire reculer ou avancer, mais l'émission sera présentée avec les messages publicitaires et il sera impossible de «sauter» les publicités. Une dizaine d'annonceurs participent au projet, dont AT&T et Ford.
Pour le moment, les internautes canadiens n'auront pas accès aux émissions, puisque la diffusion sur Internet sera bloquée afin de protéger les droits des télédiffuseurs étrangers qui ont acheté ces émissions.
Un chemin ouvert
ABC balise ainsi un chemin que tous les autres télédiffuseurs prendront par la suite. Et il est évident qu'à plus ou moins long terme l'industrie canadienne de la télévision devra affronter un tel défi.
Plusieurs téléspectateurs doutent de vouloir vraiment regarder une émission de télévision sur un écran d'ordinateur. Les écrans sont pourtant de plus en plus grands, plats et de qualité, et certains modèles de Mac peuvent carrément être installés au mur.
De plus, plusieurs consommateurs commencent à prendre l'habitude de regarder des émissions dans leurs déplacements, ce qui remet en question le modèle traditionnel de l'écoute télévisuelle assis dans son salon. On peut regarder des DVD sur des lecteurs portables et de petits ordinateurs dans l'avion, dans l'auto. Se développe également la pratique de télécharger des émissions de télévision sur iPod.
Enfin, on fera remarquer que la jeune génération vit autant devant un ordinateur que devant un téléviseur. Un récent sondage Léger Marketing-Le Journal de Montréal démontrait que les Québécois de 18 à
34 ans passaient maintenant 13,1 heures par semaine devant Internet et 13,3 heures devant la télévision.
C'est pourquoi la présidente du groupe télévision de Disney, Anne Sweeny, a déclaré la semaine dernière : «Personne ne peut maintenant vivre avec un seul modèle d'affaires.» Le projet de ABC est directement lié à la façon dont le consommateur utilise les nouvelles technologies, ajoute-t-elle. «Le consommateur vient en premier, le modèle d'affaires en second», dit-elle.
Autrement dit, c'est aux entreprises de s'adapter aux consommateurs.
Nouveaux arrangements nécessaires
Tout le monde convient que plusieurs façons de «consommer» la télévision cohabiteront pendant plusieurs années. Les téléspectateurs regarderont encore en grand nombre la télévision le soir dans leur salon, et ils aimeront se regrouper devant le même écran, par exemple lors de grands événements sportifs. Mais un nombre grandissant de téléspectateurs, particulièrement chez les jeunes, voudront regarder leurs émissions partout où ils le peuvent, au moment où ils le désirent.
Toutes ces nouvelles façons de regarder la télévision, que ce soit sur Internet, mais aussi avec la vidéo sur demande et le téléchargement d'émissions sur iTunes, forcent les représentants de l'industrie à renégocier entre eux de nouveaux arrangements.
Par exemple, on remarquera qu'en diffusant ainsi quatre émissions directement sur son site Internet, ABC se trouve à passer par-dessus les distributeurs, câble et satellite, qui cherchent par ailleurs à développer de leur côté de nouveaux services justement pour mieux contrôler l'écoute télévisuelle. La vidéo sur demande est un de ces services qui se développent le plus; au Québec, Vidéotron en est le chef de file avec son service Illico. Un dirigeant du grand câblodistributeur Comcast déclarait toutefois la semaine dernière qu'il y avait encore beaucoup de travail à faire autour de la vidéo sur demande, admettant que les annonceurs ont besoin d'obtenir des données plus fiables sur l'auditoire des émissions regardées sur ces services.
Pour le moment, l'auditoire du «prime time» (les heures de grande écoute le soir) est celui qui vaut le plus cher pour les annonceurs. Quelle valeur publicitaire accordera-t-on au téléspectateur sur Internet ?
L'expérience d'ABC sera suivie avec attention par l'industrie. Qui se demandera si les télé-horaires se sont pas irrémédiablement condamnés...
pcauchon@ledevoir.com --Message edité par tuberale le 2006-04-23 12:51:32--