Publié le 10 décembre 2009 à 10h04 | Mis à jour le 10 décembre 2009 à 10h21
Point de vue
De l'opération Nez Rouge à l'Opération des Rouges
Jean-Marie De Koninck, initiateur de l'Opération Nez rouge, préside la Table québécoise de la sécurité routière. C'est par lui que les mauvaises nouvelles pour les automobilistes arrivent depuis trois ans, de l'interdiction des cellulaires au volant jusqu'à la baisse du taux d'alcoolémie à 0,05, en passant par les pneus d'hiver obligatoires.
Aussitôt que M. De Koninck propose de resserrer les lois, aussitôt la ministre des Transports, Julie Boulet, donne suite à ses demandes. Par la suite, il devient celui qui défend bec et ongle les projets de loi du gouvernement libéral sur toutes les tribunes, comme s'il était élu. Il le fait d'ailleurs beaucoup mieux que la ministre Boulet qui s'avère être, de plus en plus, le maillon faible de ce gouvernement.
M. De Koninck jouit d'une notoriété, d'une visibilité et d'une crédibilité très importante. Sa Table nous est présentée comme une association de 45 représentants bénévoles d'organisations diverses, experts en matière de sécurité routière. Le 1er décembre dernier, lorsque questionné par un journaliste sur les ondes d'une radio de Québec, M. De Koninck déclara même: «Tout le monde est bénévole. Il n'y a personne de payé autour de la Table, sauf moi. (...) 800$ par jour, limite de 10 jours par année.»
Contrat de gré à gré
En fouillant et en obtenant, en vertu de la Loi d'accès à l'information, la liste des contrats accordés sans appel d'offres du ministère des Transports du Québec (MTQ), on s'étonne de trouver que le 21 juillet dernier, Monsieur De Koninck a obtenu un contrat de gré à gré du MTQ au montant de 30 000 $ pour présider cette année la Table québécoise de la sécurité routière.
De plus, dans sa définition de tâche, on apprend que les contribuables le paient notamment pour «répondre aux demandes d'entrevues des médias» et participer à des conférences et des tournées «en compagnie de la ministre des Transports». Bref, on décrit davantage un poste de porte-parole de la ministre, nommé et payé par elle, qu'un bénévole non-partisan...
Cela explique peut-être ses déclarations démagogiques de décembre 2007 où il affirmait que si l'opposition adéquiste et péquiste n'appuyait pas la législation libérale, ce serait «un scénario catastrophique» et que «six mois d'inaction revient à accepter des dizaines de morts, des centaines de blessés graves.»
Une mesurette...
À regarder les statistiques de la SAAQ, on observe pourtant qu'il n'y a annuellement que quelques conducteurs qui décèdent avec un taux d'alcoolémie dans le sang entre 0.05 et 0.08 (cinq au total pour l'année 2007). Même dans ces cinq cas, on ne peut absolument pas prouver qu'il s'agit de la raison de l'accident ou du décès.
Bon an, mal an, il y a deux fois moins de morts sur nos routes de conducteurs ayant un taux d'alcool dans le sang entre 0,05 et 0,08 que ceux ayant entre 0 et 0,05.
En résumé, comme le disait récemment si bien Hubert Sacy, directeur-général d'Éduc-alcool: «On s'apprête à mettre en oeuvre une «mesurette» (le 0,05) qui va peut-être avoir un effet marginal.»
La seule explication logique qui motive l'empressement libéral actuel est politique. Le principal problème au MTQ actuellement n'est pas le 0.05 % mais bien plutôt celui du 40 %. Le Québec paie jusqu'à 40 % de plus pour construire ses routes que l'Ontario. La collusion et la corruption révélées ces derniers temps pourraient expliquer cet écart. Le gouvernement de Jean Charest refuse cependant de faire la lumière et de tenir une commission d'enquête, de peur que le Parti libéral soit trop éclaboussé par ce scandale.
On choisit donc d'envoyer Jean-Marie De Koninck comme clown de rodéo pour distraire l'opinion publique et essayer de nous faire oublier l'entêtement libéral à protéger, volontairement ou non, les mafieux et les syndicalistes véreux de l'industrie québécoise de la construction. Il est très décevant de voir aujourd'hui l'initiateur d'Opération Nez rouge être ainsi instrumentalisé dans l'Opération des Rouges.
Éric Duhaime, consultant en développement démocratique
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