Oui, c'est d'intérêt public

Qu'il s'agisse de vidéos qui prouvent que des chauffeurs prennent des pauses injustifiées, que certains conduisent mal ou dangereusement, ou que des employés ont des comportements impolis, la question se pose plus que jamais: est-ce légal?
«C'est personnel, vous ne pouvez pas prendre une vidéo d'une personne et l'afficher comme ça. Vous n'avez pas la permission de filmer quelqu'un sans sa connaissance ou son consentement. C'est la loi. Si j'étais chauffeur et que cela m'arrivait, je poursuivrais en justice», a déclaré le président du syndicat des chauffeurs de la STM, Claude Benoît, dans un article publié il y a quelques jours dans The Gazette
Faux, répondent cependant les experts en droit à l'image et diffamation consultés par Le Journal de Montréal.
C'est d'intérêt public
Claude Benoît ou un autre employé d'un service public n'aurait probablement aucune chance de gagner sa cause devant un tribunal québécois s'il était photographié en train de dormir durant son travail, selon François Fontaine, avocat chez Ogilvy Renault.
«Quand l'image est prise dans un lieu public et qu'elle témoigne de la manière dont les taxes des contribuables sont dépensées, c'est d'intérêt public et ça ne pose pas de problème de la capter et de la diffuser», tranche M. Fontaine, qui représente des médias (parfois Le Journal de Montréal) aussi bien que des plaignants en matière de libelle.
Me Fontaine est celui qui a défendu cet automne le grand patron du Cirque du Soleil, Guy Laliberté, dans une cause concernant une biographie non autorisée et le site MySpace.
C'est légal de prendre la photo et de la diffuser si sa publication ou sa diffusion est d'intérêt public, par exemple parce qu'elle illustre une nouvelle que le public a le droit de connaître.
«La question est de savoir si l'image s'inscrit dans le contexte de l'information légitime du public. Il peut y avoir plusieurs variables et considérations, tout reste une question de jugement et de vérifications», note Me Fontaine, qui croit que les causes de droit à l'image vont se multiplier en raison de la multiplication des outils pour les capter et de médias pour les diffuser.
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La photo de tout le monde?
Q Peut-on capter et diffuser l'image d'un fonctionnaire qui dort sur son lieu de travail?
ROui, parce que les contribuables qui financent ce service ont le droit de savoir. Mais à condition qu'il dorme réellement (et non qu'il ait cligné des yeux le moment d'une photographie) et qu'il soit bel et bien en fonction à ce moment- là. Il faut faire les vérifications nécessaires, car un employé du transport en commun ou d'un autre service public pourrait être parfaitement justifié de s'assoupir durant sa pause.
Q Peut-on prendre la même photo d'un employé d'une entreprise privée ou d'une entreprise cotée en Bourse ?
RNon, d'abord la photo sera vraisemblablement prise dans des lieux privés. Ensuite, l'intérêt du public dans ce que font les employés d'une entreprise privée ne sera généralement pas d'intérêt public. Par contre, la réponse pourrait être différente si un employé ou toute autre personne se comporte dangereusement, par exemple, car cela peut revêtir un caractère d'intérêt public.
Q L'an dernier, des photos de joueurs du Canadien de Montréal prises lors d'une fête dans le Sud ont circulé sur Internet? Était-ce légal de les diffuser étant donné qu'il s'agissait de personnalités publiques ?
RNon, parce qu'il n'y a pas eu d'événement spécial ou de conséquences d'intérêt public reliés à ces photos. Les vedettes ont droit à leur vie privée, à moins que leur comportement soit tel qu'il devienne une nouvelle en soi. Par contre, si cette fête avait coïncidé avec une série de défaites ou une élimination hâtive, par exemple, elles auraient pu alors revêtir un caractère d'intérêt public.
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Le Code civil est clair
L'avocat Bernard Pageau, spécialiste en droit des médias pour Quebecor, indique que le consentement à la prise et à la publication de photos ou de vidéo est requis en vertu des articles 35 et 36 du Code civil du Québec.
* L'article 35 prévoit que toute personne a droit au respect de sa vie privée, ce qui inclut le droit à son image.
* L'article 36 prévoit plus particulièrement
qu'est considérée une atteinte à la vie privée l'utilisation de son image à toute autre fin que l'information légitime du public.
* La publication d'une image d'une personne est donc permise dans les cas d'intérêt public, même si le consentement de la personne n'a pas été obtenu.
* Les cas d'intérêt public incluent tout événement ayant des répercussions dans notre société, les questions qui touchent les gens en général, qui préoccupent le public, qui concernent le bien-être des citoyens ou qui concernent des citoyens ayant une notoriété publique ou qui sont impliqués dans une controverse.
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