Justice - Harcèlement
Elle était sa proie
Serge Labrosse
Le Journal de Montréal
09/02/2010 06h22
Pendant deux ans, d'abord à son insu, une avocate de la DPJ a été suivie, épiée, puis harcelée par un employé de la Ville de Montréal, qui avait développé une fixation maladive à son égard.
Cet homme, André Martel, 49 ans, de Montréal, était littéralement obnubilé par sa victime. Si bien que même démasqué, il n'a pas lâché prise.
Il réussissait jusqu'à récemment à échapper aux policiers, mais a finalement été identifié grâce à la plaque du véhicule de la Ville à bord duquel il poursuivait la femme sans répit, du matin au soir.
On l'a arrêté à bord du véhicule de la Ville, traduit en justice et envoyé en cure fermée, lundi. Il est passible d'une peine de 12 mois de prison.
Sa victime, Myriam De Blois, est avocate pour le Directeur de la protection de la jeunesse et l'homme lui était inconnu avant qu'il ne tende vers elle ses filets.
Le procureur de la Couronne au dossier, Me Simon Lavoie, a décrit le cas au tribunal comme particulièrement grave, marqué par une déviance sexuelle évidente.
D'autres victimes ?
Me De Blois dit avoir hésité avant de rendre publique cette affaire, mais le fait aujourd'hui, encouragée par son père, «parce que je refuse de poser en victime passive et qu'il y a peut-être d'autres victimes, qui doivent dénoncer elles aussi.»
«Je refuse de rester cachée, de vivre dans la peur, de me sentir traquée comme une bête, de rester prisonnière chez moi.»
Myriam De Blois, 39 ans, se dit consciente de l'image qu'elle projette, avec ses cheveux blonds jusqu'aux fesses, sa tenue vestimentaire parfois criarde et nettement distincte des standards de sa profession.
«J'imagine même ce que des gens vont dire : avec son allure, elle a couru après.»
Pas une question de look
«Mais je refuse de croire que ce genre de chose puisse nous arriver parce qu'on a un look différent. Je pense que ça arrive à n'importe qui, aux femmes -et même aux hommes -les plus discrets.»
Informé de l'arrestation de l'employé, un porte-parole de la Ville de Montréal a déclaré qu'il était trop tôt pour qu'une décision soit prise quant à la suite des choses et au sort qu'on réservera à M. Martel.
Ce dernier aurait demandé l'assistance de son syndicat, qui lui aurait promis de lui rembourser la moitié des frais de sa thérapie à même les cotisations de ses collègues, a appris la victime. Le syndicat des cols bleus de la Ville a été interpellé à ce sujet, mais n'a pas rappelé le Journal.
Fixation maladive
«C'est terrible: ce gars-là savait où je travaillais, où j'habitais, où je mangeais et où je prenais mon café le matin...»
Myriam De Blois: «La première fois, en juin 2009, c'est dans un café, sur Mont-Royal, que je l'ai remarqué. Mais j'ai appris, plus tard, qu'il faisait une fixation maladive sur moi depuis un an déjà.»
Je l'ai revu à l'épicerie et au café, puis rue Saint-Denis. Le 4 juillet, ça ne pouvait être un hasard : il me suivait et s'arrêtait quand j'entrais dans une boutique.»
«Ça m'a énervée. Je lui ai fait face et j'ai dit : T'arrêtes de me suivre ou je fais 9-1-1. Mais je l'ai revu encore près de mon lieu de travail. Je l'ai engueulé. Il est parti.»
Un jour, elle sort de chez elle. Martel sort de nulle part et marche près d'elle, son bras frôlant le sien. Elle croit devenir folle.
«Je veux prendre un verre avec toi», dit-il. L'avocate rétorque : «T'as pas compris ? C'est non». Alors, «il se met à crier, à sacrer après moi, à me traiter de vache, à demander pourquoi je dis non ; il sait que j'étais avec un homme la veille ; il se prend la tête à deux mains et a un regard de fou.» Elle appelle la police. Il disparaît.
Un camion de la ville
Elle revoit Martel en octobre, au volant d'un camion de la Ville de Montréal. Sur ses heures de travail, matin, midi et soir.
«Je ne dormais plus, je pleurais, je souffrais d'asthme et chaque fois que je voyais un camion de la Ville, je capotais. Était-il assez fou pour défoncer chez moi ?»
Le 12 novembre, elle réussit à noter la plaque du véhicule, il est arrêté. On lui interdit tout contact. Il récidive le 28 décembre. Elle panique, on la conduit à l'hôpital en ambulance et Martel est arrêté au volant du camion de la Ville. La cour se contente de reconduire les conditions.
Le 21 janvier, puis le 27, il est près du lieu de travail de Me De Blois. Une collègue note le (même) numéro de plaque. Cette fois, Martel, arrêté une troisième fois et accusé de harcèlement criminel, plaide coupable, est envoyé en thérapie, passible de prison.
«Je suis tranquille jusqu'au 23 avril, dit Myriam De Blois en soupirant. Mais après ?»
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