25 Fevrier 2010
Permalink 13:47 pm, Éric Grenier / Général, 937 mots
Augmenter les frais de scolarité? Oui et non! Grand Dieu...
Tiens donc, pendant mon absence cette semaine pour cause de grippe d'homme (elle frappe fort, les boys, je vous en passe un papier), le grand Lulu a à nouveau sorti de sa tanière et encore vu son ombre. Cette fois, c'était pour exiger une hausse olympique (ai-je le droit d'utiliser ce terme puisque je ne suis pas un média accrédité à la chose qui se passe sur le bord d'un des océans à l'autre et qu'on n'a pas le droit de nommer sans casquer? Pas sûr...) des frais de scolarité.
Outre l'étonnement cynique que provoque la signature d'anciens politiciens (dont certains très récents, comme la madame à la sacoche) qui ont appuyé publiquement le gel des dits-frais au bas de ce manifeste, ça m'a aussi rappelé une vieille chronique écrite il y a 5 ans.
Il n'y a pas un mot à changer.
J’ai raison, toi non plus
(Publié originalement en mai 2005, dans le Magazine Jobboom)
S’il y a de savants acteurs du monde de l’éducation qui se demandent pourquoi diable le peuple ne se rend pas à l’évidence toute naturelle de leurs thèses, ils feraient bien de se mettre à sa place.
En effet, dans le récent tourbillon du dossier des prêts et bourses, marqué par la plus grande mobilisation étudiante de l’histoire du Québec, comment prendre position quand ceux qui «connaissent ça» ne s’entendent pas et affirment que la Terre est à la fois ronde et plate, chacun à l’aide d’arguments implacables?
Par exemple : le coût des études universitaires ne nuit pas à leur accessibilité. Vrai. Des droits de scolarité élevés nuisent à leur accessibilité. C’est aussi vrai! C’est en Nouvelle-Écosse que les droits de scolarité sont les plus élevés. Et pourtant, cette province affiche un taux de fréquentation universitaire chez les 20-21 ans nettement supérieur (33 %) à celui du Québec (20 %).
Cependant, une étude comparative de Statistique Canada entre le Canada et les États-Unis tend à démontrer que plus les études coûtent cher, moins les pauvres y ont accès : de l’autre côté de la frontière, où la moyenne des droits exigés est deux fois plus élevée qu’ici, les jeunes issus des milieux pauvres ont presque deux fois moins de chances d’accéder à l’université.
Mais qu’importe! Malgré des droits de scolarité bas, ce sont encore les classes les plus aisées qui fréquentent davantage l’université au Québec. Un constat qui a permis d’entendre un autre argument : les contribuables subventionnent donc l’université aux plus riches. Alors aux riches de payer.
Ceux qui invoquent cette idée ont raison. Selon un petit calcul maison, les 1 900 $ de droits de scolarité annuels représentent 3,5 % du revenu disponible de 54 000 $ de la famille moyenne québécoise. Pour une famille de diplômés universitaires, qui a un revenu disponible de 93 000 $, ils ne représentent que 2 %. Pour les plus pauvres, au revenu moyen de 21 000 $, c’est au-delà de 9 %!
Alors, comme on subventionne les riches, augmentons les droits de scolarité et, du même coup, les bourses pour les plus pauvres…
Minute! Ce sont les plus riches qui subventionnent l’université. Non seulement paient-ils le même montant que tout le monde pour s’inscrire, mais aussi, ils contribuent davantage au financement des universités par leurs impôts plus élevés.
Autre question soulevée par ce débat : les études universitaires profitent à qui? Aux diplômés eux-mêmes, et c’est vrai. Le salaire moyen d’un diplômé universitaire au Québec est de 42 000 $ par année. Pour un diplômé du secondaire, il est de 26 000 $. Donc aux étudiants de casquer.
Certains soutiennent plutôt que l’ensemble de la société doit payer, puisque c’est l’ensemble de la société qui en profite. C’est vrai aussi. Avec une population plus éduquée, le Québec a considérablement amélioré sa performance économique et a pu s’offrir une foule de services collectifs, comme des garderies, l’assurance-maladie, des routes, des parcs nationaux, etc.
Alors, doit-on rendre l’université gratuite? Certainement pas! C’est bien de se prendre pour la Suède, mais le Québec ne baigne pas dans la mer Baltique. Il est coincé entre l’Ontario et les États-Unis. Déjà, les universités d’ici sont sous-financées par rapport à celles du reste du pays. De 400 millions, selon les recteurs du Québec. La concurrence pour les meilleurs chercheurs et les meilleurs profs est féroce. S’il n’y a pas de hausse des droits de scolarité, seul le gouvernement peut combler ce manque à gagner. Or, il n’a pas cette somme avec ses finances serrées au possible, et le contribuable a atteint les limites de sa patience fiscale.
Je répète : faut-il rendre l’université gratuite? Cela va de soi! Dans un entretien qu’il nous accordait l’an dernier, l’essayiste et romancier John Saul faisait remarquer qu’au début du XXe siècle, l’école primaire était le niveau minimal pour réussir dans la société. On a rendu l’école primaire gratuite. Dans la seconde moitié du XXe siècle, c’était l’école secondaire. Puis dans les années 1970, c’est le collégial qui s’est imposé. La prochaine étape logique, c’est le premier cycle universitaire gratuit, parce que la majorité des nouveaux emplois exigeront un bac, dans une proportion de 9 sur 10 après 2010.
Alors, elle est plate ou elle est ronde? Les deux à la fois, pardi!
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