Prosélytisme et violation des procédures de kafala
Un communiqué du ministère de l’Intérieur, rapporté par l’Agence de presse MAP, expliquait que les individus refoulés, “originaires en particulier d'Europe…mettaient à profit l'indigence de quelques familles et ciblaient leurs enfants mineurs qu'(elles) prenaient en charge, en violation des procédures en vigueur en matière de kafala (adoption) des enfants abandonnés ou orphelins”.
La même source précisait que ces personnes étaient également accusées d’activités de prosélytisme “visant des enfants en bas âge, n'ayant pas plus de dix ans”.
Les enfants en question, pensionnaires de l’orphelinat de Aïn Leuh, une institution vieille de plus de 60 ans, avaient été recueillis par des familles dans ce Village of Hope, (Village de l’Espérance).
Orphelinat depuis 1999
Au départ abri pour enfants orphelins ou abandonnés créé en 1957 par deux femmes américaines, le village obtient en 1999 des autorités l’autorisation d’agir en tant qu’orphelinat. Particularité de celui-ci: les enfants y vivent dans leur famille d’accueil.
Une source qui connaissait certaines des personnes expulsées, et qui a préféré garder l’anonymat, nous apprend que “les enfants du Village de l’Espérance étaient pris en charge de façon tout à fait régulière. Leur famille d'accueil étant chrétienne, les enfants vivaient dans un environnement chrétien, mais les adoptants ne faisaient pas de prosélytisme”.
Des enfants vivaient ainsi dans leur famille d’adoption -anglaise, américaine, hollandaise, sud-africaine ou néo-zélandaise- depuis 10 ans pour les plus âgés, au vu et au su des autorités qui ne voyaient pas là matière à expulsion.
Malgré la discrétion des autorités de Aïn Leuh, quelques mots de surprise ont échappé à un agent de la petite commune, que nous avons contacté (lui aussi préfère rester anonyme): “prise en charge illégale? Mais les enfants avaient même leur passeport!”. Toujours est-il qu’en quelques heures, les responsables et parents d'accueil du Village de l’Espérance ont été expulsés.
Une expulsion brutale
Le samedi 6 mars dans l’après-midi, nous a confié cette personne qui connait quelques-unes des familles refoulées, la brigade judiciaire d’Azrou aurait débarqué une première fois au Village de l’Espérance, pour discuter avec ses responsables. Le lendemain, la brigade serait revenue, cette fois, pour discuter avec les enfants. Le directeur de l’orphelinat, un Hollandais dont le nom ne nous a pas été révélé, est alors convoqué par la brigade d’Azrou et interrogé dans la nuit de dimanche à lundi.
Lundi, tous les responsables sont convoqués et prévenus qu’ils vont être expulsés sous 3 jours. Une fois qu’ils signent leur avis d’expulsion, surprise: on leur apprend qu’elle prend effet immédiatement. Le temps de faire quelques valises, et voilà toutes les familles, (sans leurs enfants d’adoption, pris en charge à Aïn Leuh par les ministères de la Santé et celui de la Jeunesse) embarquées en direction de l’aéroport Mohamed V, jusqu’à la porte de l’avion qui les emmène loin du Maroc.
Des expulsions en pagaille
Ces expulsions, ajoutées à celles de la semaine passée, “des Coréens à Rabat, des Anglais à Marrakech et Tanger, et d’autres encore, donnent une image regrettable du Maroc à l’étranger”, déplore Jean-Luc Blanc, pasteur à Casablanca.
«J’étais parfois étonné du laisser-faire évident des autorités face à des gens qui se moquaient de la loi qui interdit le prosélytisme au Maroc»
Jean-Luc Blanc, pasteur à Casablanca
Mais “la semaine passée, pour la première fois dans l’histoire du Maroc, après avoir laissé faire pendant des années, la police est entrée dans une église, un dimanche, pour arrêter deux Subsahariens”, nous révèle Jean-Luc Blanc. Les deux personnes sont relâchées après avoir subi un interrogatoire sur leur relation avec un Marocain chrétien.
La question que nous pouvons nous poser actuellement est simple: pourquoi cette chasse aux sorcières aujourd’hui, après des années de laxisme ?
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