Oppression fiscale (partie 1)
Le Journal de Montréal, p. 27 / Nathalie Elgrably-Lévy, 15 avril 2010
Le compte à rebours est commencé. Les contribuables québécois ne disposent plus que de deux semaines pour produire leur déclaration de revenus. C’est la loi!
L’objectif peut paraître simple, mais la tâche s’avère parfois titanesque. Pour accomplir leur devoir de citoyen, les Québécois doivent se conformer à la Loi de l’impôt sur le revenu du Canada ainsi qu’à la Loi sur les impôts du Québec. La première fait 1900 pages et compte 930 000 mots, tandis que la seconde atteint 3000 pages et 1,6 million de mots! Au total, c’est 4900 pages et presque 2,6 millions de mots alignés pour former un texte indigeste et nébuleux pour les non-initiés.
Par exemple, nous savons que nous devons déclarer notre salaire. Mais connaissons-nous réellement la définition du terme «salaire»? La Loi sur les impôts du Québec consacre 111 articles et plus de 20 000 mots pour définir ce qu’est un «revenu provenant d’une charge ou d’un emploi».
L’article 34 définit ce type de revenu ainsi: «Tout montant qu'un particulier reçoit d'une autre personne alors qu'il est un employé de cette dernière est présumé être reçu à titre de rémunération pour services rendus. Il en est de même de tout montant reçu en paiement d'une obligation découlant d'une entente qui est intervenue entre deux personnes, alors que l'une est l'employé de l'autre, immédiatement avant qu'elle ne le devienne ou immédiatement après qu'elle a cessé de l'être».
Jusque-là, c’est encore compréhensible.
L’article suivant stipule ensuite que «La présomption prévue à l'article 34 peut être repoussée s'il est démontré que, indépendamment de la date et des termes de toute entente, le paiement n'a pas été fait pour services rendus ou à rendre, pour inciter un particulier à accepter une charge ou un emploi ou en contrepartie d'un engagement d'un employé portant sur ce qu'il doit faire ou ne pas faire avant qu'il ne devienne ou après qu'il cesse d'être un employé.»
Imaginez maintenant des milliers de pages dans le même jargon. Mais attention… nul n’est censé ignorer la loi!
La complexité des lois fiscales fait certes le bonheur des comptables et des avocats fiscalistes sans l’aide desquels bon nombre de contribuables seraient incapables d’être en règle avec l’État. Mais elle occasionne aux travailleurs comme aux employeurs des coûts importants en temps et en argent Être parmi les contribuables les plus taxés en Amérique du Nord ne suffit donc pas… Nous devons également payer pour y voir clair dans des lois fiscales un peu plus hermétiques d’année en année.
Le comble est que nous devons nous exécuter avec diligence, car l’État ne tolère aucun retard! Je connais un contribuable qui avait un solde dû de 2 cents. Oui, 2 cents! Comme il a envoyé sa déclaration avec huit mois de retard, Revenu Québec lui a infligé des pénalités totalisant 189,13$. Sa facture d’impôt a donc fait un bond spectaculaire de 945 650%! Quand une maison de crédit applique des taux d’intérêt de 30% sur l’argent qu’elle nous prête, on crie au scandale et à l’extorsion. Au-delà de 60%, c’est un taux usuraire pouvant mener à des accusations criminelles. Quel terme faudrait-il donc employer pour qualifier les méthodes de Revenu Québec? Et pourquoi tolérons-nous pareille démesure entre le crime et sa punition?
Qu’il faille payer des impôts, cela va de soi! Mais un régime fiscal d’une telle complexité et si peu respectueux du citoyen est-il nécessaire pour contraindre les Québécois à payer leur juste part des impôts? N’existe-t-il vraiment aucun autre moyen? C’est ce que nous verrons la semaine prochaine!
Nathalie Elgrably-Lévy est économiste senior à l'Institut économique de Montréal.
* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.
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Oppression fiscale
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Oppression fiscale
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Re: Oppression fiscale
Oppression fiscale (2)
Le Journal de Montréal, p. 27 / Nathalie Elgrably-Lévy, 22 avril 2010
J’ai consacré ma chronique de la semaine dernière à la complexité croissante de notre régime fiscal. Or, plus un régime fiscal est complexe, plus il faut allouer du temps, de l’énergie et de l’argent pour s’y conformer: il faut colliger toutes les informations nécessaires, se tenir au courant des changements apportés à la loi, embaucher des comptables, des avocats, etc. Des chercheurs ont montré que les Canadiens ont dépensé en 2005 de 18,9 milliards $ à 30,8 milliards $ pour produire leurs déclarations de revenus, soit un montant variant entre 585$ et 955$ par contribuable.
De son côté, la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante a estimé en 2008 qu’il en coûte 12,6 milliards $ aux entreprises canadiennes au chapitre de la conformité fiscale. La complexité est également coûteuse pour l’État. À lui seul, Revenu Québec emploie 9000 fonctionnaires et nécessite un budget de 1,4 milliard $!
On nous dit que c’est le souci de justice et d’équité qui explique la complexité du régime fiscal. C’est faux! La complexité tient au nombre infini de dispositions spéciales, d’exemptions, d’exceptions, de déductions et d’abris que les politiciens accordent, entre autres, aux groupes de pression dont ils souhaitent obtenir les votes. Or, qui dit privilège, dit corruption. Un régime fiscal complexe est donc doublement injuste. D’une part, parce qu’il ne soumet pas tous les revenus au même traitement. D’autre part, parce que l’État ne peut alléger le fardeau fiscal des uns sans alourdir celui des autres.
Il existe pourtant une solution de rechange. Plus de 25 pays ont remplacé leur impôt progressif par un impôt à taux unique dont le formulaire tient sur une carte postale. Le contribuable déclare ses revenus, soustrait un montant qui tient compte de la taille de la famille, et applique le taux unique à la portion restante. Un formulaire tout aussi simple est également prévu pour les entreprises.
Évidemment, les lobbies et autres groupes privilégiés s’efforceront d’assurer la pérennité du système actuel. Quand on bénéficie d’un traitement de faveur, on veut le préserver! L’économie québécoise aurait pourtant beaucoup à gagner à considérer l’impôt à taux unique.
D’abord, l’impôt à taux unique élimine tous les privilèges, traite de manière égale tous les revenus, et permet de réduire considérablement les coûts liés à la conformité fiscale et à la perception des impôts.
Ensuite, contrairement à l’impôt progressif, l’impôt à taux unique (si ce taux n’est pas trop élevé, bien sûr) ne décourage ni le travail ni aucune autre activité productive. La classe politique a compris depuis longtemps que taxer le tabac réduit le tabagisme. Pourquoi a-t-elle alors tant de difficulté à accepter que des taux d’imposition élevés et croissants encouragent l’oisiveté, détruisent l’esprit d’entreprise et freinent la croissance?
Malgré tout, nos dirigeants se montrent réfractaires à l’idée d’un impôt à taux unique. L’élite syndicale, qui a maintes fois prouvé son indifférence quant aux intérêts économiques du Québec, va même jusqu’à réclamer l’ajout d’un palier d’imposition supplémentaire. Or, cette résistance au changement ne pourra perdurer. Les pays qui ont simplifié leur régime fiscal attirent les travailleurs, les entrepreneurs et les investissements. Ils exercent une concurrence que le Québec ne pourra ignorer encore bien longtemps.
Certes, l’impôt à taux unique n’est pas une panacée. La croissance et la prospérité sont le résultat d’une combinaison de mesures et de politiques économiquement saines. Néanmoins, il est temps de considérer les avantages d’un impôt à taux unique. Surtout, il faut prendre conscience du fait que ce n’est pas avec un impôt punitif que l’on bâtit une société travaillante et dynamique.
Nathalie Elgrably-Lévy est économiste senior à l'Institut économique de Montréal.
* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.
Le Journal de Montréal, p. 27 / Nathalie Elgrably-Lévy, 22 avril 2010
J’ai consacré ma chronique de la semaine dernière à la complexité croissante de notre régime fiscal. Or, plus un régime fiscal est complexe, plus il faut allouer du temps, de l’énergie et de l’argent pour s’y conformer: il faut colliger toutes les informations nécessaires, se tenir au courant des changements apportés à la loi, embaucher des comptables, des avocats, etc. Des chercheurs ont montré que les Canadiens ont dépensé en 2005 de 18,9 milliards $ à 30,8 milliards $ pour produire leurs déclarations de revenus, soit un montant variant entre 585$ et 955$ par contribuable.
De son côté, la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante a estimé en 2008 qu’il en coûte 12,6 milliards $ aux entreprises canadiennes au chapitre de la conformité fiscale. La complexité est également coûteuse pour l’État. À lui seul, Revenu Québec emploie 9000 fonctionnaires et nécessite un budget de 1,4 milliard $!
On nous dit que c’est le souci de justice et d’équité qui explique la complexité du régime fiscal. C’est faux! La complexité tient au nombre infini de dispositions spéciales, d’exemptions, d’exceptions, de déductions et d’abris que les politiciens accordent, entre autres, aux groupes de pression dont ils souhaitent obtenir les votes. Or, qui dit privilège, dit corruption. Un régime fiscal complexe est donc doublement injuste. D’une part, parce qu’il ne soumet pas tous les revenus au même traitement. D’autre part, parce que l’État ne peut alléger le fardeau fiscal des uns sans alourdir celui des autres.
Il existe pourtant une solution de rechange. Plus de 25 pays ont remplacé leur impôt progressif par un impôt à taux unique dont le formulaire tient sur une carte postale. Le contribuable déclare ses revenus, soustrait un montant qui tient compte de la taille de la famille, et applique le taux unique à la portion restante. Un formulaire tout aussi simple est également prévu pour les entreprises.
Évidemment, les lobbies et autres groupes privilégiés s’efforceront d’assurer la pérennité du système actuel. Quand on bénéficie d’un traitement de faveur, on veut le préserver! L’économie québécoise aurait pourtant beaucoup à gagner à considérer l’impôt à taux unique.
D’abord, l’impôt à taux unique élimine tous les privilèges, traite de manière égale tous les revenus, et permet de réduire considérablement les coûts liés à la conformité fiscale et à la perception des impôts.
Ensuite, contrairement à l’impôt progressif, l’impôt à taux unique (si ce taux n’est pas trop élevé, bien sûr) ne décourage ni le travail ni aucune autre activité productive. La classe politique a compris depuis longtemps que taxer le tabac réduit le tabagisme. Pourquoi a-t-elle alors tant de difficulté à accepter que des taux d’imposition élevés et croissants encouragent l’oisiveté, détruisent l’esprit d’entreprise et freinent la croissance?
Malgré tout, nos dirigeants se montrent réfractaires à l’idée d’un impôt à taux unique. L’élite syndicale, qui a maintes fois prouvé son indifférence quant aux intérêts économiques du Québec, va même jusqu’à réclamer l’ajout d’un palier d’imposition supplémentaire. Or, cette résistance au changement ne pourra perdurer. Les pays qui ont simplifié leur régime fiscal attirent les travailleurs, les entrepreneurs et les investissements. Ils exercent une concurrence que le Québec ne pourra ignorer encore bien longtemps.
Certes, l’impôt à taux unique n’est pas une panacée. La croissance et la prospérité sont le résultat d’une combinaison de mesures et de politiques économiquement saines. Néanmoins, il est temps de considérer les avantages d’un impôt à taux unique. Surtout, il faut prendre conscience du fait que ce n’est pas avec un impôt punitif que l’on bâtit une société travaillante et dynamique.
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