«On est trop gâtés», selon Jean Coutu
Publié : jeu. nov. 11, 2010 11:50 am
jeudi 11 novembre 2010
«On est trop gâtés», selon Jean Coutu
11 novembre 2010 | 05h53
Éric Yvan Lemay
Le Journal de Montréal
Le pharmacien Jean Coutu déplore « l’immobilisme presque crasseux » qui règne présentement au Québec. Selon lui, certains projets n’ont pu voir le jour parce que les Québécois sont trop têtus, orgueilleux et refusent de faire les compromis nécessaires.
Jean Coutu dit avoir voulu afficher certaines convictions dans son autobiographie pour susciter l’adhésion plutôt que provoquer la controverse. Dans une de ses rares sorties publiques pour promouvoir la sortie de son autobiographie, le célèbre pharmacien de 83 ans n’hésite pas à se prononcer sur l’état du Québec.
« On a des grands projets qui n’ont pas été réalisés parce qu’on est têtus, parce qu’on est orgueilleux et qu’on refuse de faire un pas de côté », dit-il en donnant l’exemple du CHUM qui malgré plus de dix ans de discussion n’est toujours pas sorti de terre.
« Il y a de l’immobilisme presque crasseux. »
Selon lui, le gouvernement doit davantage être à l’écoute « du trottoir », des gens de la rue. « La vérité est au niveau du trottoir et elle doit monter en haut, pas le contraire », estime-t-il.
Des changements nécessaires
Des changements de mentalité s’imposent. Il revient de France où il a été surpris par les manifestations contre la retraite à 62 ans plutôt que 60 . « C’est épouvantable ce qu’on voit dans la rue. Cette loi a été votée pour des gens qui meurent à 61 ans, pas à 90 ans. Ça n’a pas d’allure ».
Il fait le parallèle avec le Québec. « Je pense qu’on est trop gâtés. On veut avoir ce qu’on a déjà eu, mais on veut aussi avoir les nouvelles choses. Or, les nouvelles choses remplacent souvent les anciennes, mais on veut garder les deux », dit-il en pointant du doigt les pratiques des centrales syndicales. Il se défend toutefois d’être antisyndical estimant même que les syndicats ont été nécessaires à l’avancement du Québec dans les années 60. « Dès que tu dis quelque chose contre les syndicats, tu es antisyndical, mais lorsque tu as un ami, tu dois être capable de lui dire la vérité. Aujourd’hui, on se parle juste par griefs. Des griefs pendant trois ans, au bout de trois ans, tu vas t’engueuler. »
Il prône donc des relations patronales-syndicales sur de nouvelles bases où il y aurait une meilleure collaboration de part et d’autre.
Le Québec inc. dans le monde
Malgré tout, le tableau n’est pas complètement sombre. Lui qui est l’une des plus grandes figures du Québec inc. des quarante dernières années croit que les entrepreneurs du Québec feront encore mieux dans les prochaines années. « Le Québec inc. a bien grandi. Ça devrait maintenant s’appeler le monde du Québec inc. », lance-t-il à propos des entreprises québécoises qui s’illustrent aux États-Unis et ailleurs dans le monde. « Tu ne fais plus rien aujourd’hui juste pour ta paroisse. Ça va être un Québec inc. beaucoup plus instruit que nous autres et beaucoup mieux équipé ».
Fils d’un pédiatre qui a grandi dans le quartier Villeray à Montréal M. Coutu estime également que les Québécois doivent se tourner vers ces défis plutôt que dans la sempiternelle question nationale. « Je suis en amour avec le Québec, mais ma blonde est au Canada. C’est ça la réalité », dit-il avec conviction.
√ Le livre Sans prescription ni ordonnance est en vente un peu partout. Un montant de 5 $ par livre sera remis à l’œuvre de Jacqueline Lessard à Haïti.
La vision de Jean Coutu sur...
La nation québécoise
« J’ai déjà dit que suis en amour avec le Québec, mais ma blonde est au Canada. C’est ça, la réalité. On a un rôle à jouer dans le Canada, pis s’il n’y a pas de Québec, d’après moi, le Canada ne fera pas 50 ans avant de devenir comme les États-Unis. Sans le savoir, on sauve le Canada. »
Le décrochage
« Les jeunes décrochent parce qu’ils manquent d’amour. À l’école et à la maison, on ne leur a pas inculqué qu’ils sont des gens de qualité et qu’on a besoin d’eux autres. Les jeunes se déprécient souvent. Ils ne réalisent pas l’importance qu’ils ont dans la vie. Ce sont les parents et professeurs qui te le disent. »
L’aventure américaine
« Est-ce que la bouchée était trop grosse en achetant les 1 500 pharmacies Eckerd ? Oui, avec le temps on peut le dire, mais si tout avait été parfait dans le temps et que nous avions pu conserver les gens motivés au siège social (d’Eckherd), ça aurait pu fonctionner. Avant que la transaction soit complétée, plusieurs ont été embauchés par les rivales comme Wallgreens. »
Le métier de pharmacien
« Le vrai rôle du pharmacien c’est d’être humain. J’ai déjà dit à des étudiants de la faculté de pharmacie de l’Université de Montréal que s’ils n’aimaient pas le monde, ils n’avaient pas d’affaire ici. Les clients, il faut les aimer et les écouter. Le travail, ce n’est pas juste de vendre, parfois il faut savoir dire non. »
La rémunération des élus
« J’estime en effet que ces gens sont sous-payés... En nous montrant aussi calculateurs à leur endroit, il n’y a pas à s’étonner que les moins vertueux n’hésitent pas à faire des entorses à leurs principes lorsque se présentent des occasions, pas toujours convenables, d’empocher quelques dollars de plus. »
«On est trop gâtés», selon Jean Coutu
11 novembre 2010 | 05h53
Éric Yvan Lemay
Le Journal de Montréal
Le pharmacien Jean Coutu déplore « l’immobilisme presque crasseux » qui règne présentement au Québec. Selon lui, certains projets n’ont pu voir le jour parce que les Québécois sont trop têtus, orgueilleux et refusent de faire les compromis nécessaires.
Jean Coutu dit avoir voulu afficher certaines convictions dans son autobiographie pour susciter l’adhésion plutôt que provoquer la controverse. Dans une de ses rares sorties publiques pour promouvoir la sortie de son autobiographie, le célèbre pharmacien de 83 ans n’hésite pas à se prononcer sur l’état du Québec.
« On a des grands projets qui n’ont pas été réalisés parce qu’on est têtus, parce qu’on est orgueilleux et qu’on refuse de faire un pas de côté », dit-il en donnant l’exemple du CHUM qui malgré plus de dix ans de discussion n’est toujours pas sorti de terre.
« Il y a de l’immobilisme presque crasseux. »
Selon lui, le gouvernement doit davantage être à l’écoute « du trottoir », des gens de la rue. « La vérité est au niveau du trottoir et elle doit monter en haut, pas le contraire », estime-t-il.
Des changements nécessaires
Des changements de mentalité s’imposent. Il revient de France où il a été surpris par les manifestations contre la retraite à 62 ans plutôt que 60 . « C’est épouvantable ce qu’on voit dans la rue. Cette loi a été votée pour des gens qui meurent à 61 ans, pas à 90 ans. Ça n’a pas d’allure ».
Il fait le parallèle avec le Québec. « Je pense qu’on est trop gâtés. On veut avoir ce qu’on a déjà eu, mais on veut aussi avoir les nouvelles choses. Or, les nouvelles choses remplacent souvent les anciennes, mais on veut garder les deux », dit-il en pointant du doigt les pratiques des centrales syndicales. Il se défend toutefois d’être antisyndical estimant même que les syndicats ont été nécessaires à l’avancement du Québec dans les années 60. « Dès que tu dis quelque chose contre les syndicats, tu es antisyndical, mais lorsque tu as un ami, tu dois être capable de lui dire la vérité. Aujourd’hui, on se parle juste par griefs. Des griefs pendant trois ans, au bout de trois ans, tu vas t’engueuler. »
Il prône donc des relations patronales-syndicales sur de nouvelles bases où il y aurait une meilleure collaboration de part et d’autre.
Le Québec inc. dans le monde
Malgré tout, le tableau n’est pas complètement sombre. Lui qui est l’une des plus grandes figures du Québec inc. des quarante dernières années croit que les entrepreneurs du Québec feront encore mieux dans les prochaines années. « Le Québec inc. a bien grandi. Ça devrait maintenant s’appeler le monde du Québec inc. », lance-t-il à propos des entreprises québécoises qui s’illustrent aux États-Unis et ailleurs dans le monde. « Tu ne fais plus rien aujourd’hui juste pour ta paroisse. Ça va être un Québec inc. beaucoup plus instruit que nous autres et beaucoup mieux équipé ».
Fils d’un pédiatre qui a grandi dans le quartier Villeray à Montréal M. Coutu estime également que les Québécois doivent se tourner vers ces défis plutôt que dans la sempiternelle question nationale. « Je suis en amour avec le Québec, mais ma blonde est au Canada. C’est ça la réalité », dit-il avec conviction.
√ Le livre Sans prescription ni ordonnance est en vente un peu partout. Un montant de 5 $ par livre sera remis à l’œuvre de Jacqueline Lessard à Haïti.
La vision de Jean Coutu sur...
La nation québécoise
« J’ai déjà dit que suis en amour avec le Québec, mais ma blonde est au Canada. C’est ça, la réalité. On a un rôle à jouer dans le Canada, pis s’il n’y a pas de Québec, d’après moi, le Canada ne fera pas 50 ans avant de devenir comme les États-Unis. Sans le savoir, on sauve le Canada. »
Le décrochage
« Les jeunes décrochent parce qu’ils manquent d’amour. À l’école et à la maison, on ne leur a pas inculqué qu’ils sont des gens de qualité et qu’on a besoin d’eux autres. Les jeunes se déprécient souvent. Ils ne réalisent pas l’importance qu’ils ont dans la vie. Ce sont les parents et professeurs qui te le disent. »
L’aventure américaine
« Est-ce que la bouchée était trop grosse en achetant les 1 500 pharmacies Eckerd ? Oui, avec le temps on peut le dire, mais si tout avait été parfait dans le temps et que nous avions pu conserver les gens motivés au siège social (d’Eckherd), ça aurait pu fonctionner. Avant que la transaction soit complétée, plusieurs ont été embauchés par les rivales comme Wallgreens. »
Le métier de pharmacien
« Le vrai rôle du pharmacien c’est d’être humain. J’ai déjà dit à des étudiants de la faculté de pharmacie de l’Université de Montréal que s’ils n’aimaient pas le monde, ils n’avaient pas d’affaire ici. Les clients, il faut les aimer et les écouter. Le travail, ce n’est pas juste de vendre, parfois il faut savoir dire non. »
La rémunération des élus
« J’estime en effet que ces gens sont sous-payés... En nous montrant aussi calculateurs à leur endroit, il n’y a pas à s’étonner que les moins vertueux n’hésitent pas à faire des entorses à leurs principes lorsque se présentent des occasions, pas toujours convenables, d’empocher quelques dollars de plus. »