Les Desmarais pourraient-ils influencer Total ?
Mathieu Turbide
14/11/2010 08h03

Au lendemain de la libération d'Aung San Suu Kyi, un journaliste d'enquête français est d'opinion que les membres de la famille montréalaise Desmarais seraient «entendus » s'ils décidaient de partir en croisade pour que Total se retire de Birmanie.
Paul Moreira est l'un des journalistes d'enquête les plus en vue en France. À la tête de l'agence Premières Lignes, il a réalisé récemment un reportage-choc sur les activités de Total en Birmanie (Myanmar), diffusé la semaine dernière à l'émission Les Grands Reportages, à RDI.
Dans ce film intitulé Myanmar: résistance, affaires et secret nucléaire, M. Moreira démontre notamment que les travailleurs birmans qui vivent et travaillent autour du gazoduc de Total subissent de la violence de la part des soldats de la junte birmane.
Le journaliste a rencontré en Thaïlande plusieurs Birmans provenant des villages dans la zone du pipeline de gaz opéré par Total. «Une quinzaine d'entre eux sont venus. Ils ont parfois marché plusieurs jours dans la jungle, échappé aux patrouilles de l'armée birmane, traversé illégalement la frontière.»
Les villageois interrogés ont expliqué comment les problèmes de violence et de travaux forcés ont commencé avec l'arrivée de Total et de son gazoduc.
Investissements et éthique
Selon M. Moreira, Total «ne peut ignorer la situation». Il se questionne même sur les contradictions éthiques que soulève la présence de Total dans cette dictature.
«Pourquoi surtout, revendiquer un positionnement éthique, comme toutes les entreprises occidentales responsables, et en même temps collaborer avec l'un des pires régimes de la planète?»
À son avis, un départ de Total de la Birmanie, qui priverait la junte militaire de précieux revenus, pourrait avoir beaucoup d'influence.
«On sait que si l'Afrique du Sud est libre aujourd'hui, c'est en grande partie grâce au boycottage économique.Peut-être celui-ci pourrait avoir une influence en Birmanie aussi», souligne-t-il.
Le rôle des Desmarais
Paul Moreira dit ne pas avoir d'informations sur les états d'âme de la famille Desmarais, qui possède 4 % des actions de Total avec le holding de la famille belge Frère. Mais il croit que comme investisseurs importants, ils pourraient tenter de convaincre Total de se retirer.
«Évidemment, vu leur niveau de présence dans le capital, s'ils décidaient de partir en croisade pour que Total quitte la Birmanie, je pense qu'ils seraient entendus...»
* En juillet dernier, l'ONG avec lequel Paul Moreira a collaboré, EarthRights International (ERI), a publié un troisième rapport dévastateur sur le rôle de Total en Birmanie, accusant la pétrolière de «complicité d'assassinats et de travail forcé». ERI y soutient que deux Birmans auraient été exécutés par «l'un des officiers de l'armée, chargé de la sécurité du personnel des compagnies pétrolières et du gazoduc».
* Power Corporation contrôle 50 % de GBL, via différentes filiales. GBL est le plus important actionnaire unique du géant Total avec 4 % des actions. Paul Desmarais Jr siège même au conseil d'administration de Total. GBL a un autre représentant au sein du conseil, qui compte 15 membres au total. Power nie avoir une influence sur les décisions stratégiques de Total et es-time qu'elle n'a qu'un «intérêt minoritaire indirect très inférieur à 1 %» dans Total. Elle dit aussi n'avoir aucun lien avec la junte militaire birmane.
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