Publié le 26 mars 2011 à 05h00 | Mis à jour le 26 mars 2011 à 05h00
The Borgias: François Arnaud au confessionnal
Richard Therrien
Le Soleil
(Montréal) Nombre d'acteurs québécois ont tenté de conquérir Hollywood en collectionnant les troisièmes rôles et en multipliant les auditions. Le cas de François Arnaud constitue l'exception : pour sa première expérience hors du pays, le jeune acteur de 25 ans incarne l'un des rôles principaux de la prestigieuse série historique The Borgias, diffusée dès le dimanche 3 avril à 22h, sur la chaîne Bravo!
Si vous mettez le pied à Times Square ces jours-ci, vous ne pourrez manquer le visage du Québécois, en format géant sur une affiche de la série. Même chose dans tout L.A. Sans être le fruit du hasard, cette soudaine visibilité provient des contacts créés par l'acteur lors de ses voyages à l'étranger reliés au film J'ai tué ma mère. «Les gens étaient étonnés que je puisse parler anglais décemment», confie l'ancien interprète du rôle de Théo dans le téléroman Yamaska, à TVA.
La directrice de casting Susie Figgis l'a rapidement pris sous son aile et moussé sa candidature pour le rôle de Cesare, fils de Rodrigo, dans The Borgias. Remarqué par le réalisateur Neil Jordan après une audition sur vidéo à partir de Montréal, François s'est rendu à Londres à deux reprises, dont une pour donner la réplique à Jeremy Irons, déjà choisi pour le rôle du père.
«À mon retour à Montréal, en attendant ma valise à l'aéroport, j'avais déjà un message dans ma boîte vocale pour m'avertir de rappeler le plus vite possible. Et j'avais le rôle», raconte l'acteur.
Voilà une formidable occasion, qui dépassait toutes ses espérances. «Je ne me suis pas battu pour conquérir Hollywood, mais la porte s'est ouverte, et j'y suis entré. Ça ne s'est pas fait tout seul, il a fallu que je travaille. J'ai pris des gamblings. J'ai refusé des choses ici sans savoir que ça marcherait là-bas.»
Le tournage des Borgias allait se dérouler à Budapest, en Hongrie. Un plateau démesuré en comparaison avec ce que le comédien avait connu au Québec. «Pour une scène de 30 secondes, c'est intéressant de pouvoir faire venir 500 personnes. Pour le reste, le budget n'était pas exorbitant pour ce que c'était. Chaque sou était compté, et ce qu'ils ont pu accomplir avec ce budget était incroyable.»
Personne sur ce plateau n'a profité indûment de son statut, et l'acteur parfaitement inconnu là-bas s'y est vite senti à l'aise. Y compris avec Jeremy Irons, qui ne semble pas avoir abusé de ses privilèges. «Il reçoit l'attention qu'il mérite. Il a 62 ans, il a quand même accompli de grandes choses. Il exige de tout le monde qu'on donne tout ce qu'on a.»
Pas de porno
Des Borgia, François Arnaud connaissait leur réputation de débauchés et de sanguinaires, et avait entendu parler de Lucrège Borgia, la pièce de Victor Hugo, mais il ignorait qu'ils avaient inspiré Machiavel. Pour en savoir plus, il a dévoré de multiples biographies «qui se contredisaient toutes», raconte-t-il.
François Arnaud n'adhère pas beaucoup au slogan «Sexe. Pouvoir. Crime. Amen», qui sert à vendre la série. Selon lui, le sexe ne compte pas beaucoup dans la série. «Neil Jordan s'est vite rendu compte qu'il n'avait pas besoin d'exagérer les choses, d'ajouter du sexe et du sang pour rien. Ce n'est pas tourné comme de la soft porn, avec un gros plan sur les seins refaits de l'actrice.»
L'interprète de Cesare sait déjà que plusieurs relèveront de supposées erreurs de faits dans la série, étant donné la multitude d'interprétations de l'histoire. «Ce dont on se rend compte, c'est que la plupart des choses qu'on connaît d'eux ont été rapportées par leurs ennemis.»
Pour cette raison, il a beaucoup aimé la sobriété avec laquelle Neil Jordan a abordé cette histoire plutôt sordide. «C'est beaucoup plus proche d'une compréhension intérieure de la situation. L'idée n'est pas de montrer à quel point ils étaient décadents, mais de comprendre ce qu'il y a en l'homme pour se rendre là.»
En César, son personnage qui apparaît partout dans la série, il voit un «chef militaire impitoyable, violent, cruel. Un fils à papa, qui ne sait pas ce qu'il veut, et qui ne se sent pas appelé par la prêtrise».
Tout ce qu'il accomplira, il le fera pour plaire à son père, qui lui préfère pourtant son «idiot de frère, pour des raisons qu'on ne comprend pas trop». Et très vite, il apprendra que dans ce contexte, «pour survivre, il faut tuer».
Parler british
Durant sa préparation, François Arnaud a forcément dû trouver l'accent qu'il devait emprunter, une donnée complexe, étant donné le nombre d'acteurs britanniques dans la distribution. Comment devait parler une famille originaire d'Espagne, en Italie, et qui parle anglais? «Au départ, ça sonnait comme une caricature, comme une vieille madame qui boit du thé, comme une Maggie Smith. Plus la série avance, plus je deviens british, parce que j'étais entouré d'Anglais durant six mois.»
Pour le moment, François Arnaud n'a aucun projet au Québec. Son rôle dans The Borgias l'oblige à renoncer à d'autres rôles à la télévision et à mettre tous ses oeufs dans le même panier. «Dans ce type de série, il faut signer le contrat et négocier les conditions avant même d'être choisi. Nous étions deux à la fin pour le rôle, et nous avons tous les deux conclu un contrat de 42 pages, qui impliquait plus d'une saison. C'est sûr que ça implique des risques.»
Voilà qui ne l'empêche pas de passer des auditions pour des rôles au cinéma, ce qu'il a fait beaucoup dans les dernières semaines, autant pour des films indépendants que pour de gros films d'action. «Ici, t'es chanceux quand tu obtiens une audition. Tu peux en avoir une aux deux mois. Là-bas, quand t'es un jeune mâle de 25 ans pas trop laid et blanc, tu peux en passer trois par jour.» Son casting? «Ça va du leading man au nerd, de 17 à 30 ans.»
On serait surpris du contraire : François Arnaud ne regrette pas sa décision d'avoir quitté Yamaska, même si la production de TVA a dû se trouver un nouveau Théo pour le remplacer. «Le temps que j'ai passé sur ce plateau, je l'ai apprécié. Jouer avec des acteurs du calibre d'Élise Guilbault et de Denis Bernard a été un privilège.»
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