RDI propose Naufragés des villes... ou la vie de «BS» à Montréal
Écrit par Pascale Lévesque
Mise à jour le Mercredi, 19 janvier 2011 14:14
Peut-on vivre à Montréal avec 592,08 $ par mois ? Vivre, non. Survivre, peut-être. C’est l’éloquente démonstration qu’ont fait deux volontaires en relevant le défi de Naufragés des villes : habiter deux mois dans la métropole avec en poche une prestation d’assistance sociale… et beaucoup de débrouillardise.
592,08 $ par mois, c’est moins de 20 $ par jour pour combler les besoins de logement, vêtements, bouffe, transports et autres besoins essentiels à une vie décente en société. « C’est carrément impossible », témoigne Pierre Côté, un consultant en marketing de 53 ans de Québec, qui a relevé le défi de cette nouvelle série documentaire de 10 épisodes présentée à RDI dès lundi. « Tu n’as pas droit à l’erreur », enchaîne-t-il.
Lui et Emmanuelle Chapados, une diplômée en communication de 27 ans qui habite Moncton, ont été les courageux sujets du dernier projet de Blimp Télé. La boîte de production à forte tendance sociale qui a initié la série du Rebus global, La Vie en vert et, dernièrement, Huis Clos à Télé-Québec.
L’idée de Blimp, c’est de glisser deux citoyens privilégiés pendant huit semaines dans la vie « d’un maudit BS ». Sur papier, l’offre paraît séduisante : deux mois payés à ne rien faire, un tout-inclus sur une île… Dans le concret, le défi était si dur qu’on a eu du mal à se trouver des volontaires. Deux des candidates choisies, sur la centaine d’autres à avoir été retenus en entrevue, ont abandonné : l’une la veille et l’autre après une journée de tournage.
On a, par chance, eu moins de mal à trouver dix personnalités qui furent dans leur vie touchées de près ou de loin par la pauvreté, pour faire la narration des dix épisodes. Urbain Desbois, France Castel, Claude Robinson, Judy Richard, Kim Thuy sont entre autres du nombre. Une autre façon de montrer que personne n’est à l’abri du malheur. Quand on sait que malgré que le Canada soit le « 4e plus meilleur pays au monde », comme le dit le premier narrateur de la série Urbain Desbois, 3 millions de personnes s’y retrouvent en situation de pauvreté, il y a de quoi se sentir concerné.
C’est que la vérité de ce tout-inclus est gravement plus cruelle. Les premiers pas de Pierre et Emmanuelle dans cet univers font (efficacement) disparaître en un éclair les clichés et préjugés qu’ils pouvaient avoir à l’endroit des assistés sociaux. Et les nôtres, par ricochet.
Une expérience volontaire
Bien sûr, il s’agit d’une expérience, et les deux volontaires savent dès le départ qu’ils reviendront à leur confort une fois le défi complété. L’emballage à la sauce téléréalité (on suit les volontaires dans leurs péripéties, arrivée en ville, recherche d’un refuge pour la nuit puis d'un logement, obligation de se nourrir à prix très modique et de budgéter ce qui ne se budgète pas…) pourrait fausser le jugement qu’on s’en fait. Mais loin d’être une téléréalité, Naufragés des villes rappelle avant tout la réalité.
Le parcours de Pierre et Emmanuelle est prétexte à montrer tous ceux qui tiennent ce filet social et pallient le manque de ressources des gouvernements qui, comme en témoigne le documentaire, ont des mesures inadéquates pour définir les mesures d’aide aux moins nantis de la société. On est surpris, mais heureux en découvrant ces nombreuses initiatives de citoyens motivés à améliorer le sort d’autrui qui s’impliquent dans toutes sortes d’organismes de première ligne. Et encore là, les deux volontaires vous le confirmeront, ce sont souvent ceux qui en ont le moins qui sont le plus près à partager.
Comme l’a dit la productrice Isabelle Vaillancourt, qui a eu l’idée du documentaire il y a deux ans avec le producteur et réalisateur Marc St-Onge, personne n’est à l’abri de se prendre le pied dans l’engrenage. « Parce que rendu là, ce n’est pas un escalier qu’on descend, c’est une glissade », a-t-elle imagé lors de la rencontre de presse cette semaine.
La pente est encore plus prononcée pour ceux qui sont dénués d’amis et de famille; celui ou celle qui met le pied dans la spirale de la pauvreté a intérêt à avoir l’instinct de survie, le courage, la force d’affronter la jungle, la détermination et une soif de vivre sans limite pour garder sa tête hors de l’eau. Voilà ce que démontre Naufragés des villes et comment le projet atteint l’objectif de nous sensibiliser à ce qui existe pourtant chez nous.
Le but de l’opération ? « Sensibiliser, montrer qu’il n’y a pas de solution unique. Contrer le BS bashing… surtout quand on sait qu’il n’existe que 5 % à 6 % de fraudes... », plaide le producteur en se demandant s’il ne vaudrait pas mieux s’insurger contrer l’évasion fiscale chez les plus riches…
Parce que quand on a moins de 20 dollars par jour pour vivre, tel que l’a dit Pierre le volontaire, « même un déjeuner McDo à 4,89 $ c’est trop cher ».
– Naufragés des villes, dès le lundi 24 janvier à RDI à 20 h.
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