M.D. - Parismatch.com
Mercredi 2 novembre 2011

Les locaux parisiens de «Chalrie Hebdo» ont été dévastés par un incendie apparemment criminel, alors que sort, ce mercredi, un numéro spécial intitulé «Charia Hebdo».

Peut-on rire de tout sauf de l’islamisme radical? C’est la question qui se pose, ce matin, alors que les locaux parisiens du magazine satirique «Charlie Hebdo» ont été dévastés par un incendie apparemment volontaire, cette nuit, date de la sortie de son numéro spécial consacré à la victoire des islamistes du parti Ennahada en Tunisie et à l'instauration de la charia en Libye. Pour l’occasion, l’hebdomadaire s’est rebaptisé «Charia Hebdo», et un portrait du prophète Mahomet, rédacteur en chef «exceptionnel», fait la Une, avec une bulle: «100 coups de fouet, si vous n'êtes pas morts de rire !». Le numéro comprend également un «édito de Mahomet» intitulé «L'apéro Halal», ou encore un supplément «Charia Madame». Selon une source policière citée par l’agence Reuters, l'«incendie s'est déclaré vers une heure du matin», heureusement, «sans faire de blessés ou de victimes». «La police judiciaire a été saisie pour en déterminer l'origine et les circonstances», a précisé cet indicateur.
«J'ai été réveillé par la police peu avant 5 heures du matin pour me dire qu'il y avait un incendie criminel à "Charlie Hebdo"», a de son côté expliqué le directeur de la publication Stéphane Charbonnier dit "Charb", à Europe 1. «Une vitre a été pétée et un cocktail Molotov a été balancé à l'intérieur, a-t-il poursuivi. Heureusement, les pompiers sont intervenus à temps.» D’après la radio, les deux-tiers de la rédaction, située au 62 boulevard Davout, dans le XXe arrondissement de Paris, ont été anéantis. «On ne peut pas faire de journal dans ces conditions, a déploré le patron de l'hebdomadaire. Les stocks ont brûlé, la fumée a tout envahi, la maquette où on réalise le journal est impraticable, tout a fondu, il n'y a plus d'électricité. (…) On est SDF, a-t-il résumé. (…) On espère que ["Charia Hebdo"] ne sera pas le dernier.»
«C’est énorme, on a brûlé notre travail, on a brûlé tout ce que l’on fait, a renchéri Patrick Pelloux, chroniqueur à "Charlie hebdo", sur BFM. C’est difficile. Le journal qui sort aujourd’hui n’était pas un journal contre les Musulmans, contre qui que ce soit, c’était un journal pour dire que l’on peut rire de tout, a-t-il fait valoir. C’est la meilleure preuve de la liberté et de la démocratie.»
Deux suspects aperçus
La publication de ce numéro en tout cas est maintenue. «Le journal qui devait sortir aujourd'hui était déjà en route chez les kiosquiers, il sortira normalement», a en effet affirmé Charb. Le patron a par ailleurs assuré qu'il allait chercher de nouveaux locaux pour travailler au prochain numéro. «Il en va de la survie de "Charlie" mais sur le principe, je ne laisserai pas le terrain aux islamistes», a-t-il ajouté, sous-entendant clairement qu'il accuse des extrémistes d'être derrière ce qu'il considère comme un «attentat». Toujours selon Europe 1, deux suspects ont été aperçus à proximité du lieu de l’incendie peu avant qu’il soit déclaré, mais n'ont pas pu être interpellés.
Parallèlement, le site internet de l'hebdomadaire a été piraté. Vers 8 heures, la page d'accueil faisait apparaître une photographie d'une mosquée et un verset du coran traduit en Anglais.

Désormais, un message d’erreur l’a remplacée. «Tout a été piraté, on a été attaqué de partout, s'est désolé Patrick Pelloux. Ce sont les "cyberattaques" comme on dit, mais on va se défendre, on va se battre», a-t-il promis.
L’annonce de la sortie de ce numéro jugé provocateur par certains avait déjà fait débat, d’aucuns anticipant le caractère blasphématoire pour de nombreux Musulmans. Certains prédisaient de nouvelles poursuites. Rappelons qu’en 2006, l'ancien directeur de «Charlie Hebdo», Philippe Val, avait été poursuivi pour «injures raciales» après la publication de trois caricatures du prophète Mahomet. Il avait finalement été acquitté par le tribunal correctionnel de Paris en 2007. Sa relaxe a été confirmée en 2008 par la cour d'appel de Paris.
«La connerie fanatique»
Ce matin, les réactions dénoncent unanimement cette attaque, quoiqu’on pense du magazine. «Attaquer un journal physiquement dans ses locaux et son site Internet, c'est se désigner comme un ennemi de la démocratie», a dénoncé Nathalie Kosciusko-Morizet, appelant à s’unir tous «pour dire que ce n’est pas acceptable, que ce ne sera pas accepté». «On ne négocie pas le droit de la presse à coup de bombe», a insisté la ministre de l’Ecologie sur France Info. «Il y a un droit de la presse et si on n'est pas content de ce qui est dit dans un journal, on attaque en justice, mais on ne met pas une bombe.» Et de citer Voltaire, «qui disait: Je ne partage pas forcément vos idées mais je ferai tout pour que vous puissiez les défendre.» Jean-François Copé, secrétaire général de l'UMP, n’a pas hésité à parler d’«attentat», qu’il faut condamner «avec la plus grande force». «Les amalgames entre la religion et la politique sont les pires qui soient», a-t-il poursuivi sur Europe 1. Xavier Bertrand s’est dit «profondément choqué», sur RTL, ajoutant: «Heureusement que la liberté d'expression dans un pays comme le nôtre est garantie et protégée contre tous les excès et contre tous les arbitraires.»
De son côté, Cécile Duflot, la dirigeante d’Europe-Ecologie-Les Verts, s’est dite, sur son compte Twitter, «solidaire de Charlie Hebdo» et «contre la connerie fanatique qui opprime». Sur i>Télé, Christine Boutin a également «condamné» un acte qui «manifeste un symptôme de violence», et porte atteinte à «la liberté de la presse et d'expression». La présidente du parti Chrétien démocrate a par ailleurs souligné que «l'église catholique a eu aussi son site qui a été piraté pendant le week-end ». «Si c'est un incendie volontaire, c'est tout à fait répugnant, a quant à lui réagi Jean-Luc Mélenchon. Je veux dire ma sympathie mon affection à l'équipe de Charlie Hebdo, je suis sûr que le journal va trouver la force en lui de rebondir.» Le député européen a entendu dire qu’il s’agissait de «représailles»; «mais de représailles de quoi?», s’est-il interrogé. Il a néanmoins appelé à ne pas faire d'«amalgame». Il faut «avoir la discipline intellectuelle de ne pas confondre une poignée d'imbéciles, d'abrutis qui seront rudement châtiés, je l'espère, avec la masse de nos compatriotes musulmans qui pratiquent leur foi en toute tranquillité», a-t-il développé. Enfin, Mohammed Moussaoui, président du conseil français du culte musulman, a «condamné l'incendie, tout en étant vigilant sur l'origine». Le président du CFCM juge la Une de l’hebdomadaire moins «violente» que celles que les caricatures de 2006. A l’époque, il avait porté plainte contre le magazine.
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