.POUR UN QUÉBEC LUCIDE

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Acrux
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Message par Acrux »

Beppo  a écrit

J'imagine qu'il a eu comme moi l'occasion de lire en masse les critiques sur les idées et il apporte une dimension que peu de gens ont traîté à date. Son allusion au patronat me semble bien à point. Foglia dans La Presse s'est chargé de critiquer les idées et M. Bouchard en a fait de l'urticaire.

;)  De l'urticaire?!  

...alors, il ferait quoi pour régler ce problème M. Foglia?
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Beppo
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Message par Beppo »

La Presse Mardi 25 octobre 2005 page A 21

Dette : les vrais responsables

Il faut montrer du doigt les privilégiés de la société, par les avantages dont ils bénéficient.
Louis Gill

L'auteur est économiste, professeur de l'UQUAM. Nous publions ici un extrait du texte qu'il nous a fait parvenir.

Je veux parler spécifiquement de la question de la dette publique dont les auteurs du manifeste Pour un Québec lucide soulignent qu'elle est, par habitant, la plus élevée du continent. Sans nier l'importance de cet endettement du Québec, quel est son niveau relatif, non seulement à l'échelle du continent, mais à l'échelle mondiale. Il est instructif de citer à cet égard les chiffres tirés d'une étude réalisée en 2004 par les économistes Claude Montmarquette, un des signataires du manifeste, et Marcellin Joanis. Le niveau global de cet endettement, mesuré par la dette nette de l'ensemble des administrations publiques en pourcentage du PIB, à 44 %, est légèrement inférieur à la moyenne des pays de l'OCDE (46 %), et du même ordre que celui de pays comme le Canada (38 %), l'Espagne et la France (39 %), les Pays-Bas (42 %) et les États-Unis (44 %), l'Autriche (45 %) et l'Allemagne (49 %). Panique, mais panique égale?

Mais surtout, qui est responsable de cette dette? L'explication de son origine et de son maintien à un niveau sur lequel s'appuient sans cesse patronat et gouvernements pour justifier leurs efforts de réduction des services publics, se situe toujours et exclusivement du côté des dépenses, jamais du côté des revenus.

Pourtant, si le gouvernement du Québec, comme celui du Canada et ceux des autres pays, mettait un terme à toutes les formes d'évitement fiscal dont bénéficient les entreprises et les nantis de la société (exemptions légales d'impôt accessible aux seules couches bénéficiant de hauts revenus, comme le relèvement des plafonds des REER ou la non-imposition des revenus provenant de l'exercice des options d'achat d'actions, recours aux paradis fiscaux pour éviter de payer l'impôt sur les revenus et les profits, report des versements d'impôts sur les bénéfices qui constituent dans les faits des prêts permanents sans intérêt consentis par les gouvernements aux entreprises, sans parler des multiples moyens de contournement dont bénéficient les initiés de la comptabilité et de la fiscalité), le problème de la dette serait sûrement fort différent de ce qu'il est actuellement, tout comme celui d'un financement courant adéquat des services publics dont la population a besoin.

Non seulement les privilèges de la société, par les avantages dont ils bénéficient sont-ils responsables de la dette publique, mais ils contribuent aussi de facto significativement moins que le commun des mortels à son financement et à son remboursement. En 1964, au Québec, les contributions des particuliers et des entreprises aux impôts sur le revenu et les profits étaient respectivement de 39 % et de 61 %. Aujourd'hui, quarante ans plus tard, la situation esr complètement inversée : dans le budget de l'année en cours (2005-2006), la contribution des particuliers (16,7 milliards) est de 80 %, celle des entreprises (4,3 milliards) est de 20 %.

En tenant compte de la taxe de vente (9,7 milliards), mais sans tenir compte des taxes sur les carburants, le tabac et les boissons alcooliques ni des droits et permis, qui frappent surtout les particuliers, la contribution des particuliers est de 86 %, celle des entreprises de 14 %. On comprendra donc que, pour le service de la dette qui fait partie du budget gouvernementale, comme pour toutes les autres dépenses, la part qui est payée par les particuliers est six fois plus importante que celle qui est payée par les entreprises. Une dette, par surcroît, illégitime, du fait que son origine est, d'abord et avant tout, attribuable aux réductions d'impôt et à l'évasion fiscale des entreprises et des nantis. (...) --Message edité par Beppo le 2005-10-29 19:57:42--



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Fabine
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Message par Fabine »

Je crois que je suis lucide et ma lucidité me fait dire que je me fais fourrer à tout les jours.

Dans ce manifeste il y a des vérités j'en conviens toutefois il tombe à plat car ils ont mis la majorité de la population dans le clan des pas d'allures.

En fait les syndicats sont complètement rayés de ce manifeste. Pourtant les syndiqués ne sont que des travailleurs qui ont un salaire à toute les semaines avec un paiement d'impôt. En fait c'est plus que les syndiqués, ce sont tout les travailleurs de la classe moyenne syndiqué ou non qui sont exclus de ce manifeste et en même temps ce sont les mêmes personnes qui sont pointés du doigt comme étant les ceux qui doivent être lucide.

Désolé, le salariés ont assez donné. Je suis assez vielle et lucide pour comprendre que c'est toujours les salariés moyens qui payent pour les autres qui savent profiter du système. Quand je pointe ceux qui profitent du système ce n'est pas les chomeurs ou les assistés sociaux. Ce sont plutôt tout ceux qui ne payent pas leur part d'impôt. En fait ceux qui font la grande vie, grosse voiture, grosse maison, gros voyage et qui déclare des revenus de 15 000 à 20 000$ par année. Ça, je ne suis plus capable.....

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NetRoll
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Message par NetRoll »

Je crois aussi que les entreprises et les gens ayant un haut revenu devraient être mis plus à contribution.

Certains ont peur que les gens qui ont des richesses déménagent... dans ce cas, ils perdraient aussi la clientèle qui est ici, mais d'autres personnes seront ravis de récupérer leur clientèle.

Bref, cessons de faire payer les gens à revenu moyen-faible, et attaquons-nous où est vraiment l'argent. Les entreprises qui font des milliards par année et ne paient pas d'impôts, ce n'est pas normal. Peut-être bien qu'ils n'utilisent pas le réseau de la santé par exemple, mais ils utilisent les routes, l'électricité, l'eau, etc.
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vivier
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Message par vivier »

une entreprise a seulement a dire qu'elle veut fermer les portes ey oups. v'la une subvention , ils connaisent le truc

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Acrux
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Entièrement d'accord pour dire que les entreprises devraient payer plus, personne n'aura d'objection contre ça, ...sauf peut-être ceux qui ont perdu le moteur de leur ville comme Boisbriand avec GM ou Huntington avec ses usines de textiles...

Mais si je ne me trompe, ici on parle de remboursement de la dette (120 milliards). Du moment que le taux d’intérêt augmente de 1% ça donne 1.2 milliard de moins à mettre dans le budget. Plus la dette diminue, plus on dégage une marge de manœuvre. Le but de ce communiqué n’est pas de vendre un programme mais de sensibiliser sur l’importance de se défaire de ce boulet tandis qu’on le peut encore, alors toutes idées qui dit que ce serait encore la classe moyenne qui paierait est hors contexte.

Mais je dois dire que personnellement j’aime bien l’idée de la création d'un régime de Revenu minimum garanti qui se substituerait à plein programmes de redistribution existants afin de diminuer la bureaucratie inutile.
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Beppo
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Message par Beppo »

Acrux  a écritEntièrement d'accord pour dire que les entreprises devraient payer plus, personne n'aura d'objection contre ça, ...sauf peut-être ceux qui ont perdu le moteur de leur ville comme Boisbriand avec GM ou Huntington avec ses usines de textiles...

Mais si je ne me trompe, ici on parle de remboursement de la dette (120 milliards). Du moment que le taux d’intérêt augmente de 1% ça donne 1.2 milliard de moins à mettre dans le budget. Plus la dette diminue, plus on dégage une marge de manœuvre. Le but de ce communiqué n’est pas de vendre un programme mais de sensibiliser sur l’importance de se défaire de ce boulet tandis qu’on le peut encore, alors toutes idées qui dit que ce serait encore la classe moyenne qui paierait est hors contexte.

Mais je dois dire que personnellement j’aime bien l’idée de la création d'un régime de Revenu minimum garanti qui se substituerait à plein programmes de redistribution existants afin de diminuer la bureaucratie inutile.


Qui va payer alors?

;)



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Acrux
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Beppo  a écrit

Qui va payer alors?

;)
Ça c'est la population qui décide en votant pour le programme d'une parti politique lors d'élections.

Mais je peux te retourner la question, qui paye les intérêts de la dette aujourd'hui?

;)
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Beppo
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Message par Beppo »

Acrux  a écrit Ça c'est la population qui décide en votant pour le programme d'une parti politique lors d'élections.

Mais je peux te retourner la question, qui paye les intérêts de la dette aujourd'hui?

;)


Relie l'article de M. Gill et tu vas avoir une maudite bonne idée de ceux qui paient les intérêts de la dette et de plus il t'offre en prime ceux qui ne la paient pas.

;)



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Message par Acrux »

Beppo  a écrit

Relie l'article de M. Gill et tu vas avoir une maudite bonne idée de ceux qui paient les intérêts de la dette et de plus il t'offre en prime ceux qui ne la paient pas.

;)
Mais je l'ai lu

C'est la classe moyenne qui paye le plus de un, et de deux la dette continue d'augmenter. Alors, si ça continue comme ça cette même classe n'existera même plus dans 20 ou 30 ans. Et toi, tu sembles prôner le fait de continuer dans la même voie...

Chacun sa façon de voir les choses faut croire --Message edité par Acrux le 2005-10-30 19:06:36--
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Beppo
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Message par Beppo »

Acrux  a écrit Mais je l'ai lu

C'est la classe moyenne qui paye le plus de un, et de deux la dette continue d'augmenter. Alors, si ça continue comme ça cette même classe n'existera même plus dans 20 ou 30 ans. Et toi, tu sembles prôner le fait de continuer dans la même voie...

Chacun sa façon de voir les choses faut croire  

Je crois que chacun doit faire sa part et nous en sommes peut-être rendus à demander plus du côté des compagnies et des mieux nantis. C'est là où j'en suis pour le moment.

;) --Message edité par Beppo le 2005-10-31 09:08:52--



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tuberale
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Manifestes
Michel Venne
Édition du lundi 31 octobre 2005



Au lieu de susciter un débat, le Manifeste pour un Québec lucide a plutôt contribué à cristalliser les opinions contradictoires. C'est dommage. Salué par les uns, décrié par les autres, le document n'a ouvert aucun dialogue. Ceux qui appuyaient les mesures qui y sont énoncées ont applaudi et ceux qui étaient contre le sont encore plus aujourd'hui. L'accueil que lui a réservé le premier ministre Jean Charest, dont le gouvernement suscite une insatisfaction record, n'a fait qu'accentuer l'effet. Un contre-manifeste «pour un Québec solidaire» sera publié cette semaine sous la gouverne d'Amir Khadir et de Françoise David. Les deux camps sont face à face.


Le ton du document est l'une des causes de son effet. Car il y aurait ceux qui sont lucides et tous les autres, aveuglés par nos succès récents. Le Québec serait engoncé dans la torpeur et l'inertie. Ceux qui «osent sortir des sentiers battus» seraient chaque fois cloués au pilori. On parle d'Inquisition. Les Québécois offriraient un «refus global au changement». Nous travaillerions trop peu et prendrions notre retraite trop tôt. Et bientôt, les huissiers seront à notre porte. En conférence de presse, l'économiste Pierre Fortin a mentionné que le vieillissement de la population mettrait le Québec «à feu et à sang». C'est le retour à la Grande Noirceur qui nous guette. En lisant ces lignes, on peut se demander sur quelles forces le Québec peut alors s'appuyer pour «opérer le changement radical» qui serait nécessaire. Nous semblons n'avoir que des faiblesses.

Les «sonnettes d'alarme» doivent retentir, selon les auteurs, dans tous les milieux. Mais au chapitre des coupables, le groupe ne recense qu'un acteur : les «grands syndicats, qui ont monopolisé le label progressiste pour mieux s'opposer aux changements qu'impose la nouvelle donne». Ceux-ci se limiteraient trop souvent à «une protection à courte vue des intérêts de leurs membres». Non seulement le jugement est hâtif, mais il stigmatise un seul des acteurs-clés de la société québécoise. Les choix faits par les hauts fonctionnaires, la grande bureaucratie, les entreprises transnationales, les élus locaux ne seraient-ils nullement en cause ?



***




Cet appel à la lucidité est si ferme, si noir, si désespéré dans son indignation, appelant un virage si radical, que les propositions soumises à la réflexion auraient dû nous surprendre, nous faire sortir des sentiers battus, justement. Et c'est sans doute une autre raison pour laquelle le manifeste ne provoque pas le dialogue espéré : les propositions qu'il contient ont toutes un air de déjà vu. Comme si jamais elles n'avaient été débattues. D'ailleurs, elles ne sont pas formulées comme des propositions, mais comme des évidences «qui s'imposent d'elles-mêmes». Si elles s'imposent d'elles-mêmes, pourquoi en débattre ? Au fait, pourquoi n'ont-elles pas déjà été appliquées ?



Le cas de la dette est intéressant. Le sujet a maintes fois été discuté. En 1996, la Commission sur la fiscalité et le financement des services publics, créée par Lucien Bouchard et présidée par Alban D'Amours (celui-là même qui aujourd'hui propose d'augmenter les tarifs d'électricité pour rembourser la dette) avait rejeté l'idée de créer un Fonds de remboursement de la dette. À l'époque (il y a neuf ans à peine), le consensus voulait que si on mettait fin aux déficits budgétaires chroniques du gouvernement, le poids de la dette diminuerait de lui-même dans l'économie. Cela semblait satisfaire tout le monde. Si les auteurs de cette politique croient aujourd'hui qu'il faille aller plus loin et, comme le réclament des groupes de jeunes, réduire la dette, est-ce une raison pour accuser le Québec entier de «dormir au gaz» ? Encore faudrait-il que le Québec ait les moyens de le faire. Et s'il en avait les moyens, la réduction de la dette devrait-elle être sa priorité ? Ça aussi, ça se discute.

La proposition d'augmenter les tarifs d'électricité est une autre piste présentée comme devant aller de soi. Pourtant, en 1998, le gouvernement de M. Bouchard avait imposé par décret un gel tarifaire dont la société d'État vient tout juste d'être libérée.

Les douze affirment que la lucidité devrait aussi nous conduire au dégel des droits de scolarité universitaires. Le gel serait «une politique qui va à l'encontre du bon sens et de toutes les études menées sur la question». Si le gel n'a pas de sens, pourquoi le Parti québécois a-t-il fait campagne en sa faveur en 1998 et le Parti libéral en 2003 ? Et pourquoi plusieurs pays européens imposent-ils des droits de scolarité inférieurs à ceux en vigueur chez nous et même dans certains cas la gratuité scolaire ? Il s'agit d'une question de choix de société. Les études sont utiles mais, fussent-elles unanimes (elles ne le sont pas), ne peuvent remplacer la démocratie. Les douze n'invitent pas au débat. Ici, ils martèlent leur vérité.

***

Un débat public sain n'est possible que si l'invitation au dialogue est réelle, si les conclusions ne sont pas écrites à l'avance et si l'argument massue tient sur autre chose que le gros bon sens. Il faut aussi du leadership, ce dont manque le Québec aujourd'hui. Mais le leadership n'est pas l'art d'imposer ses vues. C'est l'art de cerner les problèmes dans leur juste dimension, de réunir les acteurs concernés dans le dialogue, de faire apparaître les meilleures solutions compatibles avec les préférences de la société et d'avoir ensuite le génie de les appliquer.




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Acrux
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Message par Acrux »

Citation :Encore faudrait-il que le Québec ait les moyens de le faire. Et s'il en avait les moyens, la réduction de la dette devrait-elle être sa priorité ? Ça aussi, ça se discute.

Ces propos là, je suis d'accord à 100% pour dire que c'est un manque de lucidité total...!  
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tuberale
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L'autre lucidité


16 personnalités de gauche rétorquent au manifeste Pour un Québec lucide

Antoine Robitaille
Édition du mardi 1er novembre 2005




«Nous croyons nous aussi faire preuve de lucidité.» Par cette phrase, 16 personnalités bien connues de divers courants de gauche -- Françoise David, Amir Khadir, Luck Mervil en tête -- ouvrent leur manifeste Pour un Québec solidaire, dont nous publions aujourd'hui de larges extraits.


Il s'agit évidemment d'une réplique au manifeste Pour un Québec lucide de Lucien Bouchard, Joseph Facal, André Pratte et compagnie, publié le 19 octobre après une importante conférence de presse. Ce document avait été accueilli avec joie par le premier ministre Jean Charest ainsi que par le chef de l'ADQ Mario Dumont, lequel avait carrément invité ses signataires à joindre ses rangs.

Pour Amir Khadir, médecin et porte parole de l'Union des forces progressiste (UFP), les signataires du manifeste des «solidaires» (www.pourunquebecsolidaire.info) ont tenu à répondre «à l'appel de M. Bouchard qui, après tout, avait souhaité un débat».

D'ailleurs, l'éditorialiste en chef de La Presse, André Pratte, un des instigateurs du manifeste des «lucides», s'est dit heureux, hier, qu'on y réplique ainsi de manière ouverte. Il souligne qu'en 12 jours, leur site Internet (www.pourunquebeclucide.com) a attiré quelque 82 000 visites. Leur site a aussi suscité une parodie hypercritique, Pour un Québec morbide (www.pourunquebeclucide.info).

«Si notre affaire était passée inaperçue, ils ne se seraient pas donné la peine de répondre», a fait valoir M. Pratte, qui publie aussi le texte des «solidaires» dans ses pages aujourd'hui. Il a préféré ne pas le commenter «pour l'instant», indiquant seulement avoir été intéressé par certaines de leurs positions sur la dette. Quant à M. Bouchard, il a fait savoir par son attaché Roch Landriault, de la firme National, qu'il ne ferait plus de commentaires en lien avec le manifeste. M. Landriault nous a référé à M. Pratte et à M. Facal.


Revenons aux «solidaires». Ils considéraient que les sujets abordés par les lucides (dette, fardeau fiscal lourd, faible natalité, vieillissement, concurrence féroce des économies chinoise et indienne) méritaient un débat et une recherche de solutions, «mais nous n'étions pas d'accord avec les prémisses que le manifeste des lucides imposait», affirme Amir Khadir.


Parmi les 16 signataires (le site Internet en compte 30), on trouve des universitaires comme Omar Aktouf, professeur de management aux HEC et plusieurs fois candidat de l'UFP, Gaétan Breton, professeur de comptabilité de l'UQAM, et Ruth Rose, professeure de sciences économiques de la même université; des politiciens souverainistes comme Jean-Pierre Charbonneau, député du Parti québécois, Pierre Paquette, député du Bloc (Daniel Turp, de Mercier, a signifié aussi vouloir signer le manifeste); des militants écologistes : Laure Waridel, écosociologue, Steven Guilbault, de Greenpeace, Ruba Ghazal, conseillère en environnement; des représentants de groupes de pressions et de syndicats comme Michèle Asselin, de la Fédération des femmes du Québec, Vivian Labrie, du Collectif pour un Québec sans pauvreté, Arthur Sandborn, de la CSN; ainsi que des artistes, France Castel, comédienne et animatrice et Hélène Pedneault, écrivaine.


Fait cocasse, deux personnalités qui appuient la candidature de Pauline Marois à la direction du Parti québécois signent les deux manifestes opposés : Mme Pedneault du côté des «solidaires» et M. Facal, du côté des «lucides».

Un plancher pour la gauche



Selon M. Khadir, l'exercice d'écriture à plusieurs mains a somme toute été assez aisé. Le principal travail a été de «vérifier et de revérifier les données», notamment celles concernant la dette. Les signataires se sont entendus pour éviter de personnaliser le débat. M. Khadir admet qu'il aurait bien aimé adopter une approche «plus véhémente» à l'égard de M. Bouchard. «Il s'affirme de plus en plus comme l'avocat de la partie patronale le plus efficace depuis 30 ans», opine M. Khadir.

Du reste, il ne faut pas, insiste M. Khadir, considérer ce manifeste comme un programme politique du futur parti politique qui naîtra en janvier de la fusion de l'UFP et d'Option citoyenne (OC). M. Khadir, qui est pressenti pour être un des deux porte-parole de l'UFP-OC (avec Françoise David), fait valoir que le manifeste des «solidaires» est plutôt un «plancher sur lequel s'entendent bien des gens qui s'estiment progressistes». Selon lui, l'UFP-OC pourrait être «beaucoup plus radical» sur plusieurs des sujets abordés.

Polarisation



Ce «contre-manifeste» illustrerait une polarisation croissante du débat gauche-droite au Québec. «Au lieu de susciter un débat, le manifeste Pour un Québec lucide a plutôt contribué à cristalliser les opinions contradictoires», écrivait le directeur de l'Institut du nouveau monde, Michel Venne, hier dans nos pages.

Si les «lucides» s'alarment «du déclin démographique, de l'ampleur de la dette québécoise et d'une concurrence de plus en plus dure avec les pays asiatiques», les «solidaires», eux, se font résolument écologistes et de gauche, disant plutôt craindre de laisser à leurs rejetons une «planète exsangue, des forêts détruites, des inégalités sociales et économiques accrues, des guerres pour s'arracher l'eau encore disponible». À ces enfants, ils disent vouloir «transmettre autre chose que le sentiment qu'il faut plier devant ce que dicte le marché».

Selon eux, contrairement à ce que les «lucides» affirment, le problème n'est pas celui de la «création de la richesse, mais de sa répartition». Ils se demandent si la dette du Québec est réellement un problème aussi aigu que le disent les «lucides», car dans certains cas, «elle peut rapporter plus qu'elle ne coûte en intérêts et services». Au fond, «la dette québécoise ne représente pas, à l'heure actuelle, un problème alarmant comme l'affirme le manifeste de monsieur Bouchard et de ses collègues».

Quant au niveau d'imposition, les «solidaires» soutiennent que, pris isolément, «il ne veut rien dire». «Il doit être mis en parallèle avec le filet social et les services de l'État que les citoyens reçoivent : santé, éducation, garderies, transports collectifs, logement social, protection du revenu, égalité entre les hommes et les femmes, soutien aux familles...»

Du côté des solutions, les «solidaires» rejettent assez durement plusieurs des propositions des «lucides», soit de rembourser la dette, de dégeler les frais de scolarité, de «mettre les syndicats au pas», de «hausser les tarifs d'électricité et les taxes à la consommation». Ils proposent plutôt une liste de sept solutions, entre autres de «soutenir les entreprises qui répondent à des critères d'utilité sociale et d'intérêt général», de «renforcer les lois du travail», de «lutter efficacement contre l'évasion fiscale», de «garder et reprendre au besoin la maîtrise publique du secteur de la santé» et de «renforcer et appliquer la réglementation environnementale».

À la question «En avons-nous les moyens ?», les signataires répondent par l'affirmative et évoquent d'autres pistes de solutions : «Rapatrions les milliards perdus en abris fiscaux comme les fiducies. Faisons plafonner à un niveau raisonnable les avantages fiscaux relatifs aux REER. Rétablissons les taux de participation des entreprises aux recettes de l'État qui prévalaient il y a encore dix ans.»

Les solidaires concluent en lançant : «Opposons à la machine à fabriquer les inégalités toute la solidarité du peuple québécois et donnons-nous des moyens à la mesure de nos rêves».



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