Un autre document intéressant :
http://lepont.ca/pdf/dossiers/memoire_claude.pdf" onclick="window.open(this.href);return false;
J’ai ramassé quelques bouts par ci et par là… :
(Désolé pour les fautes, copier d’un pdf à word à causé des problèmes de caractères…)
A partir d'une cinquantaine d'entrevues qui ont permis de dégager ((douze figures types de jeunes dans la vingtaine et du début de la trentaine)) (GRAND'MAISON, (dir.), 1992, b : 13) et qui en marque la diversité, le rapport, en plus de mettre a jour la déculturation profonde de ce groupe d'âge, a perçu la colère sourde, douloureuse, ((souterraine)), mais qui demande a éclater au grand jour, contre la génération qui la précède.
Le rapport prévoit la possibilité d'une très dure lutte de générations se substituant à la fameuse lutte des classes sociales. Les jeunes joueraient le jeu du système pour le moment, en attendant leur revanche face a une génération d’aîné qui 'n'a vécu que pour elle-même' sans véritable solidarité avec celle qui suit)). (GRAND'MAISON, (dir.), 1992b : 11 7).
Par contre, le rapport rend également compte d'une réaction de repli chez ce groupe d'âge, se définissant comme ((réaliste)), prêt a accepter une solidarité minimale, toujours provisoire, réfractaire a toute lutte pour changer la société, conscient de sa faiblesse démographique et occupe entièrement a survivre ( GRAND'MAISON, (dir.), 1992b : 381 ) :
« N'essayez pas d'imaginer de grandes luttes de jeunes
pour changer la société. Nous sommes la négation
même du conflit de générations. Nous cherchons plutôt a
maintenir ces liens-la, nécessaires a notre survie. Le pire,
c'est que Ga ne marche pas. On coexiste, de plus en plus
en étrangers ... On nous dit suicidaires>)*C~'.e st pas le
cas de la majorité. Non, on cherche plut6t à survivre dans
le réel. Pour le reste, on rêve I'ailleurs, I'après-vie. » (Martin,
27 ans)
On considère que les baby boomers forment la génération de ceux qui sont nés entre 1940 et 1955, omniprésente et, a tort ou a raison, fortement critiquée.
Mais toujours est-il que son poids démographique la rend incontournable et fait que ce que cette génération veut, la société le veut. C'est aussi la génération sandwich, qui se voit contrainte, parfois, a supporter ses aînés autant que ses enfants qui, lors de I ‘enquête, 1988-1993, sont trop nombreux a coller a la maison, incapables de se trouver un emploi stable et rémunérateur. Les auteurs du rapport ont obtenu des témoignages troublants a ce sujet surtout de la part d'hommes et de femmes écrases par la tâche et par le poids des responsabilités familiales (GRAND'MAISON et LEFEBVRE, (dir.), 1993 : 136) :
« J'ai 45 ans, ma femme et moi nous avons à la maison
notre fille récemment divorcée, avec ses deux enfants. Je
m'occupe de mon père gravement malade. Et ma femme
passe beaucoup de temps pour soutenir sa grand’mère
qui souffre d’Alzheimer. Le dernier de mes enfants n'en finit
plus avec ses études. A 29 ans, il est humilie, agressif. II y
a quelque chose qu'on ne dit jamais a propos de notre
génération, c'est qu'elle est au centre de toutes les autres,
comme si elle devait supporter toute la société, une
société tout a I'envers.. . »
Pourtant, cette ((société tout a I'envers)), c'est cette génération qui I'a faite et c'est, en grande partie, pour elle qu'elle a été faite. C'est la génération de la rupture, du changement perpétuel et de I ‘éternelle jeunesse. Le rapport rend compte pages après pages de ces constats repris par plusieurs auteurs, dont
Ricard d6ja cite. D'un point de vue générationnel, cette génération aura opéré
une rupture, autant en amont qu'en aval. Parlant de sa génération, étant lui-même baby boomer, Ricard nous dit (GRAND'MAISON et LEFEBVRE,
(dir.), 1993 : 77-78) :
« C'est nous qui, libères de nos aines par la grâce de
I'histoire, avons fait en sorte de rester libres aussi a
I'6gard de ceux qui venaient, et qui auraient pu venir a
notre suite. Ayant vu nos parents s'effacer devant nous,
nous avons choisi, nous, de ne pas nous effacer devant
ceux qui nous suivent (de ne pas renoncer a notre
jeunesse) . . . de ne pas nous effacer, c'est-à-dire de ne
pas devenir parents à notre tour ... Ainsi se crée, entre la
jeunesse éternelle et le refus d'être parent un lien
d'implication réciproque qui fait que l'une est à la fois la
condition et la conséquence de I'autre. Dans cette société
((jeune)) il n'y a plus de place pour I'enfance, tout comme il
n'y en a plus pour la maturité et la vieillesse.. . Quand rien
ne doit demeurer de ce qui a précède ma vie, pourquoi
faudrait-il que quoi que ce soit me survive ... I'enfant sera
toujours de trop ... A quoi ressemblera la mort lyrique ?
(RICARD, 1992 : 269,280)' »
Si cette génération vit une veritable crise de transmission générationnelle, elle la fait vivre aux autres cruellement, incapable ou refusant d'atteindre la maturescence (GOGNALONS-NICOLET, 1989), neologisme utilise par Claudine Attias-Donfut, et qui est ce moment ou les adultes, a leur tour, s'eloignent de leur propre jeunesse pour amorcer une nouvelle etape qui n'est pas encore la vieillesse, et qu'on pourrait appeler, par analogie, maturescence. Les deux âges 'critiques', I'adolescence, d'une part, la maturescence d'autre part, sont precisement ceux des protagonistes en presence dans ce temps fort de la confrontation adolescents/parents )> (ATTIAS-DONFUT, 1988 : 196). Elle vit aussi une crise profonde dans ses rapports hommes-femmes. Cette generation aura remis en question les rôles traditionnels des hommes et des femmes dans la societe sans recettes toutes faites pour s'adapter.
Le rapport fait etat des apprehensions de plusieurs baby boomers devant la retraite qui s'annonce et des conditions financieres qui leur seront faites (LEFEBVRE, 1993 : 293). Vu leur nombre, est-ce qu'il y aura encore assez d'argent dans les fonds de pension pour eux? Le rapport mentionne aussi I'absence dramatique et deprimante des jeunes dans les milieux de travail, absence qui a comme impact un isolement intergenerationnel qui aura aussi des consequences nefastes sur la transmission des savoirs dans ces milieux.
La question economique est peu presente dans ce rapport, sauf pour ce qui est d'une denonciation du liberalisme economique centre sur I'interet personnel, convenant bien aux tendances narcissiques de cette generation, de
I'augmentation des emplois precaires, particulierement chez les 20-35 ans, et
d'une gestion a court terme sans vision a long terme de I'economie et de la
chose publique (GRAND'MAISON, 1993 : 162-1 63 ).
Au chapitre six de ce rapport synthese, intitule Tension entre les generations, (LEFEBVRE 1995 : 143-1 63).
il est fait etat du fait que, meme si la recherche a devoile un vif malaise generationnel et qu'un conflit intergenerationnel ouvert pouvait 6tre apprehende, il est peu probable, cependant, que ce conflit se transpose sur le plan politique. Le faible poids demographique des jeunes generations et la culture individualiste adoptee par la majorite ne permettraient pas la mobilisation necessaire a une action politique efficace. Les conditions necessaires a un conflit ouvert ne seraient donc pas reunies. Les jeunes ne prendront donc pas le pouvoir et seule une nouvelle solidarite intergenerationnelle pourra permettre de corriger les injustices ressenties, que ce soit sur le plan politique, economique, culture1 et meme spirituel.
Nous ne pouvons que prendre conscience de la profondeur du sentiment '
d'injustice et de son etendu dans des cas concrets et bien documentes, rapportes dans tous les rapports d'etape, ainsi que du conflit intergenerationnel souterrain qui en resulte.
II semble bien que les bienfaits de l’état Providence tel que les pensions
de vieillesse, les allocations familiales, I'education gratuite, le bien-être social,
les foyers pour personnes igees, I'assurance sante, etc., auront favorise
I'autonomie des individus mais, aussi, une nouvelle forme perverse
d'individualisme (Castel, 1995 : 639).
Au Canada : l’État Providence et la dette publique
Si le débat sur I ‘équité intergénérationnelle n'eut peu ou pas d'écho dans la sphère politique canadienne dans les années 1980, il en fut tout autrement a la fin des années 1990 particulièrement au sujet de la dette publique canadienne de 600 milliards $ : fallait-il la réduire a m6me les nouveaux surplus budgétaires du gouvernement ou réduire les imp6ts ? En fin de compte, la dette fut réduite de 35 milliards $, au nom de I ‘équité intergénérationnelle, envers les générations futures2' pour les uns, mais pour satisfaire les exigences de Wall Street pour les autres, et les imp6ts le furent aussi, sans doute au nom de I ‘équité envers les générations présentes.
La compression des dépenses en pleine reprise économique amènera les deux niveaux de gouvernement, canadien et québécois, a réaliser des surplus budgétaires des 1999 et estimés a plusieurs milliards de dollars au cours des
prochaines années. Que faire de ces surplus ? Les patrons favorisaient des baisses d'impôts, les syndicats revendiquaient un rattrapage salarial, les associations communautaires plaidaient pour des reinvestissements dans les programmes sociaux et le monde de I'education reclamait sa part. Mais à peu près personne au Québec ne favorisait un plan de remboursement de la dette publique de 100 milliards de dollars, la reléguant sans sourciller aux générations futures.
L'appauvrissement des nouvelles générations : une injustice?
Déjà, en 1990, une étude sur la société québécoise constatait que la situationsociale et économique des aines et des adultes d'âge mûr s'améliorait, alors que celle des jeunes adultes se détériorait, que les pauvres étaient de plus en plus jeunes et que la precarite de I'emploi augmentait dans le groupe d'ige le plus susceptible de travailler a temps complet, soit entre 25 et 45 ans)). Les chercheurs voyaient mGme, deja en 1990, ((un retour en arriere et a des formes archai'ques de I'organisation du travail que I'on croyait revolues : precarite, salaires reels en baisse, absence de protection sociale)) etc.. Cette deterioration des conditions economiques et sociales des jeunes amene alors les chercheurs a conclure qu'il y a peut-Gtre la, audela de I'effet d'ige, ce qu'ils appellent sun effet de generation : en vieillissant, les jeunes retrouvent moins que ce que les autres avaient au meme âge.
II semble bien que I'effet de generation apprehende par Simon Langlois, qui dirigea cette recherche, semble se realiser aussi au Canada. Une étude de Statistiques Canada publiée en 1998 arrive a une conclusion identique : La situation du marche du travail s'est détériorée pour les jeunes, particulièrement les hommes, avec pour résultat qu'une proportion plus importante d'entre eux fait maintenant partie de ce que I'on appelle la main d'œuvre << auxiliaire >). Leurs perspectives de salaires semblent s'6tre détériorées constamment au cours des années 80.
La thèse de Chauvel est que le destin socioéconomique des générations se joue d'une façon décisive à I ‘arrivée à I'3ge adulte, entre 20 et 35 ans. Ses recherches démontrent que tout retard socioéconomique pris a ce moment ne peut être rattrape et est a la source de ce qu'il appelle /'injustice des générations. Cet appauvrissement ne pose pas necessairement, en soi, un probleme d'bquitk. Ce n'est que lorsqu'il est accompagne par I'enrichissement parallele et simultane d'autres generations, que la question de I'equite et de la justice (mot que Chauvel emploie dans le sens que nous donnons au mot equite) entre les generations, se pose :
En realite, il me semble que la seule regle de la justice
entre les generations soit celle qui permette aux
contemporains d'un temps, retraites ou non, de subir
ensemble les affres et de partager ensemble les benefices
de I'histoire sociale de I'ensemble des concitoyens. Elle
doit faire en sorte que I'annee de naissance n'apporte pas
de profits et de dommages specifiques, et que nu1
contemporain ne soit ecarte, selon sa generation, du
partage des richesses supplementaires de la societe de
son temps. (CHAUVEL, 1998 : 257)