Publié le 15 mai 2010 à 05h00 | Mis à jour à 05h00
Pourquoi des élections scolaires?
François Bourque
Le Soleil
(Québec) La ministre de l'Éducation vient d'annuler les élections scolaires prévues pour 2011 et planche sur l'idée de les faire coïncider avec les élections municipales de 2013.
La plupart des villes sont contre, mais les commissions scolaires y voient un moyen d'augmenter les taux de participation et de réduire les coûts. Sur la foi d'un sondage, elles soutiennent que 90 % des citoyens sont favorables à des élections simultanées.
Mon intuition est plutôt que 90 % des citoyens s'en foutent royalement.
La vraie question ne devrait pas être sur la possibilité d'élections simultanées, mais sur l'utilité des élections scolaires. Qu'avons-nous besoin de ces élections?
Moins de 8 % de taux de participation la dernière fois. Penser faire mieux en s'accrochant aux municipales est une vue de l'esprit.
Dans le meilleur des cas, on obtiendrait quelques points de pourcentage, mais plus probablement, rien du tout.
Ce n'est pas par hasard que les citoyens boudent les élections scolaires. Ils n'y trouvent aucun intérêt, car ils ne perçoivent aucun enjeu. Difficile de les blâmer.
Un commissaire ou l'autre, pas de différence. J'exagère, bien sûr. Certains sont plus dévoués que d'autres, plus énergiques, plus compétents. Mais pour plusieurs, être commissaire scolaire n'est qu'une école pour préparer une autre carrière.
Pas de projet mobilisateur ni de programmes politiques originaux.
Je ne me souviens même pas d'avoir vu de candidats faire campagne sur le taux de taxation scolaire, ce qui aurait peut-être allumé un peu de feu.
Le problème tient surtout au mandat des commissions scolaires : entretenir les écoles et les équipements, embaucher le personnel de soutien et organiser le transport scolaire.
Un rôle nécessaire, mais qui ne fera pas descendre les citoyens dans la rue, sauf le jour ou on voudra fermer une école.
Quant à la mission de services éducatifs, j'y vois beaucoup de bonnes intentions, mais surtout un fatras diffus et beaucoup de langue de bois.
Tenir des élections scolaires en même temps que des municipales n'y changera rien.
«La démocratie scolaire est aussi importante que la démocratie municipale», plaide l'ex-président de l'Assemblée nationale, Jean-Pierre Charbonneau, dans le magazine de la Fédération. «Les présidents des commissions scolaires ont autant de légitimité que les maires», ajoute-t-il.
Son argument : «L'éducation, c'est la clé de la réussite de toute société.» D'accord pour l'importance de l'éducation. Mais, pour le reste, foutaise.
La Fédération des commissions scolaires du Québec plaide que l'Ontario et le Nouveau-Brunswick tiennent des élections simultanées.
S'appuyant sur une récente analyse du Directeur général des élections (DGE), elle croit que c'est possible au Québec aussi.
Le problème est que les unions municipales ont trouvé dans ce même rapport d'excellents motifs pour s'y opposer.
Selon le DGE, la facture des dernières élections municipales a été de 52 millions $ et celle des scolaires, de 10 millions $. De nouvelles règles électorales scolaires feront grimper cette facture quoi qu'il advienne.
Dans son rapport, le DGE a étudié cinq scénarios d'élections scolaires-municipales simultanées. Il estime qu'un seul est réaliste pour 2013. La facture : plus de 106 millions $, excluant le personnel et l'arrimage des cartes électorales. Beaucoup plus cher que des élections séparées.
Deux expériences pilotes démontrent aussi que l'effet sur le taux de participation serait à peu près nul.
Le modèle des autres provinces ne permet pas de faire beaucoup de millage. Les environnements légaux sont différents, et il n'existe aucun chiffre sur les taux de participation aux élections scolaires en Ontario et au Nouveau-Brunswick.
La solution extrême : abolir les commissions scolaires. C'est ce que prône l'ADQ .
Le dernier rapport du vérificateur général (VG) du Québec apporte de l'eau à ce moulin.
Le VG constate des disparités dans les coûts de gestion de cinq commissions scolaires auxquelles il s'est intéressé.
Il en conclut que des économies sont possibles. En extrapolant, probablement plusieurs dizaines de millions par année.
On sera tous d'accord pour réduire les coûts de gestion. Abolir les commissions scolaires est une autre histoire.
Il faudra toujours un gestionnaire pour les immeubles scolaires, le transport, le personnel de direction et de soutien.
Confier ces responsabilités aux municipalités risquerait d'alourdir des machines qu'on trouve souvent déjà trop grosses.
Se tourner vers les écoles forcerait l'embauche de ressources locales supplémentaires qu'il faudra ensuite coordonner. On se demande où sont les économies et le gain de productivité.
À tout prendre, une commission scolaire bien gérée par des gens compétents bien choisis n'est peut-être pas un si mauvais calcul.
Le gouvernement vient de créer une table de concertation scolaire-municipal.
On y causera sans doute d'élections, mais il y a plus intéressant à faire.
Villes et commissions scolaires s'entendent déjà pour partager des locaux, des aires de jeux, des plateaux de sport; elles utilisent les mêmes rôles d'évaluation.
Peut-être est-il possible d'aller plus loin. Je pense à la perception des taxes, au transport, à la mise en commun de certains achats ou de services, etc.
N'importe quoi ou presque, sauf partager une date d'élections.
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