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LE DEVOIR
Rire en boîte - Un «Bye Bye» honnête mais sans plus des «Enfants de la télé»…
Stéphane Baillargeon 1 janvier 2011 12h57 Médias
Le couple Véronique Cloutier et Louis Morissette a gagné son pari de rédemption hier soir en servant un Bye Bye 2010 sans controverses mais tout de même juste assez piquant et irrévérencieux pour respecter la formule du traditionnel show de fin d’année de Radio-Canada.
Il y a deux ans, au contraire, les producteurs-scripteurs-comédiens avaient fait exploser la machine à plaintes avec une proposition multipliant les grossièretés et le mauvais goût. Même l’idée de passer l’éponge et d’offrir à ces deux-là une deuxième chance déplaisait beaucoup à beaucoup.
Défi relevé donc. Mais aurait-on vraiment pu s’attendre à autre chose, la direction ayant revu et approuvé les sketches trois fois plutôt qu’une, tout en évacuant les numéros en direct. Les deux stars ont fait appel à trois comédiens (Hélène Bourgeois-Leclerc, Joël Legendre et Michel Courtemanche) pour bonifier le rendu. Le quintette a tenu promesse, avec certaines imitations particulièrement bien campées, celles de Julie Snyder et Céline Dion notamment. La chanteuse finissait par dire de l’animatrice surexcitée : «J’ai assez hâte que [son mari] Pierre Karl Péladeau la mette en lock-out».
Ce Bye Bye 2010 ne s’est pas privé de piquer la concurrence ou les vedettes liées à l’empire Quebecor. Comme en 2008 quoi, mais cette fois de manière doucereuse, quasi inoffensive. Le jeune René-Charles Angélil-Dion n’était plus incarné par un nain chevelu mais par un enfant trop ordinaire glissant en arrière-plan sur un toboggan.
La nouvelle mouture a par contre poussé l’audace jusqu’à ramener l’humoriste Jean-François Mercier, source de bien des remontrances il y a deux ans. Le «gros cave» est apparu brièvement pour apostropher et menacer d’un bâton de baseball le défenseur de l’industrie gazière, Alain Caillé. M. Morissette a rendu la politesse à M. Mercier en participant brièvement à sa propre émission de fin d’année de la chaîne V intitulée M’a m’en faire un Bye Bye moé tabarnak…
Le vrai de vrai Bye Bye de Radio-Canada a aussi agité la carte de l’auto-dérision, une spécialité attachante de Mme Cloutier, cette fois avec une dérive de son émission Les Enfants de la télé devenue Les Restants de la télé. Joël Legendre a aussi goûté de la médecine douce-amère de l’autocritique.
Les politiciens et leurs déboires ont évidemment fait les frais d’une part des blagues oscillant pour le reste autour du show-bizz et des «pipoles». On a donc eu droit à des remarques ou des numéros complets sur l’impopularité record de Jean Charest, la commission Bastarache, les rêves de grandeur du maire Labeaume, les faiblesses du maire Tremblay et l’isolement du Canada sur la scène internationale. Dans ce cas, la simulation du Dîner de con, avec Stephen Harper dans le rôle central à la table des dirigeants du monde, paraissait particulièrement bien trouvée et rendue.
Honnête, sans plus
Cela souligné, le show ne s’est pas démarqué très favorablement pour autant. L’ensemble s’avère honnête, mais sans plus, avec plusieurs sketches tombant carrément dans la facilité, sans finesse, ni saveur. Ça bourre et ça se digère vite, comme trop de plats de la télé ordinaire, trop ordinaire. Et ce n’est pas la peine d’y revenir ce soir en reprise.
Le problème central provient de la mécanique humoristique elle-même, des ressorts comiques fondamentaux mis en action dans cette production. Les émissions de tous les grands réseaux généralistes ont fourni une très large part de l’inspiration aux scripteurs. Parfois, la caricature suffisait, par exemple pour ridiculiser Dubois en réalité, les interminables moutures de Lance et Compte (devenu Lance et Crampe, l’acharnement, à l’hospice) et les niaiseries ésotériques de Chantal Lacroix à TVA. Parfois et plus souvent en fait, la formule-type utilisait une référence populaire du petit écran en y introduisant des vedettes politiques, culturelles ou autres. Ce qui a alors donné Les Arriérés inspirés des Rescapés, pour mordre le cardinal Ouellet et On prend tous un arrière-train avec la sulfureuse Anne-Marie Losique. D’autres références pointaient vers les clips (Lady Gaga, Marie-Mai) ou les pubs (J’m’en Foutu), avec en gros la même logique, on se comprend.
Hier, Radio-Canada a donc servi un Bye Bye des «enfants de la télé» avec un peu, un tout petit peu de YouTube et de ciné. Cette proposition globale double pour ainsi dire la mise télévisuelle puisque les références culturelles viennent de là. Le Québec, déjà assez «looser» pour vivre le passage à la nouvelle année devant le petit écran (de l’aveu même de Mme Cloutier, en entrevue au Devoir il y a dix jours), se voit ainsi forcé d’ingurgiter en plus une concoction de copies d’émissions. Malgré ses faiblesses, le spécial de Et dieu créa… Laflaque, organisé autour d’un hommage au voyage d’Alice au pays des merveilles a fait la preuve que le contraire est possible : à la Saint-Sylvestre, on peut sortir de la stricte autofiction télévisuelle et de la télévision autoréférentielle.
RBO a bâti une carrière sur la caricature méchante du petit-écran et le portrait assassin des membres de l’Union des artistes. L’émission radio-canadienne 3600 secondes d’extase creuse encore très bien ces sillons sur une base hebdomadaire. Ne pourrait-on pas s’attendre à plus et surtout à autre chose dans une grande finale de fin d’année fignolée pendant des mois et qui coûte bonbon? Sinon, pourquoi ne pas demander à Marc Labrèche et à son équipe de carrément prendre le créneau?
Mieux encore : pourquoi ne pas tout simplement finir l’année avec Infoman? Jean-René Dufort a encore prouvé son talent et sa pertinence avec son propre bilan de l’année diffusé avant le Bye Bye. C’était drôle (sans être hilarant), juste assez «baveux», un tantinet flagorneur, mais l’essentiel y était, y compris la tragédie haïtienne rappelée par une chanson de Damien Robitaille servie comme un leitmotiv.
Cette politesse du désespoir manquait au Bye Bye 2010 qui n’a fait finalement que rigoler sans angoisses ni remords. Ce n’était que du rire en boîte quoi…