La télé: nouvelle forme de totalitarisme?
Marie-France Pellerin
26-01-2011 | 17h32

À l’heure où la télévision repousse constamment les limites, imposant même comme normes l’humiliation, la violence et le sadisme, pourrait-elle éventuellement organiser une mise à mort aux fins de divertissement?
C’est la question que soulève le documentaire français Le jeu de la mort, qui sera diffusé en grande première sur une chaîne québécoise, le 30 janvier, à Canal D.
Portant sur le pouvoir de la télévision et l’obéissance, le film, présenté l'an dernier sur France 2, a suscité la controverse et soulevé un débat dans l’Hexagone.
Au terme de sa vie, selon des statistiques françaises, un adulte aura passé en moyenne 123 187 heures devant son téléviseur, soit 14 années de son existence.
Voilà matière à se pencher sur le phénomène de la télévision.
L’auteur et producteur Christophe Nick s’est ainsi entouré, en 2009, d’une équipe de spécialistes, dont le psychologue Jean-Léon Beauvais, afin de reprendre dans une mise en scène télévisée l’expérience de Milgram qui, dans les années 1960, avait démontré que l’homme pouvait exécuter les pires atrocités s’il jugeait légitime l’autorité les lui ordonnant.
Les sujets de cette nouvelle étude se sont vus confier le rôle du questionneur d’un jeu télévisé, La zoneXtrême. Leur mandat? Administrer des décharges électriques de plus en plus fortes (jusqu’à 460 volts) à un concurrent répondant incorrectement aux questions.
Quelque 80 questionneurs, seulement informés qu’ils tourneraient un pilote de cette émission et ne remporteraient par conséquent aucune somme d’argent, ont été choisis parmi 2500 volontaires.
Un concurrent subissait les sévices dans une cabine close. Il s’agissait en fait d’un acteur qui réagissait de plus en plus dramatiquement aux chocs, demandant même l’arrêt du jeu.
Influencés par l’animatrice, implacable, 80% des questionneurs sont allés au bout de l’expérience. Seulement 16 questionneurs ont abandonné, malgré les encouragements du public, les caméras braquées sur eux et l’animatrice, inflexible: «Vous devez continuer. Ne vous laissez pas impressionner», disait-elle aux participants.
Conclusions exagérées?
L’histoire ne nous a-t-elle pas appris à désobéir aux ordres abjects? A priori, non. Jean-Léon Beauvais explique néanmoins le comportement des candidats ayant complété le jeu par divers éléments, dont la propension naturelle à l’obéissance des êtres humains, qui vivent avec un ensemble de règles apprises dès la naissance.
Le pouvoir qu’a acquis la télévision est relativement terrifiant, selon Beauvais. Mais peut-on réellement se baser sur seulement 10 jours d’observations avec, de surcroît, un échantillon plus ou moins représentatif de l’ensemble des téléspectateurs – les candidats se portant volontaires à un jeu télévisé sont inévitablement déjà sensibles à la télé –, pour instituer la télévision comme nouvelle autorité?
«La télévision est à ce point puissante que son emprise sur la plupart des individus dépasse d’autres systèmes d’emprise, comme par exemple (…) la religion», dit-il.
Sans doute, mais on ne parvient pas à démontrer clairement son pouvoir sur les téléspectateurs en général.
Et doit-on réellement conclure que «la télévision peut sans contestation possible organiser demain la mort d’un individu» et que «huit personnes sur dix s’y soumettront?»
Le jeu de la mort sera présenté en primeur à Canal D, le dimanche 30 janvier, à 19 h.
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