18 Avril 2011
08:48 am, Richard Martineau
Au-delà du rire
Il y a trois semaines, j’ai publié une chronique sur l’humoriste français Coluche, qui s’était présenté aux élections présidentielles en 1981, afin de parler au nom des gens qui en avaient marre que rien ne change, quel que soit le parti au pouvoir.
Plusieurs lecteurs m’ont écrit pour me dire que le temps était venu qu’un Coluche québécois se pointe et fasse le même coup.
LE GROS CAVE
Jean-François Mercier (alias « le gros cave »), qui se présente comme candidat indépendant dans Chambly-Borduas, sera-t-il l’agitateur attendu ?
Plusieurs l’espèrent. Il en a l’audace et le mordant. Et les 870 000 internautes qui se sont régalés de son spectaculaire pétage de plomb contre Bell Mobilité sur YouTube savent qu’il a un talent particulier pour dénoncer l’inefficacité et la mauvaise foi.
Mais il faudrait, pour devenir le Coluche québécois, que Mercier soit moins absurde et plus subversif.
LE RETOUR DU RHINOCÉROS
Lorsqu’il a lancé sa campagne, le king de V a promis que s’il était élu, il allait prolonger l’été indien d’une semaine, installer des flotteurs sur le pont Champlain et interdire la vente de drogues aux nains et aux sourds.
C’est rigolo. Mais c’est le genre de blagues incongrues, loufoques (et, disons-le, assez inoffensives) que les candidats Rhinocéros lançaient, dans le temps.
Ce que j’aimerais, c’est un peu plus de Bill Maher et un peu moins de Paul et Paul.
En tant que « vrai » candidat dans une « vraie » élection, Jean-François Mercier jouit d’une formidable tribune (même s’il n’est qu’un petit candidat indépendant dans un petit comté).
Ça serait bien qu’il s’en serve pas juste pour faire des blagues, mais pour — comme Coluche l’a fait il y a 30 ans — brasser la cage et débusquer la bêtise, la fourberie et l’hypocrisie.
LE MARTEAU-PIQUEUR
« Aux grands maux, les grands moyens », dit l’adage.
Dans les années 60-70, l’humour absurde du Parti Rhinocéros (qui a été fondé par le docteur Jacques Ferron afin de se moquer du régime fédéral) faisait peut-être « la job ».
Mais nous sommes en 2011. À la suite d’une série de scandales et de révélations toutes plus fracassantes les unes que les autres, le cynisme et l’écoeurement des électeurs ont atteint un sommet inégalé dans l’histoire du Québec.
L’heure n’est plus à l’humour gentillet mais à la satire décapante.
Chatouiller le système avec une plume était peut-être drôle il y a trente ans. Aujourd’hui, il faut le pilonner avec un marteau-piqueur.
TOUS LES CLOUS
Mercier ne manquera pas de cibles, car l’imbécilité ne connaît aucune frontière idéologique. Elle se tapit autant à gauche qu’à droite, et autant chez les tenants du fédéralisme que chez les adeptes de la souveraineté.
Même si Coluche avait le cœur à gauche, il tapait partout, autant sur les grosses entreprises que sur les syndicats corporatistes. Sa colère et son ras-le-bol ne logeaient à aucune adresse et ne connaissaient aucune limite.
PARTI D’EN RIRE
« Sans parti-pris, nous avons pris le parti de prendre la tête d’un parti jusqu’à ce qu’une bonne partie des partis soient partis », chantaient Pierre Dac et Francis Blanche dans les années 60.
C’était amusant.
Mais l’heure, maintenant, n’est plus à rire. Il est à rugir.
Go, le gros cave, go !
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