lolilou a écrit :
Sérieusement, allez voir ça.



Merci d'avoir remis ton lien!
je suis assez d'accord avec ce texte, j'aime mieux voter pour le moins pire des possibles gagnants (selon mes goûts personnels), que de voter pour un parti qui n'a aucune chance de gagner. Surtout dans cette élection....Jannic a écrit : http://blogues.journaldemontreal.com/bo ... rategique/" onclick="window.open(this.href);return false;
Petit éloge du vote stratégique
Mathieu Bock-Côté - 18 août 2012
On s’indigne beaucoup, ces jours-ci, contre le «vote stratégique». On le présente comme une trahison de la démocratie. Comme le signe ultime de sa corruption. Comme une évacuation de l’idéal du cœur de la cité. Comme une réduction instrumentale du droit de vote. Voter stratégique, cela consisterait à trahir ses convictions, à les ranger au placard, en votant non plus pour le meilleur, mais pour le moins pire. Évidemment, cette dénonciation du vote stratégique est très présente chez les petits partis qui veulent se faire une place à l’Assemblée nationale. C’est de bonne guerre. Elle témoigne pourtant d’une dépolitisation en profondeur de la démocratie contemporaine. Voyons pourquoi.
On entend plusieurs justifier leur désaffection envers la politique en disant : je n’ai aucun parti qui me représente exactement. Dans un tel scénario, certains se disent : pourquoi ne pas se réfugier dans la marge, en votant pour un tiers parti qui ne prendra pas le pouvoir mais qui représente «ma» vision? Un parti qui «me» représentera vraiment (notez ici l’importance du me, du ma, du moi). D’autant plus qu’un parti qui ne risque pas de prendre le pouvoir peut promettre plus que les autres: ses promesses ne l’engagent pas et il le sait. Il risque davantage de satisfaire les consommateurs d’absolu. Il risque aussi de satisfaire ceux qui se situent en dissidence par rapport à l’ensemble de la société. Il fournit à ceux qui le supportent un sentiment de pureté.
Je parlais du «je, me, moi». Il y a là un effet de l’individualisme contemporain, qui se vit comme une recherche d’authenticité. Rien n’est plus important pour l’individu contemporain que son authenticité. L’individu se voit de moins en moins dans un collectif qui l’oblige à faire des compromis. Surtout, il personnalise à outrance tout ce dans quoi il s’engage. Il ne consent plus au grand écart inévitable entre ses préférences personnelles et les possibilités collectives. La conséquence démocratique de cela, c’est souvent l’abstention et c’est aussi la multiplication des petits partis qui prétendent satisfaire une clientèle idéologique spécialisée. On fera tout cela en dénonçant le cynisme – un terme fourre-tout qui explique moins qu’il n’embrouille la réalité.
Car la dénonciation du cynisme masque souvent une compréhension plus limitée qu’on ne le dit de la politique. Si tout ce qui n’est pas de l’authenticité idéologique pure est du cynisme, nous sommes en mauvaise situation. On oublie que la politique n’est pas la morale, et qu’en politique, on ne vote pas seulement pour ses idéaux, mais aussi pour celui qui a le plus de chance de les appliquer – et il arrive souvent que sur un bulletin de vote, le défenseur des idées pures n’est pas le même que celui qui peut les appliquer. Ou encore, on vote pour le moindre mal, en sachant que mieux vaut une position de repli insatisfaisante qu’un gouvernement absolument contraire à nos convictions. On l’a souvent dit : la politique est l’art du possible. La politique concerne l’intérêt public : elle touche davantage la défense toujours complexe du bien commun qu’une quête d’absolue plus ou moins mystique.
La politique et la morale ne sont évidemment pas sans lien. La première sans la seconde est pur pouvoir. Mais la seconde sans la première est impuissante. Et de fait, si on soumet la politique à la tentation de la pureté idéologique, on risque bien de la condamner à l’impuissance. Celui qui préfère être bien dans sa peau dans l’opposition plutôt que d’assumer le pouvoir avec les contradictions existentielles qui l’accompagnent ne distingue finalement pas l’absolu idéologique du bien politique. Surtout, il risque de voir au pouvoir des gens avec qui son désaccord sera encore plus radical. Ce qui radicalisera paradoxalement sa dissidence avec la société.
J’applique mon raisonnement à l’élection actuelle, en faisant les nuances qu’il faut. Il y a trois partis qui peuvent prendre le pouvoir : le PQ, le PLQ, la CAQ. À côté du premier, on trouve deux petits partis, Québec solidaire et Option nationale, qui lui grugent des votes (même si QS a sa propre base électorale, qui, aussi petite soit-elle, ne recoupe pas nécessairement celle du PQ). Certains militants très à gauche ou très indépendantistes se disent alors : le PQ veut gouverner même s’il ne réussira pas à faire l’indépendance ou à accomplir pleinement la promesse de la social-démocratie – il est donc infidèle à la cause (comme s’il suffisait de vouloir l’indépendance pour la faire, comme s’il n’y avait pas d’adversaires résolus à cette cause). Ils disent alors : mieux vaut voter avec mon cœur pour un tiers-parti souverainiste que de perdre mon âme en votant pour des souverainistes pas aussi parfaits qu’on le souhaiterait.
Ce que disent les militants des petits partis, c’est : les trois partis en lice pour le pouvoir ne sont pas fondamentalement différents. Ils devraient pourtant vérifier ce qui se dit dans chaque camp pour se convaincre du contraire. En ce moment, le PQ provoque une peur bleue (oui, c’est un jeu de mot) chez les adversaires de la loi 101 et chez les fédéralistes les plus radicaux. Ils ont bien vu ce que les indépendantistes tentés par la marge ne voient pas : que la gouvernance souverainiste et identitaire du PQ pourrait faire renaître la question nationale plus rapidement que ne le feront tous les plaidoyers incandescents pour l’indépendance devant une foule déjà convaincue. Inversement, les syndicats et les groupes communautaires savent très bien qu’un vote pour la CAQ risquerait de provoquer une crise au sein du modèle québécois, tant leurs privilèges acquis au fil des décennies seraient compromis par l’application d’un programme de «réforme de l’État».
Je retourne la question dans l’autre sens. Je l’ai dit, en certains milieux, on prophétise l’apocalypse en cas d’élection du Parti Québécois. On se demande alors une chose : comment faire pour battre les séparatistes ? Comment empêcher le PQ de former un gouvernement, et plus encore, de former un gouvernement majoritaire? C’est un calcul politique élémentaire et légitime pour ceux qui redoutent un renforcement de la loi 101. C’est ce qu’on appelle faire de la politique. C’est ce qu’on appelle travailler à la concrétisation de ses convictions plutôt que voter pour obtenir au moment de déposer son bulletin dans l’urne la satisfaction idéologique d’avoir été authentique.
J’en reviens à la question de fond: le vote stratégique, c’est l’autre nom d’un rapport adulte à la démocratie. Je le redis: la politique n’est pas une excroissance de la morale. À son meilleur, elle est responsable du salut public, pas du salut de notre âme. Il y a une part inévitable de calcul dans le vote. Surtout que les partis, quoi qu’on en pense, sont des coalitions qui arbitrent des points de vue à l’occasion complémentaires, à l’occasion contradictoires, et pourtant obligés de s’allier parce qu’il faut bien prendre le pouvoir.
Voter stratégique, cela ne consiste pas à renoncer à ses convictions, mais à mettre ses convictions à l’épreuve du réel plutôt qu’à les garder intactes dans une bulle. Mieux vaut gagner à 75% que perdre à 100%. C’est la vraie logique du pouvoir démocratique. Celui qui préfère l’opposition vertueuse à l’imperfection d’un pouvoir qui permet pourtant de transformer, même incomplètement, ses idéaux en réalité, oublie quelque chose de fondamental : que la démocratie est une manière d’exercer le pouvoir. Et non d’y renoncer. En politique, il ne s’agit pas seulement d’avoir raison, de temps en temps tout seul dans son coin. Il s’agit de gagner.
exact, je pense pareil.bouquet a écrit : [...]
je suis assez d'accord avec ce texte, j'aime mieux voter pour le moins pire des possibles gagnants (selon mes goûts personnels), que de voter pour un parti qui n'a aucune chance de gagner. Surtout dans cette élection....
Un gros merci Jannic pour avoir mis ce texte.Jannic a écrit : http://blogues.journaldemontreal.com/bo ... rategique/" onclick="window.open(this.href);return false;
Petit éloge du vote stratégique
(...)
lolilou a écrit : J'ai déjà mis le lien y-a un peu moins de deux semaines environ, mais je le remets parce que je trouve ça hyper intéressant : http://www.ledevoir.com/30-electeurs" onclick="window.open(this.href);return false;
On peut écouter une vidéo chaque jour sur une personne parlant de ce qu'elle pense de la démocratie. Y-a des gens de tous les horizons, et de toutes allégeances (je le précise parce que je sais que certains vont penser : ouai, un lien vers Le Devoir, encore un truc de la gau-gauche. Ben pas du tout)
En plus il faut deviner pour qui votera la personne pour pouvoir visionner chaque vidéo (des fois, c'est étonnant, d'autre fois pas pantoute)
Sérieusement, allez voir ça.
Merci, c'est chouette de voir ça. J'aime bien celle des montgolières... la dernière estDanie a écrit : Pendant une pause jardinage, je regardais les caricatures du journal de Gazette sur l'élection.
Les préoccupations semblent similaires sur certains points.
Les caricatures sont habituellement classées dans la section "Opinion" des journaux. Pas dans les bandes dessinées...![]()